CHAPITRE 1 - PREMICES DE GUERRE

Le manufactorum Alijes tirait son ombre sur la forêt avoisinante, bâtiments et végétation se peignaient de couleurs oranges et rouges alors que les deux soleils de Navida Prime plongaient à l’horizon. Le manufactorum se situait dans un secteur récement déclaré “zone de conflit Ork”, mais avec l’effort de guerre en direction de Nectavus VI les renforts se faisaient rares. Le lieutenant Fagris, un vétéran de la première campagne de Sacaellum, faisait sa tournée d’inspection. Dans les entrailles du manufactorum les adeptes de l’Omnimessie vaquaient nuit et jour à leurs cryptiques et obscures tâches. Les hommes du lieutenant s’étaient installés aux points d’accès stratégiques. Armes lourdes, projecteurs, plusieurs Lemans russ en appui-feu et il pouvait compter même sur un appui aérien conséquent de la ruche de Vamii en moins de seize minutes. Mais surtout, ils étaient très loin d’un potentiel front.

L’attaque avait été aussi soudaine que violente. Au milieu de la nuit des orks maquillés de noir avaient surgit à quelques mètres à peine du périmètre de sécurité. Les premiers défenseurs avaient été fauchés par le rideau de feu des sluggas. Le lieutenant Fargis avait reprit le contrôle de quelques positions défensives d’une charge héroïque pour tourner les bolters lourds vers la cour intérieure où les Lemans Russ, tous sabotés, avaient été rapidement détruits. Son escouade avait ouvert le feu sur les assaillants aussi longtemps que les munitions le permettaient mais ils avaient été obligés de se replier à l’intérieur du complexe. Ils défendirent encore couloir après couloir jusqu’à se retrancher dans la grande salle des cogitateurs. Les quelques hommes valides poussaient du mobilier pour barricader la porte principale, les autres s’occupaient des blessés, tous les membres de l’Adeptus Mechanicus se tenaient dans le fond de la salle. Au loin chacun pouvait entendre les bruits d’explosions ou les cris des camarades isolés mourir dans une dernière charge déseperée. Le responsable-vox, le jeune sergent Garmal, s’approcha de son supérieur en courant.
“Mon Lieutenant... commença-t-il livide, ils… ils ont annulé l’appui aérien. Personne ne vient pour nous aider.”
“Mais, articula lentement le lieutenant Fargis, c’est impossible. Personne n’a l’autorité nécessaire pour...”
“Si. Moi.”
Un affreux personnage s’était glissé à l’intérieur de la salle par une trappe d’accès menant aux souterrains scellés. Il était flanqué de deux membres de l’Adepta Sororitas et portait sur la poitrine la terrifiante rosette de l’Inquisition.
“Inquisiteur Caius Wroth, ajouta-t-il de sa voix éraillée comme seule explication pour son apparition soudaine. Puis il se dirigea d’un pas assuré vers les membres de l’Adeptus Mechanicus. Derrière lui les gardes impériaux interloqués s’échangaient des regards perdus.
Un énorme coup de bélier fit trembler la porte principale de la salle. Les gardes se jetèrent pour la bloquer.
“Gerontocrate Pelvum Torr ? demanda l’inquisiteur.
“C’est moi, répondit un individu entièrement caché sous une longue robe rouge d’où sortait de multiples mécadendrites.
“Pouvez-vous me désigner un membre de votre équipe qui sait entretenir la relique mais qui ne saurait pas s’en servir ?”
Le technoprêtre échangea une série de sons stridents avec ses coréligionnaires. Puis un jeune adepte s’avança.
“Le transmecanicien Jogan Trevor, annonça le technoprêtre.
Un second coup de bélier vint ébranler la porte, la moitié des gonds cédèrent sous la violence du choc. Impassible Caius Wroth posa une main squelettique sur l’épaule du jeune homme.
“Gerontocrate Pelvum, vous me confirmez que toute l’équipe qui s’occupe de ‘ce-qui-est-en-bas’ est ici et qu’elle est la seule à savoir s’en servir ?”
“Tout à fait, répondit le technoprêtre avec une certaine fierté dans la voix.
L’inquisiteur leva son pistolet, les soeurs de bataille leurs bolters, en l’espace d’un instant les membres de l’Adeptus Mechanicus furent réduit à l’état de pulpe par les projectiles explosifs.
“Merci, conclut l’inquisiteur alors que le dernier adepte s’effondrait sans vie.
Dans la salle les gardes avaient braqué leurs armes par simple reflexe de survie. Sans leur prêter la moindre attention l’inquisiteur se tourna vers la porte principale soudain devenue étrangement calme. Celle-ci grinça une dernière fois puis céda, un cadavre de nob ork s’effondra avec elle. Il n’y avait plus un bruit dans le couloir plongé dans le noir. Les gardes reculèrent instinctivement vers le fond de la salle. L’inquisiteur s’avança seul.
“Mentor Agnok, articula Caius Wroth à voix haute tout en tirant une respecteuse reverence.
Il eut un bruit de claquement de bec, puis une forme massive se dessina dans l’obscurité. Un kroot titanesque sortit de l’ombre. Ses mains étaient couvertes de sang jusqu’aux avant-bras et de son bec pendait encore quelques lambeaux de chair.
“Que vouloir homme ? articula la creature dans un bas gothique approximatif.
“Je sais ce que que vous êtes venus chercher.”
“Toi voulais le donner à Snagbrat !”
“C’était une éventualité, concéda l’inquisiteur, mais nous pouvons faire affaire.”
“Et moi pouvons te tuer, cracha le chef kroot en levant lentement son fusil barbelé.
“Ce serait dommage, répondit Caius en ouvrant un bras vers le fond de la salle, il se trouve que toute l’équipe capable de se servir de ce que vous êtes venus chercher vient de trouver la mort.”
Le kroot fit un pas en avant pour contempler le carnage, puis jeta un regard noir à l’inquisiteur, son bec claqua plusieurs fois rapidement comme de frustration.
“Quoi toi en échange pour ?”
“Kith a envoyé son lieutenant Liatha sur Navida Prime, commença Caius, il me faut ce avec quoi elle est venu.”
Agnok se redressa de toute sa taille, sembla reflechir, puis tendit une main gluante de sang vers l’inquisiteur.
“Marché conclu.”


CHAPITRE 2 - DECHIRER LE VOILE

Le transmécanicien Jogan Trevor jouait nerveusement avec la boucle de sa ceinture de sécurité. En face de lui, la soeur de bataille de l’escorte de l’inquisiteur Caius Wroth le regardait fixement. Quand l’inquisiteur entra dans l’habitacle de la valkyrie Jogan bondit de son siège.
“Monseigneur ! Il y a un problème.”
Derrière l’inquisiteur la seconde soeur de bataille referma la porte latérale, déjà les turbines de l’engin commencèrent à rugir.
“De quel ordre ?” s’enquérit sans grande conviction le vieil homme.
“C’est ma femme. J’ai perdu la communication avec elle. Mais elle était en route pour ici.”
La valkyrie s’éleva dans un mouvement brusque. A l’intérieur de l’habitacle ceux qui n’étaient pas encore assis s’accrochèrent à ce qu’ils pouvaient, Jogan continuait sa supplique tout en essayant de suivre l’inquisiteur qui se dirigeait vers le poste de pilotage malgré les secousses.
“Nous devrions peut-être l’attendre.”
“Je vous ai demandé d’emporter l’essentiel avec vous n’est-ce pas ?” cria l’inquisiteur pour couvrir le rugissement des moteurs.
“Tout à fait monseigneur.”
“Bien. Vous n’avez donc besoin de rien de plus.”
L’inquisiteur entra dans le poste de pilotage, Jogan sur ses talons referma la porte d’accès, le volume baissa d’un coup. Le vieil inquisiteur s’était calé debout derrière les deux pilotes, Jogan vint se mettre à ses côtés.
“Je dis cela monseigneur car vous m’avez parlé d’une menace. Alors j’ai pensé que….”
Caius tourna sa tête décharnée vers le jeune transmecanicien.
“Où est-elle votre femme ?”
“Aux dernières nouvelles dans le secteur AR-A5.”
L’inquisiteur sembla reflechir un instant.
“Alors vous pouvez aller vous rassoir. A l’heure qu’il est, elle est déjà morte. Notre ennemi ne fait pas de quartier.”
Jogan blémit. Il articula dans le vide avant de retrouver la voix.
“Comment ça, lâcha-t-il vivement, AR-A5 est au milieu du dispositif de la forge de Elova III. Nos meilleurs régiments la défendent et même une cohorte Skitarii se trouve sur place. Et nous aussi d’ailleurs...”
Mais personne ne lui prêtait plus attention. L’inquisiteur était en grande discussion avec le copilote. Le pilote lui luttait pour maintenir un semblant de stabilité. Des échos de centaines de communications se déversaient des voxcoms du cockpit. Jogan se déplaça incrédule jusqu’à un hublot.
En dessous de lui s’étendait l’immense complexe, fleuron de l’industrie impériale. Et dans chaque rue, sur chaque toit, sur chaque passerelle régnait un chaos sans pareil. Des tirs, des explosions, des accidents. Et partout des milliers d’organismes vivants qui se jetaient sur tout ce qui tenait une arme, des voraces, les plus petits organismes tyranides. Devant eux une tour de défense vacilla alors qu’un gigantesque carnifex en défonçait la base. Autour de la créature des milliers de voraces se glissaient déjà par l’ouverture, Jogan vit disparaître les défenseurs, dévorés vivants avant même d’avoir pu lever leur arme. La tour balança dans un craquement sinistre, le pilote tira violemment sur le manche pour éviter la chute de la structure, elle frôla la carlingue de l’appareil et vint s’écraser sur un train de marchandise qui roulait à pleine vitesse.
Le chaos continuait à défiler sous ses yeux. Ici un Leman Russ isolé tirait des obus dans une rue dégagée, chaque tir ouvrait une plaie géante dans la horde de voraces qui s’approchait de lui, l’instant d’après, telle une vague, le trou s’était déjà refermé. Là un détachement de sentinelles ouvrait le feu de leurs multilasers, manoeuvre désespérée qui n’affaiblissaient pas un instant un ennemi qui ne ralentissait que pour dévorer ses propres morts. A perte de vue le complexe était noyé sous une marée de voraces. Jogan restait là, hypnotisé par le spectacle improbable et terrifiant. Soudain il fut tiré de sa torpeur par un mouvement singulier sur le toit d’une usine à l’horizon. Par réflexe il harmonisa son esprit avec les auspex de la Valkyrie, sa vision se mêla avec celle de l’esprit-machine et le toit lui sembla tout d’un coup très proche.
“Inquisiteur !” s’écria-t-il.
Caius, en pleine analyse d’un écran, se redressa.
“Ma femme ! Elle est là-bas ! Elle est vivante.”
L’inquisiteur plissa les yeux dans la direction que pointait Jogan.
“Pilote ?” demanda-t-il.
“Nous survolerons la localisation dans dix minutes.” répondit le pilote après avoir vérifié ses instruments.
Caius retourna à son écran de bataille. Jogan s’interposa.
“On ne va pas la chercher ?”
Caius le poussa sans violence, comme on pousse un enfant.
“Son espérance de vie dans cette zone de bataille est de trois minutes. Et c’est une estimation haute, ajouta-t-il avec calme.
“Et si elle est encore en vie quand nous survolons la zone ?” demanda Jogan un ton de défi dans la voix.
L’inquisiteur s’arrêta un instant pour considérer la question, il effaça un début de sourire sadique sur son visage parcheminé.
“Oh ! Mais dans ce cas nous procéderons à une extraction. L’Empereur m’en voudrait de laisser derrière une si excellente… que fait votre femme déjà ?”
“Elle est infirmière.”
“... une si excellente infirmière.” termina Caius d’un ton ironique.

Le secteur entier était noyé sous les organismes hostiles, les derniers défenseurs des usines se faisaient dévorés sous leurs yeux. Quand de l’usine s’éleva une gigantesque gerbe de flamme des milliers de voraces périrent instantanément carbonisés par le prométhium. Le grand réservoir de liquide inflammable vacilla un instant puis dans un bruit de tôle ployante effroyable puis vint s’écraser sur le toit attenant. Suspendue au bout d’une antenne une jeune femme se balança entre les deux bâtiments et vint rouler sur le toit fraîchement nettoyé de toute menace tyranide. Déjà le long des murs, les voraces recommençaient à grimper.
Depuis la valkyrie en vol stationnaire Caius regardait la scène fortement impressionné. Il jeta un regard admiratif à Jogan.
“Votre femme a plus de ressources que je ne l’aurai imaginé.”
“Vous m’avez donné votre parole, répondit Jogan angoissé qui voyait déjà les voraces atteindre le niveau du toit.
L’inquisiteur fit un signe, une soeur de bataille lança un filin pendant que la seconde couvrait l’arrivée de la jeune femme de quelques tirs de bolter parfaitement ajustés. La horde de voraces se referma sous les pieds de la survivante alors que le filin la tractait dans les airs.
Une fois tirée à l’intérieur la jeune femme s’effondra au sol. Jogan se jeta à son chevet.
“Miro !”
L’inquisiteur, qui était reparti vers le cockpit, se retourna. Jogan secoua sa femme une seconde fois puis prenant conscience de ses multiples brûlures, la serra contre lui plus délicatement.
“Miro ! Par le Trône ! Tu ne peux pas abandonner maintenant.”
La jeune femme toussa, rouvrit les yeux, puis l’attrapa par le col.
“T’as cru que tu allais te débarrasser de moi aussi facilement ?” articula-t-elle avec difficulté.
Caius esquissa ce qui pouvait ressembler à un sourire amusé et repartit vers le cockpit.
“Bonnes retrouvailles transmcanicien Jogan Trevor, conclua-t-il d’un ton neutre.

La nuit était tombée sur Navida Prime. Au loin la ruche d’Elova III brûlait, encore illuminée par les combats désespérés des habitants contre l’envahisseur tyranide. Sur une colline avoisinante la valkyrie s’était posée en pleine végétation. Autour du feu de camp Jogan réconfortait sa femme, enveloppée dans une couverture de fortune.
“Qu’est-ce que nous attendons ? s’enquerra-t-il auprès de l’inquisiteur.
“Des alliés.”
“Quand est-ce qu’ils sont censés arriver ? Miro a besoin de soins.” continua Jogan anxieux. Miro lui posa une main sur la joue pour le calmer.
“Je vais bien”, lui murmura-t-elle.
“Ils ne devraient pas tarder, répondit l’inquisiteur sans prêter attention au ton du jeune transmécanicien, ils viennent de la citadelle de Vamii.”
Jogan réfléchit un instant. Il avait été amené à travailler plusieurs fois à la citadelle, il en connaissait les systèmes de défense. Le désespoir commença à l’envahir, il fit retomber sa ration sur ses genoux.
“La citadelle de Vamii ? Mais vous avez vu ce qui est arrivé à Elova III ?” lâcha-t-il alors que d’un geste désespéré il pointait les rougeurs de l’immense incendie à l’horizon, témoin de la défaite impériale.
“La Citadelle de Vamii ne tombera pas.” commenta Caius en poussant une bûche dans le feu.
“Elle n’a même pas un centième des défenses d’Elova III....” poursuivit Jogan d’un ton plaintif.
L’inquisiteur releva la tête. Il garda le silence. Une soeur de bataille se leva, bolter en main, les pilotes de la valkyrie se mirent sur leurs jambes rapidement. Un bruit sourd commençait à se faire entendre. Tout le monde se tint aux aguets. Lentement, comme sous le poids de son grand âge, l’inquisiteur se leva à son tour. Dans le ciel noir le bruit sourd avait fait place à un vrombissement. Un storm raven jaune surgit des ténèbres et vint se poser dans la clairière à côté de leur valkyrie.
Caius tourna la tête vers Jogan.
“La citadelle de Vamii ne tombera pas. Parce que le Maitre de la Forge des Imperial Fists, Atornus Geis, en organise la défense.”

Au petit matin Jogan se tenait assis au fond de la valkyrie vide avec sa femme. Toute la nuit Caius et les Imperial Fists avaient discuté avec des hauts responsables et des dignitaires de l’Administratum.
“Tu te rends compte, souffla-t-il encore à sa femme, un Maitre de la Forge, ici sur Navida Prime ?”
Miro passait une crème sur sa peau brûlée par son atterrissage sur le toit enflammé en l’écoutant avec attention.
“Sa connexion avec l’omnimessie dépasse l’entendement. Il… il…, Jogan en perdait ses mots, tu sais où il a été entraîné ?”
Miro secoua la tête.
“Sur Mars ! La Planète Sacrée ! Le plus grand monde-forge de l’Imperium !”
L’exposé de Jogan fut interrompu par l’arrivée d’un groupe entier qui embarqua dans l’habitacle. Les pilotes firent tourner les turbines et chacun s’attacha à son siège.
Caius Wroth prit place au centre, en face de lui s’installa un noble des hautes spires accompagné de deux gardes du corps. Les deux importants personnages étaient en grande discussion.
“...pourtant le transmécanicien serait en sécurité à la Citadelle. Avec ce qu’il sait sur ce qui a été volé au manufactorum Alijes.” reprit le noble.
“En sécurité. Contre les forces de l’extérieur certainement, répondit Caius impassible.
“En existent-ils d’autres ? nota son interlocuteur incrédule.
La valkyrie prit son envol, par le hublot Jogan pouvait voir qu’une escorte de stormtalons et plusieurs autres valkyries remplies d’officiels volaient avec eux.
“J’ai besoin de ces détachements Leisim, reprit Caius.
Le noble se recula dans son siège. D’un main distraite il caressa ses bagues incrustées de pierres précieuses.
“La maison Olivarn est un humble serviteur de l’Inquisition, commença Leisim d’un ton diplomate, avec la chute d’Elova III ces questions deviennent des questions de survie. Mes détachements sont à votre disposition sans conditions.”
“Merci Leisim. Votre loyauté en ces temps troublés est honorable.”
“Une fois cette affreuse invasion xeno repoussée, j’espère que votre vénérable ordre saura reconnaître ceux qui se sont tenus à ses côtés.”
Le vieil inquisiteur hocha de la tête d’un air entendu.
“Où doivent se déployer les troupes ?” demanda encore le noble en faisant un signe à l’un de ses gardes du corps. Ce dernier commença à déployer un élégant voxcom sophistiqué.
“Elova IV.”
“Comment ? Leisim avait sursauté à l’évocation de ce nom. “Mais cette cité est un repaire de bandits, de pirates, de contrebandiers et de xenos ! Vous pensez que le transmécanicien sera à l’abri là-bas ?”
En même temps qu’il avait prononcé ses mots, il avait jeté un oeil en direction de Jogan comme s’il s’agissait d’une marchandise.
“Les Tau pacifient la région pour que le commerce reste florissant.” fit remarquer Caius.
Leisim était outré. Il sortit un éventail comme pour cacher sa confusion.
“Ah, si j’étais gouverneur planétaire ça ferait longtemps que j’aurai mené une campagne militaire majeure pour bouter ces xenos hors du sol impériale.”
“En même temps que les orks ? demanda Caius d’un ton moqueur. Leisim se renfrogna légèrement avant de reprendre.
“De toute façon il ne m’appartient pas de juger des actions du gouverneur planétaire. Je vais donner mes ordres pour que nos détachements soient à vos ordres à Elova IV.”
Alors que Leisim tendait la main vers le voxcom Caius l’interrompit.
“Un instant votre éminence.”
Le noble surprit fit face à Caius.
“Un problème ?”
“Non, mais la destination où se rend le transmécanicien est une information de la plus haute importance.”
“Et je vous remercie de la confiance que vous m’accordez, répondit Leisim troublé.
L’inquisiteur sortit un tarot de l’empereur d’un revers de son manteau.
“Vous êtes un loyal serviteur de l’Empereur n’est-ce pas ?” questionna Caius en ouvrant la boite ouvragée qui contenait le jeu de carte incrusté des micro-circuits les plus délicats et les plus rares de l’artisanat impérial. Dans l’habitacle le silence se fit. Un malaise flotta dans l’air l’espace d’un instant.
“Évidemment, répondit le noble en bégayant légèrement.
“Vous ne voyez pas de problème à ce que nous scrutions cette loyauté ensemble dans ce cas ?” demanda encore l’inquisiteur.
Assit en face de lui, le noble réajusta sa position sur son siège.
“Non, évidement.”
L’inquisiteur commença à placer des cartes en cercle devant lui. Chaque carte lâchée restait en l’air, flottant entre les deux hommes.
“Le Face à Face de Vérité, commenta le noble.
“Votre instruction dans l’art de la cartomancie est excellente, répondit Caius en faisant une moue impressionnée.
“Pour soumettre quelqu’un à la vérité, il faut oser s’y soumettre soi-même, continua le noble encouragé, au centre du cercle…”
“...je placerai deux arcanes, enchaîna Caius, si elle dit la vérité pour moi, elle dit la vérité pour vous. Si elle est fausse pour moi, elle est fausse pour vous. Vous êtes prêt ?”
Le noble hocha de la tête.
Lentement Caius tira une carte, d’un geste mesuré il l’avança au centre du cercle, face à Leisim, puis la retourna.
“L’Archonte Xeno pour vous.”
“Une Arcana Discordia ! Je… je ne comprends pas.” les joues du noble s’étaient empourprées. Il se tordit les mains de nervosité.
Le vieil inquisiteur ramena lentement sa main jusqu’au paquet puis tira une seconde carte. Il la plaça dans le cercle en face de lui. Ferma les yeux un instant puis la retourna.
“L’Hérétique pour moi.”
Leisim poussa un souffle de soulagement.
“Oh par l’Empereur ! J’ai eu une de ces peurs. L’espace d’un instant j’ai cru que le tarot m’accusait. A tort !”
L’inquisiteur ramassa ses cartes flottantes et les rangea dans son paquet. Tout le monde dans l’habitacle se détendit à nouveau. Au fond de l’habitacle Jogan pouvait presque sentir la tension redescende tel un jet de vapeur.
Leisim, quelques perles de sueur au front, étendit le bras jusqu’à son voxcom.
“Je vais donner les instructions pour votre demande Inquisiteur.”
Le vieil inquisiteur, toujours silencieux contemplait une dernière carte de son paquet. Sans lever les yeux il murmura :
“Elle vous a surement dit que le Creuset vous protégerait de tout.”
Le noble s’était arrêté dans son geste. Ses deux gardes du corps se figèrent. Un temps passa sans que personne ne bouge. Seules les secousses de l’appareil troublaient le silence glacial. Au fond de l’appareil Jogan et Miro échangèrent un regard angoissé sans même oser déglutir. Dans un éclair Leisim dégaina un pistolet, ses deux gardes levèrent leurs armes. Un arc énergétique éblouissant abima une partie de la carlingue et trois têtes roulèrent au sol. L’instant d’après la porte du cockpit s’ouvrit brusquement, les deux soeurs de bataille alertées par le bruit entrèrent bolter en main. Caius Wroth rengaina son épée énergétique. Au fond de l’appareil Miro s’était blottie derrière Jogan qui n’en menait pas large.
Devant la scène de l'exécution du noble et de son escorte les deux soeurs de batailles retournèrent à leur place. Caius méticuleusement ramassait ses cartes tombées dans l’affrontement. Jogan ramassa l’une des dernières et vint la rapporter à l’inquisiteur.
“Monseigneur, je ne comprends pas. Le Tarot de l’Empereur est infaillible.”
“Tout à fait, soyez tranquille Jogan, lui répondit Caius en prenant la carte que lui tendait le transmécanicien.
“Mais alors… il était innocent, enchaîna Jogan sans lâcher la carte, puisque vous avez pioché l’Hérétique pour vous.”
Caius plongea un regard noir dans les yeux de Jogan. L’air commença à se faire plus froid autour d’eux. La carte qu’ils tenaient à deux se mit à clignoter. Jogan fixa la carte avec des yeux ronds d’étonnement.
“Les sacro saints circuits d’un Tarot ! Rien ne peut les perturber !” balbutia-t-il.
Caius en face de lui semblait comme paralysé par une force extérieure. Il parvenait à peine à articuler.
“Rien. Sauf. Une ombre dans le warp.”
Et comme s’il venait de réussir à se libérer avec un effort effroyable d’un étau invisible il lâcha la carte pour se ruer vers le cockpit en hurlant dans son voxcom.
“Manoeuvres d’évasions ! Quittez la formation immédiatement !”
Des explosions retentirent à l'extérieur, Jogan et Miro se jetèrent à un hublot et virent passer une immense ombre au dessus d’eux. Un long dard frappa le cockpit d’une valkyrie à côté d’eux, le pilote, légèrement blessé, sembla lutter contre un maux de ventre violent avant d’exploser. Ses viscères et son sang repeignirent la vitre du cockpit et Jogan n’eut que le temps d’entrevoir le copilote se faire arracher le visage par un vorace avant que l’appareil ne décroche et file vers le sol.
Leur valkyrie fit quelques embardées violentes puis un choc brutal, projeta le couple au sol. Un stormtalon en feu avait percuté leur valkyrie, le toit avait été arraché par la force de l’impact et ils pouvaient maintenant voir un ciel littéralement remplis de locustes, ces terribles voraces ailés. Les créatures se jetaient dans les turbines des appareils dans le but de les endommager. Dans un crissement métallique, la valkyrie se déchira en deux et l’arrière plongea vers le sol avec ses réacteurs à pleine puissance. A l’arrière Miro flottait dans les airs, retenue seulement par le harnais de son siège. Par instinct de survie Jogan avait activé ses crampons de sécurité, implants bénis par le culte qui remplaçaient ses pieds. Autour de lui le vent sifflait avec violence.
“Jogan ! hurla Miro, fait quelque chose !”
Jogan regarda autour de lui. Au dessus d’eux la bataille aérienne qui faisait rage s’éloignait. En dessous d’eux la forêt se rapprochait à une vitesse vertigineuse. Jogan sentit la panique s’emparer de lui.
“Il n’y a plus de cockpit Miro ! Qu’est-ce que tu veux que je fasse !” cria-t-il pour couvrir le vent. La jeune femme tenta de lui répondre, mais le hurlement du vent couvrit sa réponse. Jogan prit une profonde inspiration pour faire reculer la panique. Il répéta mentalement les litanies de l’Adeptus Mechanicus. Il n’est qu’un simple transmécanicien, mais il fait partie d’un tout, un rouage de l’Omnimessie. En luttant contre le vent il se pencha pour toucher le sol de l’appareil avec la carte du Tarot de l’Empereur qu’il tenait encore en main. Il tenta de se connecter à l’esprit-machine de la valkyrie. Et il ressenti une douleur, celle d’une machine coupée en deux. Il tenta d’en apaiser l’esprit-machine, de l’implorer de les sauver. Il se concentra aussi fort qu’il pouvait. Le sol se rapprochait. Un des réacteurs de la valkyrie eut quelques ratés puis s’éteignit, sous l’impulsion du seul réacteur restant l’engin redressa sa trajectoire lentement, très lentement. Puis se fut l’impact.

Quand Jogan reprit connaissance il était allongé dans un hamac de fortune. Une douleur atroce lui traversait l’épaule. Au dessus de lui il pouvait voir une canopée épaisse et une partie de la carcasse d’une valkyrie. Il essaya de tourner la tête mais la douleur l’en empêcha.
Le visage de Miro apparu au dessus de lui.
“Je savais que tu n’étais pas mort, dit-elle d’un ton enjoué en lui tirant une joue.
Jogan fit une grimace puis se redressa légèrement pour contempler l’étendue des dégâts. Miro avait installé un camp de fortune dans l’épave. Elle l’aida à se lever. Ils marchèrent hors de l’appareil. Ce dernier s’était immobilisé non loin d’une falaise, devant eux s’étendait une immense plaine que les deux soleils de Navida Prime réchauffait d’une lueur matinale.
“Quelqu’un est venu nous chercher ? demanda faiblement Jogan.
“Pas depuis six jours, lui répondit doucement sa femme.
Jogan haussa un sourcil désabusé.
“Qu’est-ce qu’on fait alors ? demanda-t-il encore.
“Dès que tu es en état on continue vers Elova IV.”
“Pourquoi pas la citadelle de Vamii ?”
“Celle qui est assiégée par des millions de créatures terrifiantes ?” demanda Miro en posa sa tête sur son épaule.
Jogan prit sa femme par la taille et la serra contre lui en contemplant l’horizon. La marche pour la cité-libre allait être difficile.

CHAPITRE 3 - EN TERRITOIRE ENNEMI

Les derniers jours avaient été épuisants pour Jogan et Miro. Les patrouilles aériennes qui forçaient à se jeter à couvert sous les arbres, les maraudeurs eldars noirs qui s’en prenaient aux villages isolés et même parfois, à la nuit tombée, d’étranges groupes difficilement identifiables qui progressaient à la faveur de l’obscurité avaient mis leurs nerfs à dure épreuve.

Ce matin là, après une heure de marche intensive, Jogan et Miro avaient atteint le sommet d’une petite colline. Devant leurs yeux se déroulait un spectacle à couper le souffle : Elova IV, la cité libre -d'architecture pré-impériale-, resplendissante dans le petit matin, brillait de mille reflets. La base de la cité était une gigantesque demi-sphère d’où s’élevait une immense tour au sommet de laquelle une seconde cité dans les nuages surplombait toute la vallée. A cette hauteur, des plateformes d'atterrissages vrombissait d’une activité aérienne qui donnait l’impression d’un nid d’abeilles prit d’assaut. A la base de la cité une seconde couronne connectée à la sphère centrale par de multiples ponts surplombait le lac sur lequel était construite Elova IV. Malgré la distance le couple pouvait déjà apercevoir les terrifiantes défenses que l’empire Tau avait installé sur cette seconde couronne. Toute attaque terrestre de la cité devait se faire littéralement “sous” les défenseurs.

Deux heures plus tard Jogan et Miro atteignirent la route principale qui menait à Elova IV.  Des patrouilles piranhas Tau constantes le long de la voie d’accès rendaient les lieux particulièrements sûrs. Un marchand les prit même en stop à bord de ce qui ressemblait à un taurox modifié pour un usage civil. Au fur et à mesure qu’ils approchèrent de la cité, l’afflux de convois, voyageurs et mercenaires, par voie terrestre, navale et aérienne se fit de plus en plus intense. Puis le taurox s’immobilisa.
“Plus moyen d’avancer maintenant, annonça le marchand en désignant la route d’un geste vague.
Jogan jeta un oeil. A l’ombre de l’immense tour de la cité, un massif pont d’accès montait du niveau du sol vers la seconde couronne. Devant eux une file de camions attendaient leur tour devant ce qui semblait être un poste de sécurité. Miro vint se caler à ses côtés.
“On y est presque, chuchota-t-elle.
“Le marchand m’a confirmé que des autorités impériales étaient présentes dans la haute ville, répondit Jogan en pointant la tour du menton, une fois là-haut, nous pourrons reprendre contact avec l’inquisiteur Caius.
“Une fois là-haut oui, murmura Miro comme pour elle-même.
Le véhicule s’ébranla, avança de quelques mètres puis s’immobilisa à nouveau. Le marchand grommela et palpa ses poches à la recherche de quelque chose à fumer. Autour des camions de marchandises des petits groupes de gardes Tau faisaient leur inspection, l’arme en bandoulière. Des gamins en guenilles passaient entre les véhicules pour proposer de l’eau fraîche aux conducteurs en échange de quelques piécettes. Soudain le sang de Jogan se glaça dans ses veines, malgré lui il serra la main de sa femme de stupeur. Au niveau du poste de garde était apparu un animal de monte massif, une énorme créature kroot faite pour la guerre. Et monté dessus, Jogan venait de reconnaître le mentor Agnok, celui qui avait marchandé avec Caius Worth au manufactorum Alijes. D’instinct le transmecanicien se tassa dans l’habitacle exigu.
“Oh non ! Pas lui !”, implora Jogan entre ses dents.
Miro jeta un oeil à son tour.
“Qu’est-ce qui se passe Jogan ?”
“C’est lui ! Le seigneur de guerre Kroot ! Celui que Caius à rencontré !”
“Merde.” grinça Miro.
“Qu’est-ce qu’il fait ?”
Miro se redressa à nouveau pour regarder la situation au poste de garde.
“Il a l’air de donner des instructions.”
Le marchand passa un bras par dessus son siège pour se retourner vers ses passagers.
“Qu’est-ce que vous marmonner derrière, héla-t-il, je veux pas d’emmerde moi hein. J’espère qu’vous avez rien à vous reprocher.”
Miro mit un coup de coude à Jogan pour le secouer.
“Une patrouille descend le long du convoi, ils ont des chiens kroots avec eux.”
“Hey ! Vous écoutez c’que j’vous dis ? continua le marchand.
Miro tira Jogan par le bras et ouvrit la porte arrière du véhicule d’un coup de pied.
“Mon compagnon va mal… on… va chercher de l’eau !”
Et sans attendre une réponse, les deux fugitifs se faufilèrent entre les véhicules en rebroussant chemin. Derrière eux les chiens kroots se mirent à aboyer. Le long de la voie principale les patrouilles Tau commencèrent à s’agiter. Blottie entre deux véhicules Miro avisait d’un chemin quand une paire de bottes et un grand cache-poussière vinrent se planter devant elle.
“Vous cherchez quelque chose mademoiselle ?”
La voie était joyeuse, un fort accent de Navida Prime mais dans un gothique impeccable. Miro et Jogan redressèrent la tête. Devant eux se tenait fièrement un fin personnage, vêtu d’un grand manteau, d’un chapeau usé jusqu’à la corde et d’un pistolaser bien évidence à la ceinture dans un holster de cuir. L’homme avait le visage buriné d’un grand voyageur mais les traits assez fins, des yeux rieurs et une fine cicatrice qui lui coupait la lèvre inférieure.
“Djamsha, pour vous servir, continua-t-il pour meubler le silence, j’ai comme l’impression que vous cherchez un coin tranquille.” Et pour appuyer son propos il tourna la tête à droite et à gauche en direction des patrouilles.
Miro se redressa dans une grimace agacée.
“Et vous en avez un de coin tranquille ? répliqua-t-elle dans un souffle.
L’homme lui adressa un clin d’oeil triomphant.
“Suivez-moi !”
Le petit groupe se glissa jusqu’à une masure où les vendeurs d’eau s’abritaient du soleil. Ils firent le tour de quelques murets, et rapidement ils se retrouvèrent sous le niveau de la voie principale. Là un chemin de terre un peu boueux serpentait au milieu de ce qui ressemblait à un bidonville.
L’homme au cache-poussière ralenti le pas pour se placer entre ses deux nouveaux compagnons.
“Vous avez le pas vif ! J’ai comme l’impression que je suis tombé à pic. Qu’est-ce que vous amène à Elova IV ?”
Miro s'arrêta net et lui fit face.
“Merci pour tout. Mais on va se débrouiller à partir de là.”
Jogan fit un pas en avant pour intervenir.
“Chérie. Ce n’est pas la peine d’être aussi directe, et vous… camarade, encore merci pour tout.”
Alors que le couple reprenait sa marche, Djamsha leur emboîta le pas.
“Hey, partez pas si vite !”
“Qu’est-ce que vous voulez Dajsha ? demanda Jogan.
“Djamsha, corriga l’homme.
Jogan hocha la tête.
“Et bien, continua Djamsha, j’ai comme l’impression que vous vous rendez en ville, mais que vous n’allez pas passer par la douane, je me trompe ?
Le trio s’arrêta une seconde fois. Miro s’assura que la ruelle était déserte.
“Et qu’est-ce que ça peut vous faire ? demanda-t-elle d’une voix inquisitrice.
“Oh, oh, oh. Que de méfiance, commença Djamsha en levant les mains. Ce que ça peut me faire ? Et bien, il se trouve que moi aussi je veux entrer en ville. Et, moi aussi je préfère la tranquillité.”
Miro et Jogan échangèrent un regard.
“Vous savez comment vous rendre à Elova IV, demanda Jogan.
Djamsha fit une moue et se tapota le menton.
“Oui. Je connais un passeur, au niveau du port.”
“Qu’est-ce que vous faites dans le civil, demanda Miro, puis, alors que Djamsha allait répondre elle ajouta rapidement, et ne me répondez pas -tourisme-”.
Djamsha éclata de rire, puis se pencha en avant d’un air de conspirateur.
“Pas besoin de se mentir entre nous. Je suis contrebandier. C’est pour ça que… la douane là-haut. Mais je suis loyal sujet de l’Imperium, comme vous ! Pas comme ces xenos et tous ces hérétiques du coin ! Je suis un ancien de la Garde Impériale.”
“Vraiment,” s’étonna Miro.
“Tout à fait ! Et J’y ai acquis une discipline et une loyauté inébranlable.”
“Des qualités essentielles pour un contrebandier, nota Jogan d’une voix neutre.
Djamsha lui jeta un regard en coin. Miro fit une moue dubitative.
“Et le Colonel de votre compagnie, il était sévère ? questionna Miro intéressée.
“Très, répondit Djamsha avec emphase.
“Un colonel dirige un régiment, coupa sèchement Miro.
“Pardon ?”
“Une compagnie est commandée par un Major, pas un Colonel, vous mentez, puis prenant son mari par le coude la jeune femme tourna les talons.
Laissé derrière Djamsha leva une main pour leur faire signe, puis abandonna et tapa du pied un innocent caillou comme pour évacuer sa frustration.

En dévalant le chemin à travers le bidonville Jogan passa le bras par dessus l’épaule de sa femme.
“Miro, tu m’impressionnes !”
“J’ai fait mes classes.”
“Ah, ça oui. Mais cet esprit d’analyse, j’aime ça ! Je dois bien dire que… je te redécouvre. Tu as beaucoup plus de ressources que je ne l’aurais imaginé.”
La jeune femme se tourna vers son compagnon. Elle lui posa les mains sur les joues.
“On est embarqués à deux dans cette affaire. On ne peut compter que l’un sur l’autre. Tu peux compter sur moi.”
Jogan posa sa main non-mécanique sur celle de sa femme.
“Tu peux compter sur moi, répondit-il en écho.”
Chemin faisant ils étaient arrivés au coeur du bidonville. Une grande place s’étendait devant eux. Des centaines de riverains vaquaient à leurs occupations, un grand marché à ciel ouvert dégageait ses effluves au milieu d’une foule occupée à marchander des produits de première nécessité. Ils avisèrent un bar populeux et poussèrent la porte. A l’intérieur de l’établissement le décor était légèrement différent. La population miséreuse de l’extérieur faisait place à des individus armés jusqu’aux dents et à la mine patibulaire. La plupart portaient d’anciennes combinaisons militaires, beaucoup arboraient des tatouages de divers groupes mercenaires. Les regards se tournèrent imperceptiblement quand Jogan et Miro firent leur entrée mais l’activité continua comme si de rien n’était. Une fillette équipée d’un plateau à la place du bras gauche, s’avança vers eux.
“Qu’est-ce que ch’peux vous t’servir ? demanda-t-elle dans un bas gothique effroyable.
Miro se pencha à son oreille.
“On préfère ce qu’ils servent au milieu du lac. Tu connais quelqu’un qui… emmène les gens là-bas ?”
La fillette hocha la tête d’un air entendu. Ils quittèrent la salle principale, empruntèrent un couloir en ruine puis entrèrent dans une petite pièce où trois hommes jouaient aux cartes. La petite fille fit un signe de tête et repartit faire son service. Le plus gros des gardes posa ses cartes, termina son verre d’alcool et se leva.
“Qu’est-ce qu’il vous faut ? marmonna-t-il.
“Un passeur, commença Jogan.
Le garde hocha de la tête et tapa contre une tenture au fond de la pièce. Elle s’écarta pour laisser passer un ganger. Il était torse nu, couvert de tatouages, une grosse chaîne autour du cou, une crête sur la tête et un gros pistolaser coincé dans le pantalon. A son entrée les trois gardes vinrent se poster derrière lui. Il prit une chaise et en désigna deux à Miro et Jogan.
“Alors ? On veut passer de l’autre côté ?” Le ganger avait la voix déraillée d’un drogué.
“Tout à fait, confirma Jogan.
“C’est cher, le coupa immédiatement le ganger en frappant du poing sur la table, c’est putain d’cher ! Tu m’crois pas ? Hein ! C’est très cher ! Depuis que la Citadelle de Vamii est assiégée. Y’en a des gens avec des gelts qui veulent passer ! Pas vrai les gars ?”
Derrière lui les gardes hochèrent la tête en silence.
“C’est combien ? demanda Jogan.
Le ganger fit un signe de la main. Jogan eut un hochet.
“Dix mille ?!”
Le ganger garda le silence et se lécha lentement les lèvres. Jogan se pencha vers Miro, ils discutèrent brièvement.
“Est-ce qu’on peut vous payer une seconde partie après ? demanda encore Jogan.
Le ganger sortit son poignard pour se curer les dents.
“Nan.”
“Est-ce qu’on peut marchander le prix, demanda Miro.
Le ganger pencha la tête.
“Vous avez pas dix mille ?”
Miro et Jogan secouèrent la tête. Le ganger se dressa sur sa chaise lentement et se pencha sur la table pour les dévisager. Sa grosse chaine frotta contre le bois.
“Après… j’ai peut-être quelque chose pour vous.”
“Dites toujours”, répondit Jogan dubitatif.
“Les xenos noirs là, avec leurs armes exotiques. Ils cherchent toujours des esclaves…”
Les gardes commencèrent à s’avancer légèrement. Le ganger jouait avec son couteau sous le nez de Jogan qui recula la tête instinctivement.
“C’est peut-être pas la destination exacte, mais pour le coup vous allez voyager c’est sûr.” termina le ganger en souriant de toutes ses dents pourries.
D’un geste brusque Miro attrapa le poignet du bandit et dégagea sa chaise d’un coup de pied. Dans sa chute le bandit se retourna deux doigts et s’écrasa la tête contre la table, le poignard changea de main, Miro le planta sur la table dans un maillon de sa chaîne et dans le même mouvement dégaina son pistolaser et lui enfourna dans la bouche. Les trois autres bandits, médusés, eurent à peine le temps de faire un geste en direction de leurs armes.
“Un mouvement de plus et j’éclate la tête de votre chef !” siffla Miro en poussant encore un peu plus le canon dans la bouche du ganger.
Ce dernier, bloqué contre la table par sa chaîne agita une main confuse en direction de ses molosses. Lentement ces derniers écartèrent leurs mains de la crosse de leurs armes. Jogan se leva confus.
“Excusez ma femme. Elle est un peu tatillon quand il s’agit de marchandage.” balbutia-t-il.
“Mettez vingt-mille sur la table maintenant ou il crève, continua Miro.
Les hommes de main se regardèrent embarrassés mais à nouveau leur chef s’agita. L’un d’entre eux poussa une tenture crasse dans le fond de la pièce et en sorti une cassette pleine de billets et de pièces sales qu’il jeta sur la table. Miro la pointa du menton à Jogan qui l’ouvrit timidement.
“Y’a combien ?” demanda-t-elle.
Les yeux de Jogan devinrent blancs l’espace d’un instant, un petit sifflement se fit entendre au niveau de son oreille droite, puis il tourna machinalement la tête vers sa femme.
“Dix-sept-mille-huit-cent-vingt-cinq.” répondit-il.
Les bandits reculèrent d’un pas, effrayés par la scène. Miro soupira en secouant la tête désespérée.
“Chéri…”
Miro tira à travers la bouche du ganger. Ce dernier mourut instantanément, son compagnon d’infortune derrière lui aussi. Le second tenta de dégainer, Miro fut plus rapide, le tir le toucha en plein visage. Le troisième courut jusqu’à la porte arrière, un tir dans la nuque le stoppa dans son élan, il s’effondra sans vie. Jogan les yeux écarquillés s’était accroché à la cassette.
“Mais tu les as tués ?!”
Miro qui nettoyait déjà rapidement le pistolaser sur le pantalon du chef hocha de la tête avec respect.
“La science de l’Omnimessie te permet des déductions redoutables.”
Jogan foudroya sa femme du regard.
“Non je voulais dire. Pourquoi les as-tu tués ? Et ne parle pas ainsi de l’Omnimessie.”
“Pardon, répondit Miro sincèrement repentante, concernant ces bandits je n’avais pas le choix. Tu dois être plus discret Jogan. Tu n’as pas encore tous ces implants qu’arborent fièrement tes supérieurs, avec ces vêtements larges tu peux encore cacher ta véritable nature. Mais pas si tu fais des choses que seul un membre de l’Adeptus Mechanicus peut faire.”
Miro s’était levée pour inspecter rapidement les corps, puis elle avait fait signe à Jogan de prendre la cassette avant de vérifier le couloir discrètement. Sur ses talons Jogan l’avait rejointe. Elle se tourna vers lui pour conclure à voix basse.
“Il y a des chances pour que ce kroot te recherche. Et si c’est le cas il connait probablement ta véritable nature. Autant ne pas le crier sur les toits.”
“Tu as raison, répondit Jogan encore un peu sous le choc.
Miro jeta un second coup d’oeil dans le couloir.
“C’est libre, on y va, murmura-t-elle.

L’instant d’après ils étaient dehors. Une fois sur la grande place du marché ils se dirigèrent d’un pas rapide vers la foule bigarrée et loqueteuse pour tenter de se fondre dans la masse. Derrière eux des mercenaires, l’arme au poing, se précipitaient à l’extérieur pour quadriller les alentours. Miro avisa un comptoir de restaurant de rue bien achalandé, rapidement elle poussa Jogan sur un tabouret et s’installa à côté de lui.
“Quoi qu’il arrive, tu ne tournes pas la tête.” lui souffla-t-elle.
“Mais ils arrivent.” murmura Jogan inquiet.
“Ils cherchent des gens qui fuient. Et d’un pas rapide. Ils connaissent la ville, nous pas. Ne bouge pas.”
“Elle a raison !”
Jogan et Miro relevèrent la tête de concert. En face d’eux Djamsha tout sourire avalait goulûment les nouilles de sa soupe. Alors que la tenancière passait entre eux il lui attrapa le bras.
“Hey beauté ! Deux bols de Mai Pet pour mes amis.”
“Non merci, répondit Miro d’une voix pincée.
Djamsha baissa d’un ton.
“Ca ferait bizarre non ? Les deux seuls à ne pas manger de la tablée.”
Miro hocha la tête, Djamsha esquissa un sourire complice et tapa le comptoir de ses baguettes.
“Deux Mai Pet ! Deux !”
Puis le contrebandier attrapa son bol, son chapeau, coinça ses baguettes entre ses dents et fit le tour du comptoir pour venir s’installer entre Miro et Jogan. Une fois bien installé, et non sans que Miro ait grogné, il reprit son monologue d’une voix de conspirateur.
“J’arrive pas à croire que vous soyez encore en vie !” s’exclama-t-il à voix basse tout en reprenant son déjeuner.
“Et pourquoi ça ?” demanda Jogan.
“Mais parce que je vous ai vu entrer chez les Soleils Barbelés”, répondit Djamsha en pointant la taverne de ses baguettes.
“C’est un peu compliqué, mais ça va.” reprit Jogan.
“Bien sûr. Et c’est pour ça que maintenant vous avez le plus gros cartel d’Elova IV à vos trousses.”
“Et toi ? Tu ne connaissais pas un passeur pour sortir de ce cloaque ?” commenta Miro en entamant négligemment ses pâtes. Djamsha fit une grimace.
“Si. Mais… les prix ont flambés. C’est à cause de ces créatures xenos, c’est la panique. Des milliers de réfugiés viennent trouver asile ici.”
“Il peut nous faire passer rapidement ton contact ?”
Djamsha s’arrêta de manger pour dévisager Miro.
“Vous leur avez volé combien ?” demanda-t-il, une pointe d’admiration dans la voix.
“On a rien volé. Dis-moi combien tu veux pour ton contact.”
Djamsha posa ses baguettes et prit un air solennel.
“Je viens avec vous.”
“Hors de question.” coupa Miro.
“Vous nous avez déjà menti une fois, commenta Jogan.
Djamsha posa un bras affectif sur les épaules du transmecanicien.
“La moitié de la population d’Elova IV va vous mentir en permanence.”
“Et bien nous verrons avec l’autre moitié, répondit l’adepte en repoussant poliment le bras du contrebandier.
“L’autre moitié ce sont des xenos qui chercheront simplement à vous tuer, enchaîna Djamsha, écoutez, on est parti sur un mauvais pied. Je le reconnais. Mais après ce que vous avez fait vous avez pas trop de choix, je suis le seul en ville qui ne vous vendra pas aux Soleils Barbelés.”
“Qu’est-ce qui te fait dire ce qu’on a fait chez les Soleils Barbelés ?” demanda Miro méfiante.
Djamsha se tourna vers Miro. Ses yeux clairs étaient devenus durs et professionnels. Il passa en revue la jeune femme des pieds à la tête.
“Tu n’avais pas ce pistolaser caché sous ta veste il y a une heure. Tu as du sang sous tes bottes. Vous payez déjà avec la monnaie locale.”
Miro réajusta sa veste mal à l’aise.
“OK. On va voir ton contact.”

Le petit groupe avait évolué discrètement entre les ruelles les plus crasseuses, se faufilant entre les grillages défoncés, les maisons de fortunes et les stands surpeuplés. Plusieurs fois ils avaient eu à sauter derrière un bidon rouillé ou une caisse vermoulue pour laisser passer un petit groupe de mercenaires aux aguets. Puis ils avaient atteint les docks. Djamsha les conduisait maintenant dans ce qui ressemblait à un cimetière de navires. Des carcasses de bateaux flottaient là entre deux eaux, reversés sur le flanc ou bien éventrés par de larges grues de chantier. Des passerelles incertaines passaient entre les ouvertures et formaient un dédale qui conduisait jusqu’à un immense atelier. La porte d’entrée était gardée par un serviteur dont le bras gauche avait été remplacé par un lance grappin garni d’une énorme ancre. Arrivé à sa hauteur Djamsha avait prononcé un mot-clef et l’imposant gardien s’était écarté en silence.
L’intérieur de l’atelier bourdonnait d’activité. Ici et là des servo-crânes déplaçaient des outils, des serviteurs spécialisés travaillaient sans relâche. Juché sur un aéroglisseur à flot le maître des lieux, casque de soudeur vissé sur le crâne hela les visiteurs.
“Djamsha ! Je ne pensais pas te revoir si vite. Je te préviens, je n’en peux plus de tes tirades, soit tu as l’argent, soit tu décampes.”
En contrebas l’invité haussa la voix pour couvrir les bruits de l'atelier.
“Du calme, du calme. Tu me connais.”
“Ben justement”, le coupa le mécanicien en retirant ses gants.
Djamsha se tourna vers ses compagnons pour leur faire une moue rassurante.
“Il plaisante.” crut-il bon d’ajouter.
“Alors cet argent ?”
Le contrebandier se tourna à nouveau vers ses compagnons.
“Vous avez ça douze-mille n’est-ce pas ?”
Miro hocha de la tête. Le mécanicien se releva et se frotta les mains.
“Laissez-moi voir l’argent. Si tout est en ordre on se voit dans cinq jours.”
Le trio sursauta.
“Dans cinq jours Anto ? Mais tu m’avais dis que je pouvais décoller dans la soirée !” s’écria Djamsha en commençant à faire le tour de l’aéroglisseur pour rejoindre le mécano. Ils se retrouvèrent nez à nez sur la rampe arrière.
“Parce que tu crois que je n’ai que toi comme client ? L’aut’ bateau. T’avais pas l’fric. Ben y’a quelqu’un qui l’avait qu’est passé. Et maintenant faut que j’en retape un autre.”
Djamsha se retourna vers Miro et Jogan qui s’étaient rapprochés du quai.
“On a pas les moyens d’attendre cinq jours, commenta Miro à voix basse.
“Je sais, répondit Djamsha.
“Un plan de secours peut-être ?”
Djamsha se grattait la tempe sous son chapeau tout en réfléchissant.
“Et si on vous le prend maintenant, demanda Jogan à brûle pourpoint.
Le mécano interrompit sa soudure en grommelant. Il jeta un regard en coin à Djamsha.
“Maintenant ? Ben il a même pas de moteur connard. Si tu veux je te le vends au prix de la ferraille. Moi j’en ai des dizaines d’autres à retaper. Pour six-cent je te l’fais. Et à ce prix là je t’offre trois paires de rames.” puis l’homme retira son casque avant de partir dans un grand rire gras.
Jogan sortit l’argent de sa poche.
“Six-cent, vous pouvez descendre du navire.”
Anto s'arrêta de rire. Miro et Djamsha se rapprochèrent. Le mécano sauta à quai, l’aéroglisseur tangua.
“Montez à bord. Ne traînons pas.” commenta Jogan tout en s’installant devant l’amas de tuyaux, pistons et turbines éventrées là où devait supposément se trouver le moteur. Miro et Djamsha se regardèrent, puis montèrent à bord. Jogan sortit une flasque d’huile de sous ses vêtements et commença à oindre la machine tout en psalmodiant à voix basse. Miro fit mine de s’approcher mais Jogan l’interrompit d’un geste de la main.
“L’esprit-machine aimerait qu’il y ai quelqu’un à la barre.”
La jeune femme s'exécuta.
Anto, le gras mécanicien, avait fini de compter et de ranger ses billets et s’approcha du quai pour contempler la manoeuvre. Il avait retrouvé sa bonne humeur et gloussait déjà.
“Ben alors ? Vous êtes toujours pas parti ? Je préviens mon contact à Elova IV que vous allez avoir un peu de retard ? lança-t-il dans un grand rire.
Soudain l’aéroglisseur se mit à vibrer. L’instant d’après une immense gerbe d’eau arrosa tout le quai et envoya valser le mécanicien alors que l’engin quittait l’atelier comme un boulet de canon. Allongé dans l’eau le mécanicien bredouillait tout en chassant l’eau de son visage.
“Mais c’est….un... membre de l’Adeptus Mechanicus… un vrai….”

A l’avant de l’aéroglisseur Jogan contemplait l’immense structure de la cité d’Elova IV. Ils étaient passé sous la première couronne extérieure et s’approchaient maintenant de la base de la titanesque cité pré-impériale qui s’étendait sur plusieurs kilomètres de circonférence. Miro avait laissé la barre à Djamsha pour pouvoir rejoindre son compagnon.
“Bravo Trev’. Je ne savais pas que tu étais capable de telles prouesses en tant que simple transmecanicien.” commença-t-elle en se mettant à sa hauteur face à la mer.
Jogan sortit de sa rêverie.
“Oh. Pour ?”
“Pour faire fonctionner l’aéroglisseur sans moteur pardi, répondit Miro en tapa doucement la rambarde du plat de la main, je pensais que seuls les plus grands maîtres de ton ordre pouvaient réaliser de tels miracles.”
“Ah oui. Sauf que dans notre cas le moteur est en place”, commenta Jogan en pointant du doigt l’arrière.
“Ah ? Mais Anto a dit que…”
“Oui. Il ne connaît rien à la réelle science de l’Omnimessie. Il ne fait qu’essayer de remettre des morceaux ensemble… et c’est déjà une techno-hérésie”, ajouta-t-il pour lui-même en serrant la rambarde.

Au milieu de la nuit, après avoir évité pendant plusieurs heures les puissants projecteurs des patrouilleurs, Djamsha manoeuvra l’aéroglisseur jusqu’à une crique isolée. Rapidement le petit groupe mit pied à terre. Ils escaladèrent une falaise escarpée puis atteignirent la paroi métallique de la mégastructure.
“Et maintenant ? demanda Jogan le dos collé au mur de métal, en regardant en bas avec inquiétude.
“Maintenant on espère qu’Anto ne nous a pas doublé, répondit Djamsha en étudiant la paroi.
Comme pour lui répondre un sifflement leur fit lever la tête. Une tête bouclée d’adolescente dépassait par une trappe d’évacuation entrouverte.
“Vous êtes en retard.”
La progression à quatre pattes était laborieuse, mais après une vingtaine de minutes à ramper dans des coursives étroites ils débouchèrent à l’arrière d’une petite boutique mal éclairée. 
“Et voilàà !” déclama l’adolescente en tapant la poussière de ses genoux.
Jogan se redressa et étira ses muscles endoloris -non sans noter pour lui-même encore une fois à quel point le corps humain était faible comparé à la machine-. Par la porte entrouverte un bruit de foule singulier faisait doucement vibrer la porte. Il passa le seuil par curiosité. Le spectacle qui s’offrit à ses yeux lui fit perdre l’équilibre l’espace d’un instant. Le plafond de la structure culminait à plus de huit-cent mètres de haut. D’immenses tours partaient du sol au plafond, se terminant avant de l’atteindre où bien pendant de ce dernier sans toucher le sol. De massives passerelles reliaient ces mastodontes de métal et l'enchevêtrement résultant cachait presque horizon. Jusqu’aux plus haut points la ville intérieure bourdonnait d’une activité fantastique. Des glisseurs et des plateformes antigrav circulaient à tous les niveaux et la foule encore plus compacte, déambulait le long de grandes artères dégagées. Entièrement close, la cité intérieure était éclairée par les lumières de la ville elle-même
Derrière Jogan l’adolescente se glissa dehors et contempla le spectacle avec lui.
“L’Antre des Contrebandiers.” fit-elle, un ton de fierté dans la voix.

Sans perdre de temps Miro et Jogan s’étaient mit en quête d’équipement et de vêtements de rechange plus discrets. Lizti, leur guide, avait été recrutée pour l’occasion et les emmenait dans les endroits les plus tranquilles. Djamsha était parti de son côté trouver quelqu’un capable de leur avoir des passes pour la haute tour. La troupe avait convenu de se retrouver au Marais, un grand bar animé du troisième niveau. La traversée de l’Antre des Contrebandiers se révéla plus éprouvante que prévue pour Jogan. A chaque stand il ne pouvait s’empêcher de pousser des cris de stupeur, à tel point que Miro et Lizti avait été forcées de l’encadrer manu militari pour lui forcer le pas. Ce dernier se tortillait comme un ver tout en essayant de communiquer toute son indignation à ses geôlières visiblement peu impressionnées.
“Et là ! Les deux caisses de M35 Galaxy ! Mais vous voyez pas ? T556FGG-X5-H. T556 c’est la désignation pour Tarrus ! C’est du stock militaire produit ici pour l’effort de guerre ! Qu’est-ce que ça fait là ?”
“Ah oui. On le signalera après Jogan, entendu ?” commenta Miro tout en l'empêchant de pointer les caisses du doigt.
“Et ça ? Regardez ! Des fusils à ions ! C’est… c’est de la technologie xenos ! C’est une hérésie ! Et en plus ce sont des mercenaires de l’Imperium qui sont en train d’en acheter ! Par l’Omnimessie !”
Miro jeta un coup d’oeil désespéré à Lizti par dessus l’épaule de Jogan.
“Intolérable ! Mais avance, on va être en retard au Marais.”

L’établissement de plaisir “le Marais” se présentait sous la forme d’une immense salle circulaire entourée de plusieurs terrasses légèrement surélevées. Au centre le grand bar surplombé d’une cage à danseuses s’ouvrait sur plusieurs alcôves confortables propices aux marchandages plus tranquilles. La technologie xenos, principalement Tau, était omniprésente, des stroboscopes aux drones qui assuraient le service. Une fois confortablement installés à une grande table chacun put reprendre ses esprits. Jogan dans son coin, continuait de marmonner d’inintelligibles imprécations. Lizti revenait avec des boissons. Djamsha, tout juste arrivé, faisait le point sur la situation. Il avait rencontré un vieil ami, un haut gradé de la garde impériale, qui avait accepté de les aider et de leur permettre de rejoindre les autorités impériales.
En pleine discussion Miro l’interrompit d’un signe discret de la main. Djamsha jeta un oeil furtif dans la direction pointée.
“Ils sont entrés en même temps que moi ? chuchota Djamsha.
“Non. Ils sont arrivés après.”
“Quelque chose ne va pas ? demanda Lizti en sirotant une épaisse boisson bleue.
“On est suivi.” répondit Miro.
“Il y a une sortie de service qui donne sur une zone de déchargement à l’arrière.” souffla Djamasha.
“Très bien. Lizti et moi on va danser. Jogan va aller commander des boissons. Quand Djamsha se lève on le rejoint tous.”
Chacun hocha la tête, puis un à un ils quittèrent la table.
Miro et Lizti furent les dernières à faire irruption dans le couloir. En hâte le groupe se faufila entre les cuisiniers et les commis pour atteindre la remise puis la zone de déchargement. Djamsha en tête ils atterrirent dans une ruelle sombre. A peine la lourde porte de service s’était-elle refermée que trois silhouettes menaçantes émergèrent d’un véhicule garé juste devant la sortie. Les trois individus braquèrent des autoguns sur les arrivants. Djamsha leva instinctivement les bras en s’avançant.
“Hey ! Hey ! Calme. Il doit y avoir erreur sur la personne.”
L’une des silhouettes s’avança l’arme au poing.
“Jetez vos armes et montez dans le véhicule.” lâcha-t-il d’une voix étouffée par un masque.
Djamsha fit encore quelques pas vers ses agresseurs.
“Pas de problème. On va coopérer. Mais vous avez un mouchard sous votre speeder.”
Et joignant le geste à la parole Djamsha pointa du doigt le bas du véhicule. L’espace d’un instant les hommes tournèrent les yeux dans la direction pointée. Djamsha dégaina en un éclair son pistolaser, il y eu trois tirs, les hommes s’effondrèrent. Le pistolet du contrebandier fit encore trois tours sur son doigt plus il rengaina dans le même geste et se tourna vers ses compagnons restés derrière.
“Et voilà le travail.” annonça-t-il fièrement.
Quatre violents projecteurs vinrent frapper le sol, illuminant d’un coup Djamsha et ses compagnons. En retrait de la ruelle, deux armures de combat XV88 Broadside et trois escouades de guerriers de feu les tenaient en joue. Les fins traits bleutés des marqueurs lasers se fixèrent sur leurs fronts. Derrière eux la porte s’ouvrit et une escouade supplémentaire en tenue de combat émergea pour les prendre à revers. Un officier s’approcha de Jogan et lui mit une main sur l’épaule.
“Vous êtes en état d’arrestation.”

Dans le devilfish qui filait à travers les dédales de la mégastructure d’Elova IV, Djamsha, Miro, Jogan et Lizti se regardaient en silence. Désarmés, menottés, épaulés chacun par deux guerriers de feu vigilants, ils étaient escortés en lieu sûr. Le voyage ne fut pas long. Jogan ajusta ses capteurs auditifs pour mieux percevoir l’environnement extérieur. Ils avaient quitté la foule des quartiers populeux, cependant la pression des moteurs n'indiquait aucune montée en altitude. Ils étaient donc resté dans les bas-fond de la cité. La présence de multiples esprits-machines environnants acheva de le convaincre, ils rentraient dans la zone industrielle de l’Antre des Contrebandiers.
Le devilfish fit encore quelques embardées puis s’immobilisa. La rampe d’accès fut baissée et on poussa les prisonniers à l’extérieur. Chacun cligna des yeux pour s’habituer à la lumière crue qui se déversait des plafonds. Le petit convoi s’était arrêté à l’intérieur d’un immense entrepôt. Déjà derrière eux on ferait la grande porte d’accès. Aux quatre coins de l'entrepôt, sur les coursives supérieures d’autres guerriers de feu étaient en position de surveillance. Au milieu de la salle des techniciens tau de la caste de la terre travaillait sur une énorme machine cylindrique manifestement de conception impériale. Le sceau de l’Adeptus Mechanicus était apparent sur le dessus de l’engin. Un kroot massif était en grande discussion avec deux techniciens.
“Shadowsun m’avait promis que vous pouvoir contrôler. Faire fonctionner.”
“Mentor Agnok. Nous avons promis de faire notre maximum. Mais il nous faut du temps.”
Le Kroot fit claquer violemment son bec.
“Temps. Je n’ai pas.”
Le second technicien s’avança d’un pas, en présentant une tablette sur laquelle défilaient des graphiques.
“Mentor Agnok. Il y a un autre point sur lequel nous voudrions attirer votre attention. Nous pensons qu’il n’est pas raisonnable de conserver l’engin ici à Elova IV. D’après nos calculs s’il venait à s’activer la surface de la planète serait vitrifiée sur environ trois-cent kilomètres à la ronde. En tenant compte de la topographie.”
Le kroot colla son bec au visage du technicien.
“On ne déplace pas. Trop de risques, elle le cherche. Travaillez. Fort.”
Le chef de l’escorte des prisonniers profita de ce moment pour s'éclaircir la gorge. Agnok tourna brusquement la tête. Il avisa le groupe et s’approcha d’un pas animal en humant l’air et en faisant claquer son bec.
“Hm… oui. Odeur au poste de garde. Je disais bien.”
Il s’approcha pour renifler chaque prisonnier et s'arrêta sur Jogan.
“Toi, était au manufactorum Alijes avec vieux Caius Wroth.”
Jogan hocha de la tête.
“J’étais là aussi, annonça Miro en s’avançant d’un pas.
Agnok déjà avait fait demi-tour pour retourner surveiller les scientifiques. Il fit un geste de la main.
“Montez eux deux pour interrogation. Commencez avant moi.”
“Et les deux autres ?” demanda l’officier.
Agnok tourna la tête pour jauger Litzi et Djamsha rapidement.
“Exécutez-les. Mais sous-sol. Je aime pas l’odeur.”
Djamsha et Lizti, protestants et se débattants, disparurent au sous-sol alors qu’on faisait monter Miro et Jogan dans une petite salle vitrée qui surplombait les techniciens. On les ligota dos à dos sur une chaise puis ce qui ressemblait à un médecin tau fit son entrée. Il déballa plusieurs scalpels et seringues et prit la parole.
“Bonsoir. Avant que nous commençions sachez que vous vous rendrez la vie beaucoup plus facile si vous coopérez. Nous ne vous voulons pas de mal. En ne disant que la vérité vous aiderez le Bien Suprême. Et ceux qui aident le Bien Suprême sont nos amis.”
Miro, qui était apparement concentrée sur les techniciens en contrebas s’agita sur sa chaise, et d’un mouvement brusque du bassin fit basculer la chaise sur laquelle ils étaient attachés. Le médecin se retourna et les regarda au sol d’un air peiné.
“Vous comptez aller quelque part ?”
Les rafales de tirs partirent de tous les coins en même temps. Le corps du médecin fut littéralement pulvérisé avec le reste des baies vitrées de la salle. Sur la grande coursive extérieure tous les guerriers de feu en faction s’effondrèrent en même temps, révélant des orks peints en noirs qui sortirent leurs sluggas pour arroser à leur tour les Taus en contrebas. Les tirs de fusils à ions firent écho aux armes automatiques et tout l'entrepôt fut rapidement plongé dans un chaos effroyable. Dans un éclair vert un ork imposant équipé d’une immense lame noire apparu avec fracas au milieu des techniciens Taus et se précipita vers l’engin impérial. Alors qu’il allait atteindre l’ogive une ombre massive se jeta sur lui. Dans un clash de métal et de griffes les deux imposants guerriers explosèrent une console de commandement et atterrirent au milieu d’un enchevêtrement de fils et de verre brisé.
“Korporal Snagbrat. Enfin.” grogna Agnok en se relevant.
Les deux formidables combattants se firent face lentement au milieu de la furie des combats.
Du haut de leur frêle plateforme, à plat ventre, Miro et Jogan étudiaient la situation.
“Le devilfish au fond, criait Miro pour couvrir les tirs, lancé à pleine vitesse il pourra défoncer la porte non ?”
“Je pense oui.”
“Tu saurais le piloter ?”
Alors que Jogan allait répondre une grenade explosa juste sous eux, des débris et des bouts d’armure tau tombèrent en pluie. Miro tira Jogan par la manche et en rampant ils se dirigèrent jusqu’à un escalier. Une fois arrivé en bas, alors que Miro s’avançait vers le véhicule Jogan l’arrêta.
“Litzi et Djamsha sont juste en bas !”
Miro jeta un oeil à la trappe que Jogan pointait. Une exo-armure Crisis projetée par une violente explosion vint s’écraser juste derrière eux.
“Tu penses vraiment que c’est le moment ?” cria Miro.
“Je pense qu’on ne devrait pas laisser des fidèles de l’Empereur-Dieu aux mains de xenos.”
Miro regarda Jogan dans les yeux de longues secondes. Puis elle ramassa un pistolet à impulsion tombé là, souleva la trappe et poussa Jogan à l’intérieur.
Du sous-sol les bruits de combats leur parvenaient quand même étouffés. Ils progressèrent rapidement dans les couloirs mal éclairés. Ils débouchèrent sur une petite salle avec quatre cellules, dans l’une d’entre elle Lizti et Djamsha bondirent sur leurs jambes pour prévenir leurs camarades de se mettre à couvert. A l’entrée des geôles trois guerriers tau firent volte face et ouvrirent le feu sur les intrus. A couvert au coin du couloir Miro tira à son tour mais dans un éclair bleuté ses tirs furent dispersés par la barrière énergétique d’un drone de défense.
“Impossible de passer.” cria Miro à Jogan en face d’elle.
“Il y a peut-être un autre accès ?”
“On a pas le temps Trev’ ! N’importe qui peut descendre d’un moment à l’autre.”
Jogan sembla réfléchir, puis il pencha la tête dans le couloir une fraction de seconde. L’instant d’après trois tirs ioniques explosèrent le béton à côté de lui.
“Miro. La barrière du drone. Elle n’est pas omnidirectionnelle. Elle est dirigée vers nous.”
Miro fronça les sourcils un instant puis son visage s’illumina. Elle fit une moue impressionnée à Jogan. Elle prit une profonde inspiration puis bondit en plein milieu du couloir et ouvrit le feu sur la barrière énergétique avec rage. Instinctivement les soldats tau se mirent à couvert. A cet instant précis la jeune femme lança le pistolet par dessus la barrière. Les soldats regardèrent passer l’arme par dessus leurs têtes et atterrir dans la main de Djamsha. Il eut trois éclairs bleutés puis le pistolet tournoya encore trois fois avant de regagner le holster de cuir.
“Et voilà le travail.” annonça Miro en passant entre des cadavres pour chercher les clefs de la cellule.
“Ah bah non ! C’est ma réplique ça.” s’indigna Djamsha derrière ses barreaux.
“Fallait être plus rapide, répondit Miro en ouvrant la cellule.

Alors que le groupe, à nouveau réuni et solidement armé, jetait un coup oeil par la trappe au champ de bataille qu’était devenu l'entrepôt Djamsha se tourna vers Jogan et Miro.
“Vous êtes venus nous libérer au lieu de fuir quand vous aviez l’occasion ?”
“Que ce soit les taus ou les peaux-vertes qui gagnent ici, vous étiez condamnés.” commenta Jogan. Djamsha acquiesça en silence.
Miro donna ses consignes et le groupe s’élança en direction du devilfish en ouvrant le feu sur tous les xenos sur leur chemin. Ce fut une terrible fusillade, mais alors que le groupe atteignait le véhicule un tir de plasma vaporisa la jambe droite de Litzi. L’adolescente, fauchée en pleine course, s’effondra dans son sang. Depuis la rampe arrière Jogan et Miro la tirèrent à l’abri alors que Djamsha les couvrait de quelques tirs bien ajustés. Dans l’habitacle le chaos était presque aussi intense qu’à extérieur. Litzi hurlait de douleur, Djamsha et Miro tentaient de la maîtriser et de juguler l’hémorragie alors que Jogan essayait de faire démarrer l’engin. Soudain une énorme masse vint s’écraser contre le cockpit du devilfish. Snagbrat, projeté par une puissante attaque d’Agnok venait de l’éclater à moitié. A l’intérieur chacun retint sa respiration. Lentement, Snagbrat, sévèrement blessé, se redressa face au chef Kroot. A travers la vitre brisée, terrés au fond du véhicule, les quatres fugitifs assistaient sans faire de bruit à la confrontation.
“Tu t’bats bien kroot, commença le chef ork, mais si j’peux pas avoi’ la torpille cycloniqu’... alors tu vas mourir ici !” et d’un geste l’ork dégaina un snotling et le lança sur Agnok. Ce dernier esquiva le projectile d’un geste souple.
“Raté.” fit-il d’une voix rauque et dédaigneuse.
Snagbrat esquissa un sourire.
“Ca dépend d’ce c’est qu’je vise. Adieu kroot.” puis l’ork disparut dans un éclair vert comme il était apparu. Agnok se retourna vivement. Le snotling lancé par Snagbrat avait atterrit sur l’antique ogive impériale. La petite créature verdâtre portait un étrange appareillage mécanique conçu pour sa taille. Elle s’enfonça dans les entrailles de la terrifiante arme de destruction. L’instant d’après trois voyants rouges s’allumèrent sur l’écran de contrôle et un compte à rebours de cinq minutes commença à défiler.
Agnok poussa un immense hurlement de rage et couru vers la sortie la plus proche. Il avisa un cibleur tetra sur son chemin, arracha le pilote de son siège, s’installa à bord et lança le véhicule à pleine vitesse à travers la porte principale éventrée par l’assaut ork. Partout les taus paniqués tentaient de fuir par tous les moyens possibles. En l’espace d’un instant il n’y avait plus âme qui vive dans l’entrepôt. Miro et Djamsha, incrédules, sortirent du devilfish l’arme au poing.
“Comment on franchit trois-cent kilomètres de déflagration en cinq minutes ?” murmura Miro.
“L’ascenseur orbital Tau. Au coeur d’Elova IV”, répondit Djamsha machinalement.
“Alors pour nous c’est la fin.” conclut Miro.
Djamsha garda le silence.
Encore dans l’habitacle Jogan appela. Miro passa la tête.
“Litzi perd tout son sang. Tu es infirmière, fait quelque chose !”
Miro s’agenouilla auprès de l’adolescente. Djamsha se laissa tomber sur une caisse renversée en ricanant.
“A quoi bon essayer de la sauver alors qu’on va tous mourir dans trois minutes ?”
Laissant Litzi entre de bonnes mains Jogan se leva et marcha jusqu’à l’ogive de la torpille cyclonique. Djamsha lui fit un signe de la main.
“T'embêtes pas Jogan ! Les meilleurs techniciens taus sont dessus depuis plus d’un mois.”
Jogan ignora le commentaire et arrivé à la hauteur de l’antique machine tira un cable de sa main mécanique pour se connecter. Dans un petit sifflement l’ogive arrêta de vrombir et le compte à rebours s’arrêta.
Djamsha et Miro se levèrent de stupeur.
“Tu ! Tu viens de désamorcer la bombe ?!” cria Djamsha entre la stupeur et l’hystérie.
Jogan haussa les épaules.
“Ben oui. C’est mon métier depuis huit ans au manufactorum Alijes.”
Miro se mordit la lèvre inférieure, Djamsha se tapa la tête doucement contre une poutrelle. Sans leur prêter plus attention Jogan marcha jusqu’au devilfish.
“Djamsha. Donne-moi les coordonnées de ton contact. On quitte cet endroit une bonne fois pour toute.”
Le contrebandier se retourna. Un certain embarras se lisait sur son visage.
“Ca ne va pas être possible Jogan”, commença-t-il gêné.
Miro se tendit imperceptiblement. Jogan fronça les sourcils surpris. Djamsha fouilla dans ses poches et en sortit un papier qu’il tendit au couple.


CHAPITRE 4 - ENVAHISSEMENT

Dans l'entrepôt ravagé la tension était monté d’un cran.
Jogan et Miro relevèrent la tête du papier que leur avait donné Djamsha.
“L’Inquisition me veut mort ?” demanda Jogan stupéfait.
“Pourquoi tu n’as pas tué Jogan quand tu en avais l’occasion ?” ajouta Miro d’un ton froid.
Djamsha referma sans geste brusque son holster.
“Je ne travaille pas pour l’Inquisition.”
“Et pourquoi tu as ce papier alors ?” questionna encore Jogan.
Djamsha s’adossa à un pilier.
“Je suis un chasseur de prime, pas un assassin. Je bosse pour le Duc de la Ferraille. Quand il a appris que l’Inquisition voulait Jogan mort, il a mit sa tête à prix pour une capture. Pour pouvoir le marchander ensuite.”
“Et donc ton contact qui allait nous sortir d’ici ?” continua Jogan.
“Du bidon. A la réception les hommes de ce Duc, pour ta capture. Et une bonne récompense pour Djamsha sans avoir à faire affaire avec l’Inquisition” répondit Miro du tac o tac en fusillant le chasseur de prime du regard. Ce dernier acquiesça en silence.
“Pourquoi nous dire ça maintenant ? Ca n’a pas de sens.” demanda Jogan légèrement troublé.
Djamsha fit la moue. Il semblait chercher ses mots.
“Et venir me sortir de prison avant mon exécution alors que vous auriez pu fuir. Ca n’a pas de sens non plus. Vous l’avez fait quand même.”
Miro lâcha un ricanement incrédule, mais elle écarta quand même la main de la crosse de son arme. Jogan radieux se détendit tout à fait.
“En toute chose, sous la protection de l'Omnimessie, l’union fait notre force !” ajouta-t-il en mettant une tape dans le dos de Djamsha.
“Bon ! Il faudrait penser à dégager avant que les Taus ne se rendent compte que la bombe n’a pas explosé. On réfléchira à un point de chute en route.” commenta Miro en rassemblant ses affaires.
“Oui ! Dégagez Litzi de la soute arrière, on prend la torpille avec nous.” cria Jogan, et joignant le geste à la parole il commença à défaire les sangles de sécurité que les techniciens Tau avaient placé autour de l’appareil.
Djamsha intercepta Jogan et le saisit par le bras.
“Tu es fou ! Ce truc peut nous exploser à la figure d’un moment à l’autre. Il faut partir maintenant !”
Miro avait terminé de déblayer le cockpit et mettait déjà les moteurs en route.
“Il a raison Jogan ! Laissons ça là !”
Jogan se dégagea violemment. Sa voix était tremblante d’indignation quand il se mit à crier.
“Bande de crétins abâtardis ! Vous n’avez pas la moindre idée du miracle absolu de l’union sacrée avec l’omnimessie ! Vous avez peut-être vu deux ou trois techno-prêtres faire des miracles sur le champ de bataille en entrant en contact avec l’esprit de la machine d’un véhicule blessé en quelques minutes ! Formidable tour de force certes mais ce n’est pas ça la véritable communion ! Il faut des semaines, voire des mois pour effleurer la véritable nature d’un esprit de la machine !”
Toujours en vociférant Jogan avait marché jusqu’à la torpille, avec ferveur il posa la main dessu.
“Huit années ! Huit années que je m’occupe d’elle personnellement ! Et vous qui ne savez même pas comment marche un generatorium allez m’expliquer ce qui nous lie ?! Pour être tout à fait exact. Je ne pense même pas qu’elle s'activerait en me sachant dans les parages !”
Comme pour confirmer son assertion, l’appareillage antique se mit à clignoter doucement de quelques voyants verts. Miro et Djamsha gardèrent le silence. Puis sans mot dire ils aidèrent Jogan a chargé la torpille à l’arrière du devilfish.

Quand le véhicule quitta les lieux, les rues avoisinantes étaient encore désertes. A la faveur du faible éclairage du secteur industriel le transport se fondit dans l’obscurité pour quitter rapidement les lieux. Au loin déjà des lumières se dirigeaient vers l'entrepôt.
Au poste de pilotage Djamsha se concentrait sur la conduite. A côté de lui Jogan et Miro évaluaient la situation de Litzi qui avait reprit ses esprits.
“Elle a besoin d’un peu plus d'assistance médicale.” conclua Miro.
“On va où ?” demanda Djamsha.
“Tu n’as pas un point chute en ville ? Un chasseur de prime digne de ce nom...”
Djamsha tourna la tête vers Miro.
“Alors oui. Mais que mademoiselle m’excuse, j’avais pas prévu une planque capable de cacher une bombe capable de raser le continent sur six-cent kilomètres.”
“Trois-cent quarante.” corriga Jogan mécaniquement.
“Ca nous dit pas où on va.”
Litzi toussa puis se releva un peu, aidée par Jogan.
“Au sixième sous-sol, section A5, la raffinerie de déchets Nech.” articula-t-elle péniblement.

Une demi-heure plus tard le devilfish ralentit en entrant dans l’enceinte de la raffinerie abandonnée et déserte.
“Tu es sûre de ton coup Litzi ?” demanda Djamsha en se penchant par le cockpit pour essayer de percer les ténèbres environnant.
Derrière lui Litzi tira un sifflet d’une de ses poches et le tendit à Miro.
“Deux coups long, un court. Et gardez les mains en l’air quoi qu’il arrive.”
Sorti du véhicule, le petit groupe se conforma aux consignes de Litzi. L’instant d’après des dizaines de jeunes sortir de l’ombre l’arme au poing. D’abord méfiants ils changèrent immédiatement d’attitude quand ils découvrirent Litzi baignant dans son sang à l’intérieur du devilfish. Rapidement la petite troupe emmena tout le monde dans les entrailles de la raffinerie. Derrière des panneaux dérobés se trouvait un véritable quartier général de contrebande. On conduisit Litzi jusqu’à un bloc médical où un chirurgien put s’occuper de stopper convenablement l’hémorragie.
Au calme, dans une petite pièce à l’écart, le groupe put enfin se poser. On leur avait fait porter un repas chaud, et Litzi avait demandé à ce qu’on les laisse tranquille pour le moment.
“Pourquoi l’Inquisition voudrait ma mort ? commença Jogan en dédaignant le repas.
“Pourquoi pas ?” répondit Djamsha.
“Parce que ça ne colle pas. Je suis ici parce que l’Inquisition voulait me protéger.”
“Tu avais déjà affaire avec l’Inquisition ?” s’étonna Litzi.
“Oui. Une affaire bizarre. Avec un inquisiteur louche.”
“Un certain Caius Wroth ?” demanda Djamsha.
Miro et Jogan levèrent la tête surpris.
“Comment sais-tu ?” demandèrent-ils d’une seule voix.
“Je n’en sais rien. Je tente de faire le lien entre les différentes rumeurs.”
“Lesquelles ?”
“On raconte qu’un inquisiteur est arrivé sur Navida Prime il y a de ça quelques mois. Ca a fait quelques vagues. Et puis il a disparu il n’y a pas un mois. Dans un crash dit-on.”
Miro fronça les sourcils puis se tourna vers Jogan.
“Je vois. Si Caius a disparu, il est probable que l’Inquisition n’ai pas tous les détails de son opération.”
“Et ?”
“Et dans ce cas là, tout ce qu’ils savent c’est que tu es une pièce que recherche les xenos. Si tu es mort, c’est beaucoup plus prudent pour eux.”
Djamsha acquiesça d’un grommellement.
“Charmant, commenta Litzi en aspirant ses pâtes, et comment on se protège de votre Inquisition ?”
Miro et Djamsha se devisagèrent en silence.
“On ne peut pas, conclua Miro après un moment, il n’y a rien au dessus de l’Inquisition.”
La nouvelle avait assombri le reste du repas. Chacun avait essayé de réfléchir à d’éventuelles possibilités, puis décision avait été prise de prendre le temps de poser à plat la situation. Jogan recherché et Litzi en convalescence resteraient cachés à la raffinerie, Miro et Djamsha eux retourneraient dans les étages supérieures pour essayer de trouver une solution à leurs problèmes.

Une semaine passa. Miro et Djamsha ne revenaient que rarement, pour plus de sécurité. Ce soir là, quand ils entrèrent dans le large loft qui avait été aménagé pour eux en surplomb du hangar principal, c’est Litzi qui vint leur ouvrit, debout sur ses deux jambes. Djamsha fut le premier à réagir.
“Litzi ! Mais comment ? Ta jambe ?”
L’adolescente fit un petit bond en arrière pour que son auditoire puisse bien la voir et exécuta une impeccable pirouette sur sa nouvelle jambe. Elle imitait correctement la chair sauf à l’endroit du genou où la délicate mécanique artificielle était exposé.
Miro se glissa de derrière Djashma, elle ne semblait pas particulièrement impressionnée.
“Des implants de cette qualité c’est rare. Comment tu te l’ai procurée ?”
“C’est un cadeau.” répondit Litzi en effectuant une génuflexion à l’adresse de Miro.
Miro examina encore la jambe artificielle en faisant la moue.
“De qui ?”
“Le Duc de Ferraille.” répondit encore l’adolescente ravie.
Miro jeta un coup d’oeil à Djamsha.
“Dans mon monde personne ne fait de cadeaux désintéressés.”
Derrière le petit groupe un bruit de ferraille jetée au sol retentit. Jogan s’extirpait de son atelier en nettoyant négligemment ses mains noires d’huile avec un chiffon fatigué.
“Dans le mien non plus.” lâcha-t-il en poussant du pied le petit bloc de ferraille qu’il avait jeté par terre.
“Qu’est-ce que c’est ?” demanda Djamsha.
“Un traqueur. Il était installé dans la prothèse.”
“On a vraiment trop d’amis.” laissa tomber Miro laconique en se dirigeant vers la grande table de réunion pour y poser ses affaires. Le groupe se rassembla autour d’elle pour entamer une réunion.
“Alors, quelles sont les nouvelles d’au dessus ?” commença Litzi enjouée en pointant le plafond du menton.
“Plutôt mauvaises, enchaîna Djamsha, comme on pouvait s’y attendre les Taus cherchent l’ogive. Agnok en personne dirige les opérations pour la retrouver. Ils passent la cité au peigne fin, et ils ne font pas dans la dentelle. Quasiment tous les accès d’Elova IV ont été fermés. Ils faut des niveaux d’accréditations maximales pour entrer ou sortir. Ils ont même activé le bouclier de phase de la cité. Impossible de le franchir en dehors des points d’accès.”
“Et on peut espérer de l’aide extérieure ?” questionna Jogan.
Miro prit la parole.
“La situation politique sur Navida Prime s’est extrêmement complexifiée. Maximila Phos, le gouverneur planétaire a été assassiné.”
Jogan et Litzi bondirent sur leur chaise. Djamsha hocha de la tête.
“Oui, j’ai entendu la même rumeur.”
“Mais ce n’est pas tout, le Prime Hermeticon de l’Adeptus Mechanicus a été assassiné.”
Jogan poussa un cri de stupeur.
“C’est impossible ! Il réside au coeur de la forge de Vamii ! Protégé par une cohorte entière de Skitarii.”
“Le pouvoir a donc échu au Ministorum ?” questionna Djamsha.
“Il aurait dû. Mais le vaisseau personnel de l’Archi-cardinal Vahamlir a été saboté et ce dernier a préféré rester sur Navida Tertia. Officiellement pour poursuivre et punir les saboteurs… mais l’Archi-cardinal a quand même envoyé quelqu’un. La cannonesse Vardina, de l’ordre du Voeu Pourpre.”
“Ce nom me dit quelque chose.” commenta Djamsha comme pour lui-même.
“Oui. C’est elle qui a organisé la défense du monde-chapelle Sacaellum et a repoussé les World Eaters. Ceci dit elle est encore en route, et le warp est capricieux.”
“C’est le chaos alors dehors ?” demanda innocemment Litzi.
“Oui et non. L’Imperium est une structure solide et hiérarchisée, elle ne s'effondre pas au premier coup de poignard. Un triumvirat a été désigné. Il est composé du Prefectus Tertius du Departmento Munitorum pour Navida Prime, Aleksey Agustin Petrus, de Simlina Olivarn représentante des maisons nobles et Dacaron Massin le commandant des Forces de Défense Planétaire.”
“Simlina Olivarn ? De la même famille que Leisim Olivarn que Caius a executé devant nos yeux pour trahison ?” s’étonna Jogan.
“Oui. C’est sa tante. La famille Olivarn est l’une des plus puissante maison noble de Navida Prime.”
“Et bien... Il est bien parti ce triumvirat. Pourri avant même d’exercer le pouvoir.”
“Il y a une bonne nouvelle cependant. Le triumvirat, rassemblé à la ruche de Vamii, a désigné Atornus Geis, des Imperial Fists, conseiller extraordinaire et membre irrévocable du Triumvirat.”
Jogan haussa des épaules d’un air indigné.
“Ridicule ! Atornus Geis est un Maître de la Forge. Son savoir et ses compétences sont sans égale sur toute la planète. Il a étudié les mystères de l’Omnimessie pendant plusieurs siècles !”
Miro bascula tranquillement sur sa chaise d’un air satisfaite.
“Tiens c’est marrant ça.”
“Quoi donc ?” demanda Jogan bougon.
“Apparemment ton Maître de la Forge pense la même chose. Quelques minutes après la déclaration officielle du Triumvirat des témoins disent avoir vu dans le ciel un faisceau s’élancer vers le dernier étage de la ruche. Il aurait forcé plusieurs secondes contre les boucliers ioniques avant de les traverser et de pulvériser l’étage au dessus de la salle du conseil.”
Jogan avait bondit sur sa chaise, tout d’un coup parfaitement attentif. Miro poursuivait son histoire tranquillement.
“Atornus Geis a ensuite déclaré sur les ondes que le chapitre des Imperial Fists prenait le commandement de toutes les forces de Navida Prime et que le Triumvirat était désigné suppléant administratif honorifique. Avant, parait-il, d’ajouter que ses systèmes de visées étaient capables de viser un étage en dessous.”
Jogan était béat d’admiration. Il tira Djamsha par la manche dans son euphorie.
“Un faisceau de conversion ! C’est un faisceau de conversion qu’il a utilisé ! J’en suis certain ! Vous vous rendez compte ? Il n’en existe peut-être à peine plus d’une dizaine dans toute la galaxie. Il tient dans les mains une arme considérée comme un trésor du temps de l’Age d’Or de la Technologie ! C’est…”
Djamsha dégagea très gentillement sa manche et s’accouda à la table.
“Qu’est-ce que ça change pour nous ?”
“Il n’y a rien au dessus de l’Inquisition dans l’Imperium, répondit Miro, mais s’il y a bien deux factions pour lesquelles cette notion est floue, c’est le Mechanicum et les Astartes.”
“Et ça tombe bien, Atornus fait partie des deux.” enchaîna Djamsha.
“C’est notre meilleure chance.” termina Miro.
Litzi, jusque là discrète, prit la parole.
“Seulement il y a un problème, toute communication avec l’extérieur est impossible.”
“C’est exact, confirma Miro, j’ai tout essayé. Le niveau de sécurité imposé par les Taus est impénétrable.”
“Moi j’ai une solution...” commença Djamsha en marquant une pause délibérée. Chacun se tourna vers lui.
“Et quelle est-elle ?” s’enquérit Jogan.
“Le Duc de Ferraille.”
“Celui-là même qui voulait me capturer pour mieux me vendre à l’Inquisition ?!”
Litzi et Miro fronçèrent les sourcils.
“Celui-là même.” répéta Djamsha tranquillement.
Jogan croisa ses bras sur sa poitrine.
“Jamais.”
Djamsha haussa les épaules. Miro passa son regard sur la petite assemblée avant de prendre la parole.
“Entendu.” laissa-t-elle tomber.
Jogan la fixa d’un air outré.
“Mais Miro...”
“Une question cependant Djamsha. Est-ce qu’il accepterait de venir marchander ici en personne ?”
Djamsha bascula en arrière pour poser ses pieds sur la table.
“Toi… tu as un plan. Attention, c’est le personnage le plus puissant des bas-fonds d’Elova IV.”

Le lendemain, dans l'entrepôt désert, Miro, Djamsha et Jogan attendaient devant le Devilfish réparé. Litzi et ses alliés s’étaient cachés dans les environs pour les alerter en cas d’embuscade. Cinq énormes véhicules firent leur apparition au bout de la rue. La colonne fit un tour complet de l'entrepôt puis vint s'arrêter devant le devilfish. Du véhicule au centre, une longue limousine décorée aux couleurs des bas-fonds d’Elova IV, descendit six gardes du corps armés jusqu’au dent, puis un personnage à la haute stature. Engoncé dans une armure d’apparence xenos, vêtu d’un grand manteau raffiné et d’un chapeau à bord large rehaussé d’une plume verte, il fit claquer sa canne contre le bitume en s’approchant du trio d’un pas résolu. Il arborait une grande moustache soigneusement taillée et une solide barbe. Il sourit de toutes ses dents en apercevant Djamsha.
Ce dernier se tourna vers Jogan et Miro.
“Mes amis : le Duc de Ferraille.”
“Notre meilleur chasseur de prime sur tout Elova IV ! Ravi de te revoir.” commença le duc d’une voix grave mais enjouée.
“Je vous ai manqué ?” s’étonna Djamsha.
“Nous étions inquiets. La rumeur courait que ce chef Kroot t’avais tué.”
“Oui. C’est toujours triste de devoir porter le deuil.”
Le Duc fit une petite moue.
“Surtout triste de devoir faire une croix sur une dette de six-cent trônes.”
Miro, impatiente, s’avança d’un pas.
“Duc, veuillez m’excuser d’interrompre ces touchantes retrouvailles mais nous avons beaucoup à faire.”
Le duc fit un petit pas en arrière théâtral, comme quand on se recule pour admirer une oeuvre d’art d’importance, puis il ôta son chapeau pour se fendre d’une génuflexion distinguée.
“Djamsha, tu es un piètre chasseur de prime, mais tu ne connais aucun égal en tant que coureur de jupons.”
Puis à l’attention de Miro.
“Mademoiselle, c’est un ravissement des yeux que de pouvoir vous contempler. Si d’aventure vous étiez un jour lasse des turpitudes de Djamsha, vous trouverez notre porte ouverte.”
Le visage de Miro était un masque de cire glacé.
“Duc, voici la raison pour laquelle vous êtes ici ce soir :
A partir d’aujourd’hui, et jusqu’à la fin de l’opération que nous montons, vous travaillerez pour nous. Vous n’aurez aucune activité plus prioritaire que la mission que nous allons vous assigner. Vous ne recevrez aucun paiement avant que la mission ne soit terminée et vous recevrez pour vos efforts une somme non négociable et déterminée par nous.”
Miro avait débité son discours d’une traite. Au fur et à mesure le visage de Djamsha s’était décomposé pour terminer dans un rictus de stupeur. Autour du Duc les gardes stupéfaits avaient commencé à lever leurs armes. Tout le monde attendait dans un silence de mort.
Ce fut le Duc lui-même qui brisa la glace… en partant dans un immense rire qui faillit lui faire perdre son chapeau. Secoué d’une crise de rire saine et revigorante il lui fallut presque une bonne minute pour se remettre de ses émotions. Quand enfin il retrouva un semblant de calme il eut besoin de s’appuyer sur sa canne pour se tenir droit.
“Mademoiselle ! Djamsha nous avait prévenu que vous étiez une excentrique, mais si nous nous m’attendions à cela.”
Puis, la voix du Duc changea légèrement, elle descendit d’un demi-ton vers un rythme plus lent, et plus froid.
“Eu égard à votre grâce et au divertissement que vous venez de m’offrir nous vous offrons une dernière volonté avant de vous exécuter pour votre affront… et ne comptez pas sur vos “amis” pour vous aider.”
Alors qu’il prononçait ses mots, une porte latérale coulissa de l’un des véhicules du convoi. A l’intérieur Litzi, bâillonnée et menottée apparue. Un homme de main du duc la poussa sans ménagement hors de l’habitacle. Djamsha fit un pas en direction du duc.
“Duc, un instant, Miro n’est pas au fait…”
Le Duc de Ferraille leva un main, Djamsha s’interrompit.
“Djamsha. Tu nous connais, nous ne sommes pas mauvais. Mais il y a des affronts qui demandent du sang.”
Miro s’éclaircit la voix.
“J’ai ma dernière volonté. Mais avant, est-ce que vous avez un véritable expert en technologie comme nous vous l’avions demandé ?”
Le duc redressa la tête pour contempler la jeune femme. Un sourire se dessina sur ses lèvres. Il claqua des doigts. Un garde ouvrit l’une des portes de la limousine et un étrange orangs-outang bardé de matériel technologique xenos en descendit. A sa vue Jogan ne put réprimer un cri de stupéfaction.
Le duc se tourna à nouveau vers Miro.
“Est-ce que cela vous convient, demanda-t-il d’un ton cassant, si vous avez la moindre idée de quoi il s’agit bien sûr.”
Miro se tourna vers Jogan, celui-ci s’avança jusqu’à sa femme pour lui chuchoter à l’oreille.
“C’est un Jokaero ! Une créature des légendes. Jusqu’à aujourd’hui je pensais qu’ils n’existaient pas. C’est inimaginable. On dit que mêmes les Hauts Seigneurs de Terra luttent pour essayer de s’en procurer ne serait-ce qu’un.”
“Et quel rapport avec un expert en technologie ? Sont-ils capable de rivaliser avec le savoir de l’Adeptus Mechanicus ?”
A cette question Jogan baissa la tête. Il regarda ses pieds d’un air contrit.
“Quoi ?” demanda Miro.
Jogan marmonna.
“Et bien… en fait… leurs connaissances technologiques, le transmecanicien marqua une pause, dépassent largement celles du Mechanicum.”
Miro tapa gentiment l’épaule de son compagnon.
“C’est parfait Duc. Si votre expert veut bien regarder ce que nous avons ici et vous faire un rapport précis sur la nature et surtout les capacités de cet objet.”
Et joignant le geste à la parole Miro avait activé l’ouverture de la rampe du devilfish, dévoilant la massive machine frappé du sceau du Mechanicum. Le Jokaero échangea un regard avec le Duc puis s’approcha de la machine. Pendant plusieurs minutes il tourna autour, sortit quelques étranges instruments, s’isola dans un coin du devilfish pour bricoler quelque chose, revint près de la machine pour la scanner avec un nouvel appareil. C’est à ce moment là qu’il se figea pour lire avec soin les signaux sur son appareil, l’instant d’après il ramassa ses affaires avec précipitation et retourna à grand pas simiesques vers la limousine. Quand il passa devant le Duc il pianota rapidement sur l’un de ses modules avant de disparaître dans le véhicule. Des symboles apparurent sur l’avant-bras de l’armure du Duc qui parcouru les quelques lignes rapidement. Son visage s’assombrit.
Miro s’avança.
“Je résume la situation. Depuis que les Taus ont réactivé le bouclier archéo-technologique d’Elova IV personne ne peut sortir, pas même vous. Si vous ne nous aidez pas, les Taus vont inévitablement finir par nous coincer d’ici quelques jours, nous ne nous laisserons pas prendre et nous ferons exploser la torpille. Si vous essayez quoi que ce soit contre nous, nous ferons exploser la torpille. Et si la torpille explose, Elova IV est rayée de la planète et vous avec, où que vous vous cachiez dans la cité. Ce qui fait que ma proposition est votre seule façon de survivre en plus d’être lucrative.”
Le Duc garda le silence un moment.
“Joliment amené mademoiselle. Nous, le Duc de Ferraille, apporterons notre aide, à cette périlleuse tâche qui consiste à sauver Elova IV et tous ses habitants d’une annihilation totale. Que pouvons nous pour vous ?”
Derrière Miro, Djamsha se détendaient enfin, il passa une main discrète sur son front où de vraies perles d’anxiété avaient commencé à rouler.
“Djamsha m’a dit qu’il était possible que vous ayez un moyen de communiquer avec l’extérieur malgré la barrière ?” répondit poliment Miro.
Le Duc tira doucement sur sa moustache.
“C’est exact.”
“De quelle nature ?”
“Un psyker. Un fugitif des vaisseaux noirs.”
Jogan se raidit.
“Mais c’est une double hérésie !”
Miro sortit son arme et la passa à Jogan.
“Je viens avec vous Duc. Jogan, Djamsha, assurez la garde de la bombe jusqu’à mon retour.”
Jogan receptionna maladroitement le pistolet.
“Mais ? Tu vas contacter qui ?”
Miro se tourna vers son équipe un sourire un peu forcé aux lèvres.
“Je sais pas encore. Quelqu’un qui veuille bien nous venir en aide.”

C’est six heures plus tard que le Duc de Ferraille revint en personne rencontrer le petit groupe. Il était accompagné d’une escorte réduite mais à l’allure différente.
“Vous avez reçu une réponse à votre bouteille à la mer.” annonça-t-il en tirant une chaise à la table. Tout le monde était suspendu à ses lèvres. Il tira un papier de sa poche et commença la lecture.
“Maréchale de l’Air Everlid Passang. Nous avons bien reçu votre message. Nous confirmons une extraction de quatre individus et d’une charge de vingt-deux tonnes. L’extraction aura lieu dans vingt-six heures, entre les niveaux 23 et 34, façade nord nord-est. Vous devez impérativement faire baisser l’intensité du bouclier d’au moins 60% au moment de l’extraction.”
L’assemblée resta silencieuse pendant un temps.
“C’est… c’est singulier.” commença Djamsha.
“Au moins c’est une réponse.” tenta Jogan en essayant de paraître positif.
“Vous savez des choses sur cette Maréchale ?” demanda Djamsha à l’attention du Duc de Ferraille.
“Pas grand chose. Elle a combattu sur Nectavus VI. Elle a été rappelée cette année pour prendre la direction des opérations pour tout le continent depuis les premières incursions orks. Mais à priori Elova IV est loin de ses théâtres d’opérations habituels. La zone est sous contrôle des Taus.”
“Et à propos du bouclier ? Est-ce qu’on a la moindre chance ?”
Le duc se lissa la moustache en réfléchissant.
“C’est compliqué, commença-t-il lentement, on ne sait presque rien de ce générateur. Les Taus ne l’utilisent presque jamais, la dernière utilisation remonte à douze ans. De ce que nous en savons ce n’est pas une technologie Tau. Le système fait partie de la structure d’Elova IV.”
Litzi bondit comme un diable de sa boite. Elle disparut dans la salle de stockage attenante au loft, il y eut des bruits d’étagères renversées pendant plusieurs minutes, puis elle réapparu, couverte de poussière, tenant une immense carte roulée entre les mains. D’un geste excité elle la posa sur la table et la déroula en grand.
“Les Niveaux Interdits !”
Chacun se pencha sur la carte pour mieux voir. Ce n’était pas une seule carte, mais plusieurs, mises bout à bout, griffonnées et annotées de toutes parts.
“Il n’y a aucun accès pour les niveaux 20 à 30. Pour passer aux étages supérieurs les Taus utilisent deux passerelles ici et là, commença Litzi en pointant des zones du doigt, et ils ont installé eux-même une dizaine d’ascenseurs sur la paroi extérieur, ici. On a essayé plusieurs fois d’explorer la zone, mais sans succès. On suspecte les Taus de ne pas même entrer eux-mêmes dans ces niveaux tellement la zone est hermétique.”
“Quel rapport avec notre affaire ?” demanda Jogan sans méchanceté.
“Et bien un fouineur a rapporté avoir vu une équipe Tau très spéciale en déplacement vers les Niveaux Interdits il y a quelques jours.”
Litzi marqua une pause en se redressant pour surplomber son assistance.
“La dernière fois qu’un fouineur a vu une telle équipe à ce niveau… c’était il y a douze ans.”
“La dernière fois que les Taus ont activé le bouclier d’Elova IV !” s’exclama le Duc.
“Exactement !”
“Combien de temps il vous faut pour vous rendre aux Niveaux Interdits ?” demanda Miro.
Litzi se concentra un instant.
“Trois jours environ.”
“Trois jours ?!”
“Ben oui. Tous les niveaux après le niveau 10 sont interdits aux Gue'las. On passe par la paroi extérieure, mais la progression est très lente à cause de la surveillance.”
“Sauf qu’on a vingt-six heures.”
Le Duc de Ferraille sorti une carte de sa poche et la poussa sur la table.
“Des accréditations pour n’importe quel niveau.”
Les yeux de Litzi se mirent à briller. Miro tendit le bras pour récupérer le badge.
“Nous en ferons bon usage Duc. Merci.”

Les préparatifs de l’opération avaient prit une bonne heure. Jogan, Miro et Djmasha, déguisés en techniciens, montaient maintenant vers niveau 19 à bord d’un monte-charge réservé aux équipes de maintenance. Devant eux, pour les aider dans leur infiltration, Xantipe, une experte recommandée par le Duc de Ferraille pour l’opération. Et à leurs côtés, Litzi. Cette dernière avait insisté lourdement pendant toute la duré des préparatifs pour pouvoir être la première Fouineuse à voir les Niveaux Interdits. Lassée Miro avait fini par accepter.
Le monte-charge s’immobilisa en douceur et la porte latérale glissa dans un bruit de ferraille. Devant eux s’ouvrait un large couloir, sur les côtés deux autres monte-charges déversaient des équipes de techniciens. Devant eux se tenait un imposant barrage Tau. Des drones et des positions défensives pointaient leurs armes ioniques sur eux, alors que pas moins d’une dizaine de guerriers de feu procédaient au contrôle méthodique des techniciens. Xantipe avait convaincu Miro de perdre une précieuse heure sur leur planning pour arriver à l’heure de pointe, et en voyant la foule des techniciens qui se pressait devant les contrôleurs, le conseil de Xantipe apparaissait comme extrêmement judicieux.
Quand leur tour vint, Xantipe s’avança pour présenter le badge de son équipe et engager la conversation avec les gardes Taus. Elle s’exprimait dans un tau impeccable et le guerrier de feu en charge de leur inspection semblait conquis. Ils discutèrent une ou deux minutes d’un ton qui semblait parfaitement aimable, puis il fit un signe de main pour signifier à toute l’équipe de passer.
“Je ne pensais pas que ce serait si facile !” souffla Djamsha alors qu’ils s’éloignaient du barrage.
“Les Taus croient en une sorte de doctrine appelé le Bien Suprême, répondit Xantipe, ils luttent pour essayer de rallier toutes les races à cette doctrine. Ce qui se termine souvent très mal. Alors ils sont obligés de recourir à la coercition. Pour nous c’est simplement la guerre. Pour eux c’est un échec. C’est qu’ils n’ont pas su convaincre. Un ennemi mort, c’est un ennemi qui ne rejoindra jamais le Bien Suprême. Alors quand ils rencontrent un individu qui a su faire siennes toutes les valeurs de la culture Tau, pour eux qui n’ont connu que la guerre, c’est un peu comme une consécration, c’est une preuve tangible qu’ils ne se battent en vain et que le Bien Suprême se réalise.”
Ils avaient marché jusqu’aux abords de la structure. A cet endroit les coursives latérales donnaient directement sur l’extérieur. Des vents violents venaient secouer la meta-structure, et ici et là des nacelles glissaient le long de la paroi pour convoyer les équipes de réparations aux différents points du niveau. Xantipe emmena son équipe jusqu’à la grande plateforme extérieure d’où partaient les différentes nacelles.
Au chef technicien qui les arrêta en chemin elle tendit un papier.
“Réparation sur un rail rail extérieur.” ajouta-t-elle.
Le chef technicien lui remit une clef et leur pointa une nacelle du doigt. L’instant d’après ils glissaient le long de la paroi. Des sacs chacun sortit son harnais, Litzi et Xantipe préparaient le matériel d’escalade. Le petit groupe commença son ascension avec prudence. Régulièrement il fallait s’immobiliser quand passaient les patrouilles de Piranhas. Arrivé à bon port Litzi sorti le matériel de forage et commença méthodiquement la découpe de la paroi. Rapidement elle s'arrêta, la première couche protectrice avait fait place à un matériel étrange, qui réagissait au forage en se durcissant. Jogan analysa la structure puis bricola en urgence une modification du faisceau à partir de matériel de fortune, notamment le pistolet laser de Miro et plusieurs gadgets précieux que Litzi portait sur elle. Enfin, quelques heures plus tard, un orifice d’une taille suffisante pour se glisser à l’intérieur fut pratiqué. Sans perdre un instant toute l’équipe se glissa à l’intérieur.

A l’intérieur tout était noir et silencieux. Jogan activa une lampe dans son oeil droit et un large faisceau de lumière fendit les ténèbres. Les autres allumèrent leurs petites lampes portatives. Les lieux étaient étroits et en ruine. Des enchevêtrements de câbles pendaient du plafond, les plaques de revêtement métalliques des parois tombaient çà et là, révélant d’étranges machineries d’archeo-tech et le sol était jonché de débris.
Miro ouvrit la marche, armée d’une barre de fer ramassée là, suivait Jogan et sa lumière, Litzi et Xantipe se tenaient au milieu et Djamsha fermait la marche. Le groupe progressa lentement pendant de longues minutes. Les lieux étaient aussi déserts qu’immenses. Parfois, par un couloir effondré, ils pouvaient voir de gigantesques espaces ouverts, traversés de passerelles, des installations de type industriel ou d’étranges amphithéâtres au rôle inconnu. Ce fut Jogan qui stoppa la progression. Il avait senti un flux énergétique derrière une paroi. Miro et lui dégagèrent rapidement la plaque et dévoilèrent un épais maillage de câbles en bonne condition. Jogan se connecta prudemment et resta là, les yeux retournés, pendant de longues secondes. Quand il revint à lui il eut un petit sourire en coin.
“La zone est en parfait état de marche, malgré les apparences. Le réseau énergétique fonctionne et il y a une concentration particulière non plus loin d’ici.”
Alors que Jogan se relevait pour se remettre en marche il y eu un mouvement dans le noir au plafond, quelque chose avait filé à grande vitesse depuis le bout du couloir jusqu’à eux. Miro, instinctivement, frappa contre la paroi et toucha quelque chose, la seconde forme cependant s’abattit sur Litzi. Il y eut un claquement métallique et Litzi cria de douleur en se tenait le ventre. Jogan paniqué tourna la tête dans sa direction, éclairant l’adolescente de son oeil. Il n’eut le temps que d’entrevoir une espèce d’araignée métallique fuir sa lumière parmi les cablages du plafond. Soudain derrière eux des éclats de lumière illuminèrent la scène. Djamsha ouvraient le feu dans le couloir derrière eux, plusieurs tirs de pistolet laser peignirent tout l’environnement de leur lumière rouge. Au fond du couloir des dizaines d’araignées métalliques progressaient à grande vitesse dans leur direction, chaque tir de Djamsha en abattait une, mais deux autres émergeaient aussitôt. Xantipe fit volte-face pour joindre ses tirs à ceux de Djamsha. Miro, qui avait éclaté l’un des araignées qui avaient réussi à se glisser jusqu’au dessus de leur tête continuait à en éclater à coup de barre à mine alors que Jogan se portait au chevet de Litzi. Il n’eut pas le temps de faire quoi que ce soit que deux pinces jaillirent de la paroi à côté de lui et l’attrapèrent par le cou et l’attirèrent contre la paroi en lui cisaillant les chairs. Litzi, n’écoutant que son courage, attrapa les pinces coupantes à mains nues pour tenter de freiner le broyage. Dans un ultime effort, alors que le métal tranchant commençait à traverser ses gants et que le sang se mit à couler entre ses doigts, elle parvint à stopper le mouvement. C’est ce moment que choisit Miro pour sauter et plonger jusqu’à eux. D’un geste puissant, aidé par tout son poids elle frappa à l’aveugle, à travers les cables de la paroi, à l’endroit précis d’où les deux mandibules sortaient. Sa barre s’enfonça profondément, il y eut un bruit d’explosion sourde et les mandibules se relâchèrent sous l’effort de Litzi. Jogan, liberé, se laissa tomber au sol en se tenait la gorge.
“Il faut partir ! Il y en a trop !” cria Djamsha derrière eux sans leur laisser le temps de souffler. Comme un seul homme le groupe recula rapidement le long du couloir. Xantipe, Litzi et Djamsha se relaient à tour de rôle pour maintenir un feu de couverture sur les poursuivants alors que Jogan ouvrait la marche.
“Ta blessure, lui cria Miro alors qu’ils couraient, ça va aller ?!”
Jogan hocha la tête et retira sa main de son cou. Il n’y eu pas une goutte de sang.
“Ca va ! J’ai redirigé une partie de mes afflux sanguins vers d’autres vaisseaux.”
“Bien sûûûr.” commenta Litzi mi-dégoûtée, mi-incrédule.
Alors que le groupe continuait sa retraite ordonnée ils débouchèrent sur un carrefour jonchés de cadavres et de carcasses métalliques. Jogan fut le premier à réagir, il poussa un cri à la fois de terreur et d’admiration. Il avait pointé du doigt une carcasse au milieu de cet amoncellement. Sur la poitrine d’un automate était gravé le symbole de l’Adeptus Mechanicus, le crâne enchâssé dans le saint engrenage. Alors que le reste du groupe débouchait dans la salle, la scène apparut clairement à tous. Ce qu’ils regardaient était une scène de bataille. Un dernier carré défendu par des guerriers et des automates de l’Adeptus Mechanicus. Jogan cependant semblait avoir été prit d’une crise de nerf incontrôlable à la vue de ces restes. Il se jeta sur l’amas de ferraille et commença à en tirer des morceaux frénétiquement.
Litzi, Xantipe et Djamsha formèrent un front à l’entrée du couloir et déversèrent un déluge de feu dans l’obscurité du couloir. Miro grimpa derrière Jogan et le ceintura pour le faire redescendre.
“Jogan ! Ressaisis-toi ! Il faut partir !”
Jogan se débattit avec tant de vigueur que les deux dégringolèrent au pied de la pile. Jogan tenait encore un artefact dans la main, ses yeux étaient fous quand ils croisèrent ceux de sa compagne.
“Regarde ! Une lame transsonique ! Et là ! C’est ! C’est un automate de classe Castellax ! Tu comprends ce que ça veut dire ?”
Le reste du groupe passa devant eux en courant et en continuant à tirer. Miro arracha l’épée transsonique des mains de Jogan et le remit sur pied.
“Ca veut dire qu’on se remet en route pour ne pas finir déchiquetés ici !”
Jogan hurla à la mort pendant de longues minutes pendant qu’on le traînait dans les couloirs. Après bien des efforts le groupe parvint à semer ses poursuivants. Au détour d’un couloir chacun se laissa tomber pour reprendre son souffle. Alors que tout le monde reprenait ses esprits Miro s’immobilisa. Elle leva une main lentement pour intimer l’ordre de rester immobile et leva très lentement sa lame. Tout le monde resta interdit, puis Djamsha fut le second à voir ce qu’avait vu Miro. Il hocha de la tête dans sa direction et se prépara à dégainer. Derrière eux, contre la paroi, un scarabé de métal de la taille d’un paléo-chien se formait lentement en absorbant les matériaux alentours dans un mimétisme quasi-parfait. Miro et Djamsha attaquèrent de concert à une vitesse fulgurante. Mais la machine fut plus rapide, et dans un mouvement de réflexe irréel esquiva les deux coups. Elle contre-attaqua dans un même mouvement automatique, et une pince tranchante toucha Djamsha et Jogan d’un geste circulaire. Jogan laissa échapper un sifflement de frustration quand l’attaque endommagea un boîtier métallique encastré dans son abdomen. Alors que le reste du groupe prenait une position de combat désespérée face à ce nouvel ennemi, le scarabé lui s’était figé. Ce qui ressemblait à la tête se tourna vers Jogan et émit à son tour ce qui semblait être un sifflement à la limite de l’audible.
“Evidemment !” cria Jogan en rage à l’adresse de la machine.
La machine continua son très léger sifflement. Jogan recouvra un semblant de calme et se mit lui aussi à émettre ce qui ressemblait à un sifflement dissonant. Puis il se tourna vers le reste de son groupe.
“Ca alors ! C’est incroyable. Cette… machine. Elle est contrôlée par un membre de notre saint adeptus. Son lingua-technis est très différent du mien, mais nous arrivons à communiquer. Il n’a aucune intention belliqueuse. Il m’a indiqué un chemin pour le rejoindre. Il suppose que nous aurions beaucoup à échanger. Je lui ai demandé s’il savait quelque chose sur la génération du bouclier d’Elova IV, il m’a transmit plusieurs schémas qui me prouvent qu’effectivement nous sommes au bon endroit.”
Djamsha baissa son arme et se redressa dubitatif.
“Il t’as dit tout ça en un sifflement ?”
“Le lingua-technis est un mode de communication qui dépasse le simple langage.”
“Il a dit autre chose.”
“Ah oui ! Il a fait mention du fait que nous n’avions que quelques minutes à vivre. Une entité qu’il appelle le Gardien serait en route vers notre position. Et apparement rien ne peut lui échapper.”
Comme pour appuyer ses mots le sol se mit à vibrer. Au sol les petits objets se mirent à rouler et de la poussière commença à tomber du plafond. Le scarabé se colla à nouveau à la paroi, en quelques instants il fusionna avec le matériel environnant pour ne faire plus qu’un avec la structure.
“Tu sais comment le rejoindre ?” cria Miro à l’attention de Jogan.
“Oui ! Il m’a transmis l’intégralité des plans des Niveaux Interdits. Je peux les visualiser.”
Au bout du couloir une énorme masse lancée à pleine vitesse s’écrasa contre le mur sans se donner la peine de ralentir pour tourner. Dans la semi-obscurité qui régnait à l’autre bout du couloir, ce qui ressemblait à une boule de tentacules métalliques articulés, de câbles vivants et d’electro-fouets commença à se frayer un chemin vers eux. L’entité ne semblait pas avoir de corps mais ressemblait plutôt à une masse grouillante de vers dans laquelle luisaient une dizaine de pairs d’yeux rouges braqués sur eux. La chose était si grosse qu’elle obstruait entièrement le couloir par lequel elle arrivait.
“Le fameux Gardien je présume.” déglutit Litzi.
“Jogan, emmène les autres ! Et désactivez-moi ce bouclier !”
“Et toi ?” cria Djamsha pour couvrir la cacophonie infernale du gardien.
“Moi je vais tenter de le distraire. Je vais l’attirer loin et je vous rejoindrai plus tard, ou dehors !”
Sans attendre de réponse Miro s’élança en direction du Gardien. Le reste du groupe parti dans la direction opposée, courant derrière Jogan qui ouvrait la voie.

Pour Jogan le dédale n’en était plus un. Il courait d’un pas assuré dans l’obscurité. A chaque carrefour il savait exactement où tourner. A chaque grand espace sa lumière fendait l’obscurité pour illuminer la rampe d’accès dissimulée qu’il fallait emprunter. En l’espace d’à peine une dizaine de minutes ils arrivèrent à destination. En s’enfonçant dans le coeur de la méta-structure ils avaient commencé à rencontrer des espaces colossaux, dans lesquels des machines incroyables tournaient en silence pour remplir quelques énigmatiques fonctions. Arrivé à un poste de contrôle, des portes coulissantes se refermèrent brutalement tout autour d’eux. En un instant ils étaient enfermés dans cette salle. Par réflexe Djamsha dégaina mais Jogan posa une main sur le canon de son arme.
Contre une paroi de la salle de contrôle le phénomène de construction recommença. Le matériel commença à s’assembler rapidement et une forme humaine émergea. C’était un techno-prêtre, si entièrement mécanisé qu’il était impossible de discerner à l’oeil nu la moindre parcelle de chair sur son corps. Quand il fut entièrement formé il fit un pas dans la salle et montra une console à Jogan. Ce dernier se brancha, les deux adeptes restèrent un instant silencieux, puis sourirent en même temps.
“Loué soit l'Omnimessie. Vous avez mit à jour votre gothique ?” commença Jogan.
L’individu articula d’abord dans le vide, sans qu’aucun son ne sorte, puis de sa gorge sortit une voix métallique désarticulée.
“Oui. Mise à jour. Éléments. Comparer. Ressemblance. Facilite. Langue. Commune. Loué soit l’Omnimessie.”
“Vous savez quelque chose à propos du bouclier ?” le coupa presque Djamsha pressé.
“Bouclier. Mort. Drones. Venir. Oui. Activation. Désactivation.”
“Désactivation ? Oui, comment on le désactive ?” le pressa Djamsha.
Le technoprêtre tendit un bras. Un panneau glissa contre un mur, révélant une baie vitrée. En contrebas des turbines en activités illuminait une grande salle d’une pâle lumière bleutée. Dans le même temps des données commencèrent à défiler sur l’une des consoles de la pièce. Djamsha et Litzi se penchèrent pour regarder.
“Les instructions pour désactiver le bouclier !” souffla-t-elle impressionnée.
Jogan laissa ses compagnons se concentrer et se tourna vers le techno-prêtre.
“Qui êtes-vous ? Comment… comment faites-vous cela ?”
Le techno-prêtre monta quelques marches jusqu’au poste de commandement du centre de contrôle. Il se tourna solennellement vers Jogan, le fixa dans les yeux, puis il leva une main. Au niveau du pupitre de commandement un compartiment glissa pour révéler un objet, manifestement de construction impériale.
Jogan approcha très lentement sa main. Il tremblait. Ses systèmes subdermaux s’interfacèrent avec l’objet. Lentement les données remontèrent à lui, et il eut la confirmation de l’impossible. L’objet sous ses doigts était un fragment de Schéma de Construction Standardisé. Le bien le plus précieux de la galaxie. L’unique quête du Mechanicum. La glorification de l’Omnimessie.
“C’est un SCS.” murmura Jogan en binaire.
“Oui.”
Jogan tourna des yeux fous vers son coreligionnaire.
“Que contient-il ?”
“Des schémas de modifications du cerveau pour permettre la conscience dans les espaces virtuels. Et des remodeleurs moléculaires.”
“C’est inimaginable. Est-il fonctionnel ?”
“Oui. Je m’en suis servi.”
Jogan plissa les yeux. Son regard se promena sur la salle. C’est alors qu’il remarqua une étrange construction derrière la chaise de commandement. L’objet d’origine avait été modifié grossièrement par une technologie d’origine différente. Sur le siège un squelette tombé en poussière trônait là avec derrière l’os de sa nuque ce qui ressemblait à une foreuse.
“C’est vous ?”
Le techno-prêtre garda le silence. En bas des marches le groupe héla le transmecanicien.
“Jogan ! On descend désactiver le bouclier ! Surveille que tout se passe bien depuis le centre de contrôle.”
Le techno-prêtre fit un pas pour s’approcher de la baie vitrée, Jogan sur ses talons.
“Ils n’auront pas le temps.” finit-il par commenter après un long silence.
Déjà en bas Jogan pouvait voir ses compagnons courirent entre les turbines en direction d’un générateur plus grand que les autres.
“Comment ça ?”
“Le Gardien. Il arrive. Rien ne peut l’arrêter.”
“Miro…” murmura Jogan.
“Le voilà.”
Bien qu’aucun son ne montait jusqu’à Jogan depuis la salle des turbines ce dernier put voir ses compagnons s’immobiliser en contrebas. Puis Xantipe et Djamsha ouvrirent le feu en direction d’une cible hors de son champ de vision alors que Litzi se precipitait sur un panneau de contrôle. Soudain le Gardien apparut dans le champ de vision de Jogan. L’énorme masse de tentacules métalliques se glissa par dessus une turbine en encaissant les tirs. Djamsha plongea pour tirer Litzi en arrière, les tentacules frappèrent l’endroit où elle se tenait la seconde d’avant. Xantipe fit mouche de deux tirs consécutifs, donnant le temps à Djamsha et Litzi de se relever. Le techno-prêtre se tourna vers le siège de commandement transformé en machine à implant.
“Ils n’ont aucune chance. Mais toi peux te sauver en faisant comme moi.”
“Qu’est-ce que tu veux dire ?”
“Si tu t’implantes le SCS, tu pourras rejoindre l’espace virtuel, là le gardien ne pourras rien contre toi.”
“Implanté une unité d’impulsion mentale ? Une opération de ce genre prend des heures.”
“On peut employer un Cruxis Machina.”
Tout l’être de Jogan se révulsa. Il ne connaissait la procédure que de nom, mais il en savait les conséquences.
“Le SCS serait détruit dans la procédure !”
Le techno-prêtre resta silencieux.
Une détonation fit sursauter Jogan. Il se tourna vers la baie vitrée. En contrebas le combat faisait rage. Djamsha gisait au sol dans une mare de sang. Litzi surgit pour le porter par les épaules et le tirer le long des travées en laissant derrière eux une longue trace rouge pendant qu’il continuait à tirer sur le gardien qui s’approchait. Il y eut une seconde détonation qui coupa le Gardien dans son élan. Sur son flanc droit Xantipe armée de grenades l’avait prit par surprise. Alors qu’elle se repliait à son tour un tentacule glissé sous une turbine la prit par surprise et lui bloqua une jambe. Alors qu’elle tentait de se dégager le gardien lança un second tentacule équipé d’un foret. L’engin de mort perfora le crâne de Xantipe quand une gerbe de sang et de cervelle pour ressortir l’instant d’après par une cavité oculaire, emportant un oeil. Jogan porta sa main à sa bouche pour contenir son écoeurement. Le Gardien frappa encore plusieurs fois le corps sans vie de Xantipe puis le balança violemment contre un pilier, finissant de le démembrer complètement. Puis le Gardien se tourna vers le centre de contrôle où se trouvait Jogan. Ce dernier se raidit. Il jeta un coup d’oeil à l’endroit où se trouvait Litzi et Djamsha, il n’y avait plus qu’une longue traînée de sang qui disparaissait dans les travées obscurs de la salle.
“Il vient pour toi.” annonça calmement le techno-prêtre à Jogan.
“Moi ?”
“Le Gardien est une machine. Tu es la seule cible pleinement valide, tu es devenu prioritaire. Il achèvera les autres plus tard.”
En disant cela le techno-prêtre avait posé sa main contre un mur. Lentement il se mit à fusionner avec.
“Mais…” Jogan ne trouvait pas ses mots. En contrebas le Gardien se glissait effectivement en direction de la tour centrale où se trouvait le centre de commande. Puis il se contorsionna pour s’introduire dans le boyau de l'ascenseur qui menait à lui. Quand Jogan se retourna vers le techno-prêtre il avait disparu. Jogan était seul. Tout allait beaucoup trop vite pour lui. Il courut jusqu’au SCS. Il le prit et s’approcha de la chaise pour le brancher. Puis il s'arrêta en plein geste. S’il faisait cela il allait détruire la chose la plus précieuse au monde. Simplement pour sauver sa misérable vie. C’était au dessus de ses forces. Le poids de la faute lui écrasait les épaules. Un premier tentacule frappa contre la baie vitrée avec violence, la fendant largement. Jogan sursauta terrorisé et termina de brancher le SCS, intérieurement il avait décidé de réfléchir plus tard à la conséquence de ses actes. L’instant d’après il s’installait sur la chaise. La foreuse lui rentra dans les chairs de la nuque avec une force inouïe, mais à peine avait-elle commencée que tout s’arrêta.

Il était là.
Debout. Ou bien était-il assis ?
Tout était rouge et dansant autour de lui. A moins qu’il ait perdu la vision ?
Une forme apparue devant lui. Elle était différente et pourtant il la reconnue. C’était le techno-prêtre.
“Où sommes nous ?”
Jogan avait voulu parler. Mais sa pensée avait suffit. Le techno-prêtre sourit. Il pensait aussi, et Jogan pouvait comprendre ses pensées.
“Nous sommes Elova IV.”
Le techno-prêtre dirigea ses pensées vers celles de Jogan. Ce dernier se concentra. Tout changea autour de lui. Les formes rouges et dansantes s’agencèrent. Tout devient champs de données, dans toutes les dimensions. Il pouvait sentir Elova IV. Il pouvait voir ses couloirs. Il était tous les systèmes à la fois. Il faisait un avec une puissance quasi-infinie.
“Pourquoi le temps n’existe plus ?” pensa Jogan.
“Il existe. Mais ce n’est qu’une donnée.”
“Il est là. Oui. Je le vois maintenant. Mais si lent.
“Parce que les processeurs d’Elova IV sont puissants. Nous analysons les choses si rapidement que le temps ne passe plus de la même façon. Ici.”
Ils étaient maintenant devant le poste de commandement. Ils le “regardaient” sous une fusion d’angles, de données, de caméras, de senseurs, d’analyses, qui formait un tout à la fois cohérent et quasi-infini. Un tentacule du Gardien s’approchait à grande vitesse de la baie vitrée. A grande vitesse, mais pourtant quasiment immobile. La vitesse n’était qu’une donnée. Jogan se concentra sur toute la structure à la fois. Sous lui des millions de données défilaient dans toutes les directions. Le techno-prêtre était là. Jogan tourna sa pensée vers lui.
“C’est presque l’infini.”
“Oui.”
“C’est beau.”
Ils contemplèrent ensemble la mer de calculs. D’une pensée Jogan aligna toutes les opérations nécessaires à l’analyse de l’impact du tentacule contre la baie vitrée. Des milliards de calculs défilèrent dans son esprit, une quantité incommensurable de données, et pourtant aussi clair qu’une image. Il voyait le résultat de l’impact. Il pouvait VOIR jusqu’au plus petit fragment de verre projeté, la position dans laquelle il allait atteindre le sol, l’angle d’incidence, le rebond. Il pouvait calculer chaque rebond, chaque collision avec d’autres fragments. C’était une précision absolue, une transformation de la réalité en une série d’équations parfaites et absolues. C’était une expérience vertigineuse et parfaite. Il sortit de sa rêverie mathématique.
“Quelle sensation ! Je pourrais rester là…”
“... pour toujours.” termina le techno-prêtre.
“Mais le Gardien va finir par m’atteindre.” nota Jogan.
“Oui. Mais dans un temps presque infini.”
Jogan réfléchissait.
“J’arrive à lire le Gardien.” remarqua-t-il.
“Oui. Car il fait partie du système. On peut le voir ici. Il a quatre cibles.”
“Quatre ?”
Jogan plongea dans le système. Il pouvait distinger des points dans un espace fini.
“Oh je la vois. Pourquoi elle a un taux si bas ?”
“Car elle est coincée. Le gardien l’a dépriorisée.”
“Mais ?! Mais c’est Miro !”
Jogan se concentra sur les environs immédiats de la cible. Il était tout à la fois les parois, les système hydrauliques, les éclairages, les courants électriques, les portes, leurs systèmes de verrouillages. Il prit une profonde inspiration.

Dans le noir total Miro progressait aussi rapidement que possible. La jeune femme avait fait une longue chute en cherchant à échapper au Gardien. Mais celui-ci c’était brusquement détourné d’elle. Du haut du puits où elle était tombé il n’avait pas daigné descendre, et maintenant, avec sa lampe cassée, elle progressait du mieux qu’elle pouvait, mais elle ne parvenait pas à trouver un chemin pour remonter. Soudain l’air devint électrique. Puis un éclairage s’alluma devant elle, et la porte en dessous s’ouvrit. Et le couloir derrière s’alluma à son tour, puis la porte à l’autre bout à son tour et ainsi de suite sur plusieurs centaines de mètres. A perte de vue Miro continuait d’entendre le claquement des portes qui s’ouvrent. La jeune femme resta sur ses gardes, le silence était retombé, un écran clignota non loin. Du texte apparu.
“Miro. Ne prends pas le chemin qui vient de s’ouvrir. Le Gardien va se diriger vers toi. Je m’excuse. C’est ma seule solution. Je vais t’ouvrir un second chemin vers l’extérieur. Je vais m’occuper du bouclier. Tu comptes pour moi. Jogan.”
La jeune femme soupira. Déjà au loin elle pouvait entendre le raclement métallique caractéristique du Gardien. Derrière elle une autre porte s’ouvrit. Elle s’y engagea au pas de course. Derrière, au loin, le Gardien gagnant inexorablement du terrain sur elle. A un croisement de couloir elle tomba nez à nez avec Litzi. L’adolescente avait déballé sa trousse de soin et s’occupait comme elle pouvait de Djamsha évanoui qu’elle avait adossé au mur.
“Te voilà enfin !” s’écria-t-elle quand Miro déboula.
“Enfin ?” s’étonna Miro.
“Oui. C’est Jogan qui nous a illuminé un chemin jusqu’ici. Il a dit que tu viendrais nous prendre.”
Miro ne perdit pas un instant, elle passa le cou sous une épaule de Djamsha en enjoignant Lizti à faire de même.
“On ne termine pas le bandage ?” s’exclama Litzi un peu paniquée.
Miro lui lança un regard pressé par dessus Djamsha.
“Je ne suis pas venue seule.”

Au milieu de l’océan de donnée Jogan observait calmement.
“Ils vont s’en sortir.”
“Oui.” observa le techno-prêtre à ses côtés.
“Je vais y aller. La voie est libre.”
Le techno-prêtre se tourna vers Jogan. Il semblait réfléchir.
“Tu y vas pour elle ?”
“Pour ceux qui comptent sur moi. Et pour elle oui.”
“Il n’y a aucune vérité dans la chair, seulement la trahison.” pensa le techno-prêtre en insistant sur le mot trahison.
“Il n’y a aucune force dans la chair, seulement la faiblesse.” lui répondit Jogan, selon la tradition millénaire de leur foi.

A quelques couloirs de la sortie le petit groupe fut rejoint par Jogan. Personne n’eut le temps de se poser de questions, il fallait continuer de courir alors que le Gardien n’était plus qu’à un couloir derrière eux.
Litzi passa la première, puis ils passèrent Djamsha, le Gardien déboula au bout du couloir et charga. Miro accrocha son harnais à une poutrelle tordue et se précipita à l’extérieur avec Jogan. A peine avaient-ils butés contre la paroi que des projecteurs se braquèrent sur eux. Suspendus dans le vide, bloqués contre la paroi, ils étaient mit en joue par deux piranhas. Les marqueurs des armes taus se verrouillèrent sur eux et les canons se mirent à tourner. Avant que qui que ce soit n’ai eu le temps de réagir deux missiles anti-char montèrent de l’étage inférieur et vinrent désintégrer les patrouilleurs. Tout en se protégeant des débris incandescents qui pleuvaient sur eux, Miro jeta un oeil en contrebas. Le Duc de Ferraille et quatre hommes de mains armés de lance-missiles montaient dans leur direction à bord de deux nacelles. Tout le monde se laissa tomber à bord.
“Direction le niveau 24 !” ordonna le Duc.
“La torpille, questionna Miro, vous l’avez avec vous comme prévu ?”
“Elle est dans la seconde nacelle, mais j’ai peur que nous n’y arrivions jamais.” répondit le Duc en pointant du doigt la seconde couronne d’Elova IV en contrebas.
Miro se pencha pour voir. L’armada Tau était en train de décoller. Des dizaines de Barracudas prenaient leur envol, escortant des Tiger Sharks. Des formations serrées de drones Remora suivaient la manoeuvre et se plaçaient en avant-garde.
“Qu’est-ce qui se passe ?”
“Les forces impériales ont été découvertes beaucoup trop tôt par un drone de reconnaissance. Les Taus partent pour l’interception. Sans l’effet de surprise ils vont se faire massacrer.”
Miro fit une grimace et pointa du menton la large passerelle extérieure du niveau 24 dont ils rapprochaient à grande vitesse.
“Occupons-nous déjà de notre massacre.”
Les sentinelles de la passerelle extérieure n’eurent aucune chance. Prises par surprise elles tombèrent sous le feu des hommes du Duc. L’instant d’après tout le monde prenait position sur la grande plateforme d'atterrissage. Jogan ramassa un drone que l’attaque surprise avait endommagé. Il commença à le démonter.
“Tu en tires quelque chose ?” demanda Litzi en s’asseyant à côté de lui.
Jogan hocha la tête.
“C’est un drone de liaison. J’ai accès à une partie de leurs communications. Ils parlent de la flotte impériale.”
Intéressés, Miro et le Duc se rapprochèrent pour écouter. Jogan, les yeux dans le vague, semblait écouter une voix invisible.
“Ils n’ont pas encore de contact visuel. La flotte impériale est protégée par une solide avant-garde qui les en empêche mais ils ont été reperés sur les senseurs Taus. Toute la flotte est découverte. Vu la distance l’armada Tau va avoir le temps de se mettre en position d’interception et de préparer toutes leurs solutions de tir.”
Miro et le Duc échangèrent un regard inquiet.
“Combien de temps avant l’extraction ?” demanda Miro.
“Normalement, dix minutes.” répondit un homme du Duc.
Jogan leva la tête surpris.
“Quelque chose ne va pas.”
Tout le monde fit silence.
“Il n’y a pas de flotte impériale. C’est un leurre. L’avant-garde a fuit. Les premiers Barracudas font leurs rapports. J’entends. C’est une flotte commerciale Tau ! Elle a été attaquée par des Thunderbolts qui ont brouillés leurs communications et les ont forcés à se replier sur Elova IV.”
Litzi leva la tête vers l’horizon.
“Où ont lieux les combats ?”
“Au sud-est.”
Litzi tourna son regard vers le nord-ouest, le soleil venait à peine d’apparaître à l’horizon. Comme pour confirmer ses suppositions quelque chose se mit à bouger à la surface du lac. Des dizaines de Valkyries dérivaient à la surface de l’eau, moteurs éteints dans l’obscurité.
“Les courants ! Ils viennent du sud-ouest !” cria Litzi émerveillé.
Au loin toute une flotte impériale de valkyries fit mugir ses moteurs à poussée verticale et s’arracha de l’eau. En quelques instants des centaines de missiles s’élançèrent sur les positions tau totalement prises au dépourvu. Des séries d’explosions se mirent à fleurir tout au long de la couronne extérieur alors que les combats aériens s’engagaient entre la flotte impériale et les quelques défenseurs de Elova IV restés dans la zone.
“Et l’armada Tau est au sud-est en train de se battre contre rien. C’est le plan de bataille le plus parfait que je n’ai jamais vu de ma vie...” commenta le Duc réellement impressionné. Il allait faire un second commentaire quand l’un de ses hommes lança un cri d’alerte. Alors que tout le monde se mettait à couvert une salve de tirs balaya la passerelle. Un énorme véhicule volant fit un premier passage au dessus de la passerelle et s’écarta dans un arc de cercle pour revenir de front.
“Orca !!” hurla un des hommes du Duc.
“Il faut fuir !” répliqua un autre en courant vers les nacelles.
“Qu’est-ce que c’est ?” cria Jogan en rejoignant le groupe caché derrière une barrière de caisses de ravitaillement.
“Un transport de troupe. Le plus gros qui soit. Il contient une petite armée. Mais surtout… ses systèmes de défense sont impénétrables. Il dévira sans problème nos missiles.”
Déjà l’Orca avait fini son demi-tour et ralentissait maintenant sa course. Manifestement pour revenir déposer sa cargaison sur la passerelle. Miro jeta un oeil à l’horizon. Les valkyries filaient sur leur position mais elles n’arriveraient jamais à temps.
Jogan se releva.
“Duc. Vous voyez ces barils de combustibles sur le tarmac ? Que vos hommes tirent tous leurs missiles dessus. Miro, Litzi, Djamsha, prenez toutes les grenades fumigènes des soldats qu’on a abattu et lancez-les maintenant partout sur la passerelle.”
Jogan avait parlé d’un ton qui ne souffrait aucune réponse. Rapidement le groupe s'exécuta et la passerelle disparu sous un nuage de fumée noire et épaisse. Devant eux l’Orca disparu à leur regard mais tout le monde pouvait entendre le rugissement de ses quatre puissants moteurs se mettre en position de vol stationnaire.
“Je ne sais pas ce que tu veux faire Jogan, mais les Orcas sont équipés des meilleurs senseurs Taus qui soient. Il pourra quand même atterrir en se fiant à eux.” cria Litzi au milieu de la fumée acre.
“J’y compte bien.” répondit froidement Jogan en enfonçant son poing dans le drone de liaison qu’il avait gardé avec lui.
Sa tête fut projetée en arrière avec violence. Quand il la redressa ses yeux étaient blancs, du sang lui coulait par la bouche et les oreilles. Son visage était un masque de douleur et de concentration extrême. La fumée disparu devant ses yeux, et lentement apparurent les champs de données rougeoyantes du réseau tau. Et au milieu, les données des senseurs de l’Orca. Celles qui donnaient aux pilotes les informations nécessaires à l'atterrissage.
“Qu’est-ce que tu fais !?” hurla Miro inquiète en se jeta pour soutenir Jogan vacillant.
Jogan tourna la tête lentement vers sa femme. Un rictus de satisfaction apparu sur son visage congestionné. Il articula péniblement sous la tension.
“Une erreur de calibration.”
L’angle d’approche de l’Orca était beaucoup trop rapide. L’énorme appareil frappa la passerelle de plein fouet. Sa turbine avant-droite s’arracha contre l’acier du ponton. Les pilotes tentèrent une manoeuvre d’évitement désespérée, tout le flanc du véhicule racla contre la passerelle alors que l’appareil perdait rapidement de l’altitude. Le petit groupe s’approcha du bord médusé pour voir l’appareil descendre vers le sol dans une traînée de fumée. Jogan perdit connaissance. Deux minutes plus tard les valkyries impériales arrivèrent à leur hauteur pour les récupérer. Au milieu de la fumée et des tirs de batteries anti-aériennes Miro fit ses adieux au Duc de Ferraille. On montait Djamsha toujours inconscient à bord d’une valkyrie.
“Je ne sais pas s’il souhaitait quitter Elova IV. Mais avec les combats qui nous attendent il ne pourra pas survivre.” commença le Duc.
“Je vais faire mon possible.” répondit Miro.
“S’il survit… dites-lui que je passe l’éponge sur sa dette.”
Miro hocha la tête. La valkyrie qui transportait la jeune femme commença à s’élever.
“Et vous aurez votre paiement pour votre aide Duc. Vous avez ma parole.”
“Je n’en ai jamais douté ma demoiselle.”
L’instant d’après la flotte impériale rompait le combat et se repliait.


Dans l’appareil de commandement, un énorme marauder modifié, Litzi et Jogan se tenaient au chevet de Djamsha. Placé sous soin intensif, deux infirmiers se relayaient pour essayer de le sauver. Everlid Passang et Miro entrèrent dans la petite infirmerie. Les infirmiers se mirent au garde à vous. Everlid les congédia de la main. La maréchale était une femme grande et sèche, elle portait l’uniforme bleu et blanc traditionnel de la marine impériale rehaussé d’un ruban rouge de décoration de guerre et d’un jabot de soie. Elle contempla le petit groupe avec soin.
“Alors c’est lui ?”
“Oui.” répondit Miro en hocha la tête avec déférence.
“Vous m’avez convaincue. Je n’ai pas encore entièrement confiance dans notre triumvirat. Il n’est pas nécessaire qu’ils aient à la fois la torpille et la dernière personne à savoir s’en servir.”
Jogan s’agita sur sa chaise mais ne dit pas un mot. La maréchale fit un signe de main, son servo-crâne personnel vola jusqu’à elle.
“Passerelle de commandement. Contactez l’amirauté. Confirmez le résultat de l’opération : Colis : sécurisé. Survivants : aucuns.”
Le servo-crâne se retira.
“Dès que votre ami sera en état, vous serez transférés à bord d’un appareil de ma flotte. Un pilote de mon escorte personnelle vous conduira la citadelle de Vamii.”


CHAPITRE 5 - ETOILES ALIGNEES

Citadelle de Vamii.
Milieu de la nuit.
Grand Hall d’honneur.
Atornus Geis, Maître de la Forge du chapitre des Imperial Fists, contemplait l’horizon à travers les immenses baies vitrées blindées. Devant ses yeux la plaine était littéralement recouverte de cadavres de xenos. Des milliers de créatures avaient tenté de prendre la citadelle. Les Tyranides comme les appelait l’Ordo Xenos. Leur aide avait été inestimable sur Navida Prime. Atornus était sage et humble malgré son rang. Quand une équipe de la Deathwatch l’avait approché pour le prevenir de la menace qu’il allait devoir combattre il avait écouté leurs conseils, lus leurs rapports, et préparé ses défenses en conséquence. Aujourd’hui ses patientes manoeuvres portaient leurs fruits, le front impérial s’était déplacé, en subissant quelques pertes nécessaires, mais surtout en provoquant une confrontation directe entre les orks et la menace tyranide. Depuis l’ouverture de ce nouveau front entre deux ennemis, la pression avait considérablement diminuée. Tant mieux, car les récents assassinats avaient provoqué des remous dans la hiérarchie impériale. Le vieux techmarine ne voyait pas ce triumvirat d’un très bon oeil. Un nid de serpents.
Il fut tirer de ses réflexions stratégiques quand la grande porte s’ouvrit avec fracas. Leodis, le responsable de la sureté de la citadelle, fit son entrée entouré de deux membres de la garde d’honneur du chapitre, deux puissants frères de batailles, parmi les plus expérimentés de tout le chapitre. Il trainait par les cheveux une captive aux mains liées. Vêtue d’une combinaison de cuir noire ornée de symboles cabalistiques impies, elle avait les traits caractéristiques des eldars corrompus. Leodis jeta la prisonnière aux pieds de la grande table de conseil.
“Qu’est-ce donc que tout ceci frère Leodis ?” s’enquit Atornus en descendant les marches pour rejoindre l’attroupement.
“Une tentative d’infiltration. Douze eldars corrompus. Par le réseau d'égouts. Nous avons massacré tout le groupe, celle-ci s’est enfuie paniquée. Frère Sault l’a capturée à l’arme blanche.”
L’un des deux garde d’honneur fit une légère révérence. Atornus arriva à la hauteur de la prisonnière pour la considérer.
“Qu’est-ce que vous veniez donc faire ici ?” demanda calmement le Maitre de la Forge à la captive.
Celle-ci se remit péniblement à genoux pour faire face à son interrogateur. Elle avait le visage tuméfié. Son oeil droit fermait à grande peine et de sa lèvre inférieur largement fendue s’écoulait du sang.
“Votre honneur, commença-t-elle d’une voix chevrotante, si vous m’accordez clémence je suis prête à tout vous réveler. Je demande juste la vie sauve.”
Leodis, en rage, souleva l’eldar noir par les cheveux et lui éclata la bouche contre le coin de la table en marbre massif. Deux dents volèrent à travers la pièce.
“Misérable xenos ! Tu crois pouvoir marchander ! Tu es en présence d’Atornus Geis, Maitre de la Forge de notre chapitre. Quand il pose une question : réponds !”
La prisonnière porta ses mains attachées à son visage dans un geste, bien inutile, de défense.
“Toutes mes excuses, Maitre de la Forge, pour mes propos insolents ! Je n’insinuais pas vouloir marchander. J’implorais clémence.”
Atornus poussa une dent restée sur la table d’une mécadendrite distraite.
“Nous verrons. Commence à parler, si tu te montres coopérative je serai déjà prêt à t’accorder une mort rapide et sans douleur.”
La kabalite à nouveau essaya de reprendre une posture convenable.
“-Elle- est venue pour vous assassiner.” dit-elle.
Les deux gardes d’honneur se raidirent instinctivement. Leodis gifla violemment la prisonnière.
“Ne parle pas en énigmes !”
Atornus leva une main pour calmer son lieutenant.
“Merci frère Leodis. Je pense que la prisonnière a compris l’intérêt de sa coopération.”
Rageur Leodis s’éloigna pour aller faire quelques ablutions. Le techmarine souleva la kabalite d’une mécadendrite et la déposa sur une chaise.
“Je vous écoute, qui est cette ‘Elle’ ?”
La kabalite reprit son souffle.
“Je pourrais mettre fin à ma vie maintenant. En l’espace d’un instant. Un seul mouvement de ma langue…”
“Mais tu ne le fais pas, termina Atornus.”
“Non. J’ai été trahie. Je suis prête à coopérer.”
“Que veux-tu en échange ?”
“La vie sauve.”
Un garde d’honneur s’approcha, sa lame de combat dégainée. Son supérieur l’arrêta d’un geste de la main.
“Qu’est-ce qui te fait croire que cela nous intéresse ?”
La kabalite marqua une pause avant de reprendre.
“Celle qui vient pour vous assassiner… c’est Liatha, l’Ombre Vide.”
Atornus se redressa de toute sa stature. Les gardes d’honneur, déjà tendus, redoublèrent d’attention. Atornus considéra la captive avec soin, alors qu’il parlait une mécadendrite passa sur la bouche de la captive pour en essuyer le sang coagulé.
“A quoi sers-tu ?”
“Nous devions servir de diversion pour permettre à Liatha de s’infiltrer. Mais elle a trahi notre position pour que nous soyons repérés. Pour augmenter l’efficacité de la diversion certainement…”
“Rien d’étonnant pour une race de vipères.” commenta un garde d’honneur. La prisonnière cracha au sol de mépris.
“Une histoire intéressante, continua Atornus, mais comment ta supérieure comptait arriver jusqu’à moi suffisamment armée pour me vaincre ? Elle sait certainement qu’un dispositif xenos impénétrable surveille toute introduction d’arme dans mes quartiers.”
“Je n’ai pas les derniers détails, mais ses armes sont déjà dans la citadelle depuis plusieurs jours.”
Les trois guerriers Astrates sursautèrent de concert.
“Comment ?!” s’écria le Maitre de la Forge.
“Blasphème !” rugit l’un des gardes d’honneur.
“Où sont ces armes ?”
La kabalite baissa la tête.
“Ai-je une chance d’avoir la vie sauve monseigneur ?”
Atornus laissa courir ses doigts mécanique sur l’immense table de marbre
“On dit que ces lames sont de véritables trésors d’archeo-technologie. Si ce que tu dis est vrai, alors tu pourras partir.”
“Les lames sont gardées par un traître. L’aspirant Feurit.”
Atornus se retourna vers ses frères.
“Où est le frère Feurit ?”
“Dans ses quartiers. Il a été blessé il y a quelques jours lors d’une mission de repérage.”
“Descendez me le chercher. Fouillez ses affaires.”

Dix minutes plus tard les lourdes portes s’ouvrirent de nouveau sur un Leodis livide comme la mort. Son visage était un masque d’indignation et de stupeur. Alors qu’il fit en pas dans le sas d’entrée des centaines de rayons rouges lui barrèrent le chemin alors qu’une longue sirène se mit à retentir. Il leva lentement devant lui un paquet et fit glisser le tissu noir révélant deux superbes lames de pierre noire finement ciselées et parcouru de circuits bleus luisants.
“La prisonnière avait raison. Feurit cachait ceci.” annonça Leodis d’une voix tremblante qui trahissait l’émotion qui le submergeait de savoir qu’un frère avait osé commettre un tel acte.
Atornus désactiva l’antique système de protection xenos et s’avança vers Leodis. Ses yeux brillaient d’une lueur avide alors qu’il prenait une lame pour l’examiner.
“Incroyable…”
Leodis déposa la seconde lame et le paquet sur la table de commandement et s’éclairçit la gorge. Atornus le regarde du coin de l’oeil.
“Oui ?”
“Maître, je vous demande l’autorisation de procéder à l’interrogation du frère Feurit.”
Atornus hocha la tête.
“Je comprends. Accordé. Mais que le chapelain-interrogateur Nathaniel vous seconde.”
Leodis tira une profonde révérence et reparti vers les ascenseurs.
Atornus revint vers la table, il déposa la lame qu’il tenait à côté de sa soeur. Les deux lames luirent un bref instant.
“Fascinant. Elles entrent en résonance. Quels mystères vont-elles me reveler…”
Puis il reporta son attention vers la prisonnière.
“Tu n’as pas menti. Tu mérites d’avoir la vie sauve. Y’a-t-il autre chose que je devrais savoir ?”
La kabalite jeta un regarde inquiet en direction des deux gardes d’honneur menaçants qui se tenaient derrière elle.
“Oui monseigneur. Ce n’était pas le seul traître.”
Le Maitre de la Forge ne put contenir un cri de surprise.
“Deux autres guerriers ont été corrompus grâce à un filtre très puissant. Ils obéissent désormais aveuglement à ma maitresse.”
“Insensé ! Absurde !” s’emporta Atornus.
“Comme ses lames qui sont maintenant sur votre table ?” demanda l’eldar noir à voix basse.
Atornus jeta un oeil vers les artefacts. Il recouvra son calme.
“Un point pour toi. Tu as déjà dis la vérité une fois. Comment puis-je reconnaître ces guerriers possédés ?”
La kabalite se tortilla inquiète sur sa chaise.
“C’est simple monseigneur. Leur iris est entièrement violette et je connais leur identité.”
“Parle maintenant !” s’écria Atornus.
“ll s’agit de vos deux gardes d’honneur qui se trouve en face de vous.” lâcha la kabalite d’un souffle.
Les deux gardes bondirent de surprise.
“Mensonge !” s’écria l’un d'eux alors que le second s’approchait déjà de la prisonnière d’un pas menaçant. Cette dernière, le visage encore en sang, se recroquevilla dans un vain geste de protection. Atornus leva une main impérieuse. Toute l’assistance se figea.
“Attendez. Notre prisonnière n’a pas menti jusqu’ici. Si elle dit encore la vérité, vous devriez avoir l’iris violette.”
Les deux gardes d’honneur hochèrent la tête.
“Si tu as menti, ta tête roulera sur ce sol, xenos. Frères, veuillez retirer vos casques et laver ainsi votre honneur.”
Les deux gardes désactivèrent les champs de protections de leurs antiques armures d’artificiers, puis devisèrent lentement les crans de sûreté de leurs casques. Comme un seul homme ils otèrent leurs casques et se tirent au garde à vous face à leur supérieur.
Leurs iris étaient normales.
Atornus tourna la tête vers la prisonnière.
“Ce mensonge va coûter une vie.”
La kabalite décolla lentement une mèche collée contre sa joue par son sang coagulé. Elle parlait lentement d’une voix grave dans laquelle glissait une pointe de joie malsaine.
“Maitre de la forge. Dites-moi, quelle est la seule faiblesse d’une armure d’artificier ?”
Atornus et ses deux gardes d’honneur regardèrent la prisonnière. Cette dernière souriait franchement en les dévisageant. Le maitre de la forge porta son regard vers les deux lames noires posées sur la table de commandement. La prisonnière suivi son regard. Dans la grande salle d’audience les quatre combattants restaient ainsi immobiles, face à face, mesurant chaque paramètre, chaque option.
“Ce sera plus amusant les mains liées. J’aime le challenge.” sussura la prisonnière.
Dans un éclair chaque guerrier s’élança, quatre machines de combat, éprouvées par des siècles d'entraînement, d’épreuves et de faits d’armes.
Dafron, le premier garde d’honneur leva son casque et s’empressa de le réajuster sur sa tête.
Sault, le second garde d’honneur lâcha son casque et dans un même geste dégaina son épée énergétique pour frapper la prisonnière. Le coup frappa une forme diffuse et ne trancha qu’un nuage d’ombre.
Atornus fit jaillir ses mécadendrites vers les lames noires, mais la prisonnière, plus rapide, lança sa chaise contre le paquet en faisant un salto-arrière, propulsant le paquet dans les airs, attrapa les lames au vol et retomba entre les deux gardes d’honneur.
Atornus se retourna. Les deux lames noires étaient plantées dans la gorge de ses deux gardes. Sault avait été frappé de plein fouet, Dafron avait failli réussir à verrouiller son casque, à une demi-seconde prêt la lame aurait frappé le plastacier. Du sang noir s’écoula lentement sur les lames puis les deux gardes s’effondrèrent.
“Liatha…” murmura Atornus en se remettant en position de combat.
La prisonnière, moqueuse, tira une grande réverence.
“Pour vous servir… monseigneur.”
Atornus fut le premier à reprendre l’assaut. Sa hache énergétique toucha Liatha de plein fouet, ou du moins ce fut ce qu’il crut, jusqu’à ce que cette dernière se revèle n’être qu’une ombre diffuse. Un coup oblique vint le frapper à tempe. Liatha sortit lentement de l’ombre derrière Atornus.
“Tu es vieux, guerrier de l’Empereur.”
Atornus reparti à l’attaque. Pendant plusieurs minutes le combat fit rage dans la salle d’audience, mais l’insaissisable Liatha gardait l’avantage. Un dernier coup sorti de nul part frappa le Maitre de la Forge à la gorge. Un flot de sang gicla sur le sol immaculé et il tomba à genoux. Liatha à nouveau réapparu.
“Ma maîtresse, Kith, t’envoie ses salutations sincères. Il est temps maintenant.”
L’assassin leva une lame et trancha une mécadendrite d’Atornus. Elle la ramassa et s’en servit pour activer un pupitre de contrôle. Des données défilèrent devant ses yeux, elle pianota sur le pupitre à la recherche d’une information. Derrière elle Atornus, agonisant, rampait en silence jusqu’à sa hache tombée un peu plus loin.
“Rampe mon vieil ami, rampe. Chaque effort que tu fais augmente ton rythme cardiaque et te précipite un peu plus vers la mort.” chantonna Liatha sans se retourner.
Atornus referma sa main sur sa hache. Liatha se retourna et leva une lame noire au dessus de lui. Il y eu un claquement sec, une brève explosion et Liatha disparu dans un nuage noir et un cri de douleur. A l’autre bout de la pièce venait d’apparaître un space marine dans une armure terminator décorée des plus formidables insignes du chapitre. Le guerrier rabaissa son fulgurant encore fumant.
“C’est terminé Maitre. Gardez vos forces.” annonça-t-il en en entrant dans la salle d’audience d’un pas assuré. Les ombres bougèrent autour de lui.
“Terminé ?” interrogea la voix de l’assassin semblant sortir de nul part. Il y eut un mouvement derrière le space marine, ce dernier ne se retourna pas et lâcha une rafale contre une tenture à sa droite, une ombre furtive sorti précipitamment de ce fragile couvert et se redressa devant lui.
“Habile.” concéda l’assassin en se remettant d’aplomb.
“Tu vas mourir ici xenos.” grinça le space marine d’une voix d’outretombe.
“Tu ne sais pas seulement qui je suis.” reprit l’eldar noir en léchant le sang d’une de ses lames.
“Ca ne fait aucune différence, l’interrompit le space marine en rugissant , je suis Varn.”
Le guerrier tira en direction de Liatha qui disparu dans l’ombre, l’instant d’après elle réapparu à la droite de Varn qui avait anticipé le mouvement et lui éclata les côtes de son gantelet énergétique. Immédiatement il chargea, une lame noire frappa une épaulière de l’armure qui tint le choc, Varn contre-attaqua d’un revers du poing qui envoya Liatha rouler contre la table de commandement. Une rafale de fulgurant la forca à nouveau à s’abriter. Varn se jeta sur elle. Alors qu’elle disparaissait à nouveau devant le coup du space marine, ce dernier arracha la table entière dans un geste d’une puissance surhumaine.
“Tu es peut-être invisible, mais tu es toujours là.” hurla Varn en faisant tournoyer l’immense table autour de lui, balayant l’espace en une fraction de seconde.
La table rencontra une forme solide et il y eu un bruit d’os brisé. L’eldar noir vola à travers la pièce et vint s’écraser contre un mur.
Varn laissa tomber la lourde table et se revela de toute sa hauteur.
“Je suis Varn, Champion du chapitre Imperial Fist, Protecteur de la Citadelle de Vamii. Et toi tu es ma victime !”
Liatha se releva péniblement, son bras droit pendait le long de son torse. Du sang s’écoulait maintenant abondement de son flanc gauche.
Les deux guerriers se faisaient face.
Liatha s’élança vers la grande baie vitrée de la salle d’audience. Varn leva son fulgurant pour intercepter la fuyarde. D’un geste brusque l’eldar noir lança une petite sphère en direction d’Atornus gisant. Varn l’intercepta d’un mouvement fluide de son gantelet énergétique. Il serra le poing, le champ énergétique de la puissance arme s’activa, il y eu une explosion étouffée puis plus rien. Liatha brisa la baie vitrée de sa lame noire et disparu dans la nuit. Varn s’approcha du vide et observa un instant la paroi balayée par la pluie et un vent furieux.

Au même instant, sur la plateforme d’atterissage NV87 de la citadelle de Vamii, un petit aquila de la flotte impériale atterissait. A son bord des personnels impériaux très particuliers, recommandés par la maréchal de l’air Everlid Passang en personne. Jogan, Djamsha, X et Miro.
“La plateforme est étrangement calme.” commenta Jogn en essayant de mieux voir par la petite écoutille latérale de l’aquila.
“Cesse de t’inquiéter, nous sommes arrivés à bon port. Il ne peut plus rien nous arriver maintenant.” répondit Djamsha depuis son brancard. Il était sorti de son coma pendant le voyage mais ne pouvait encore bouger qu’à grande peine.
La rampe d’accès de l’appareil s’abaissa. Devant eux trois serviteurs éventrés baignaient dans leur sang. Une eldar noir menaçante apparue, l’arme en main et monta à bord.
“Au moindre mouvement vous êtes morts. Pilote, décollage immédiat pour le complexe principal du Departmento Munitorum.”
Le copilote dégaina son pistolaser en un éclair, un léger voile noir traversa l’habitacle et il s’effondra tranché en deux dans le sens de la hauteur.
“Je n’ai pas le temps de jouer.” poursuivit la tueuse qui semblait n’avoir même pas bougé. Chacun resta figé de stupeur. L’eldar noir fit glisser une étrange lame noire sur le cou du pilote. L’appareil prit son envol. L’eldar noir pianota sur un bracelet qu’elle portait. Des données apparures, projetées par une technologie xenos. Lentement un portrait se dessina. L’eldar le déplaça pour le projeter à côté de Jogan.
“Transmecanicien Jogan Trevor ?” demanda-t-elle d’une voix légèrement haletante.
Jogan regarda de plus prêt les données qui défilaient derrière le portait.
“Mais !? Ce sont des données cryptées de techmarine de haut rang ! Comment ?”
L’assassin éteignit la projection et porta une main à ses côtes en grimaçant.
“Ravie que vous soyez à l’heure.”