Dans l'entrepôt ravagé la tension était monté d’un cran.
Jogan et Miro relevèrent la tête du papier que leur avait donné Djamsha.
“L’Inquisition me veut mort ?” demanda Jogan stupéfait.
“Pourquoi tu n’as pas tué Jogan quand tu en avais l’occasion ?” ajouta Miro d’un ton froid.
Djamsha referma sans geste brusque son holster.
“Je ne travaille pas pour l’Inquisition.”
“Et pourquoi tu as ce papier alors ?” questionna encore Jogan.
Djamsha s’adossa à un pilier.
“Je suis un chasseur de prime, pas un assassin. Je bosse pour le Duc de la Ferraille. Quand il a appris que l’Inquisition voulait Jogan mort, il a mit sa tête à prix pour une capture. Pour pouvoir le marchander ensuite.”
“Et donc ton contact qui allait nous sortir d’ici ?” continua Jogan.
“Du bidon. A la réception les hommes de ce Duc, pour ta capture. Et une bonne récompense pour Djamsha sans avoir à faire affaire avec l’Inquisition” répondit Miro du tac o tac en fusillant le chasseur de prime du regard. Ce dernier acquiesça en silence.
“Pourquoi nous dire ça maintenant ? Ca n’a pas de sens.” demanda Jogan légèrement troublé.
Djamsha fit la moue. Il semblait chercher ses mots.
“Et venir me sortir de prison avant mon exécution alors que vous auriez pu fuir. Ca n’a pas de sens non plus. Vous l’avez fait quand même.”
Miro lâcha un ricanement incrédule, mais elle écarta quand même la main de la crosse de son arme. Jogan radieux se détendit tout à fait.
“En toute chose, sous la protection de l'Omnimessie, l’union fait notre force !” ajouta-t-il en mettant une tape dans le dos de Djamsha.
“Bon ! Il faudrait penser à dégager avant que les Taus ne se rendent compte que la bombe n’a pas explosé. On réfléchira à un point de chute en route.” commenta Miro en rassemblant ses affaires.
“Oui ! Dégagez Litzi de la soute arrière, on prend la torpille avec nous.” cria Jogan, et joignant le geste à la parole il commença à défaire les sangles de sécurité que les techniciens Tau avaient placé autour de l’appareil.
Djamsha intercepta Jogan et le saisit par le bras.
“Tu es fou ! Ce truc peut nous exploser à la figure d’un moment à l’autre. Il faut partir maintenant !”
Miro avait terminé de déblayer le cockpit et mettait déjà les moteurs en route.
“Il a raison Jogan ! Laissons ça là !”
Jogan se dégagea violemment. Sa voix était tremblante d’indignation quand il se mit à crier.
“Bande de crétins abâtardis ! Vous n’avez pas la moindre idée du miracle absolu de l’union sacrée avec l’omnimessie ! Vous avez peut-être vu deux ou trois techno-prêtres faire des miracles sur le champ de bataille en entrant en contact avec l’esprit de la machine d’un véhicule blessé en quelques minutes ! Formidable tour de force certes mais ce n’est pas ça la véritable communion ! Il faut des semaines, voire des mois pour effleurer la véritable nature d’un esprit de la machine !”
Toujours en vociférant Jogan avait marché jusqu’à la torpille, avec ferveur il posa la main dessu.
“Huit années ! Huit années que je m’occupe d’elle personnellement ! Et vous qui ne savez même pas comment marche un generatorium allez m’expliquer ce qui nous lie ?! Pour être tout à fait exact. Je ne pense même pas qu’elle s'activerait en me sachant dans les parages !”
Comme pour confirmer son assertion, l’appareillage antique se mit à clignoter doucement de quelques voyants verts. Miro et Djamsha gardèrent le silence. Puis sans mot dire ils aidèrent Jogan a chargé la torpille à l’arrière du devilfish.
Quand le véhicule quitta les lieux, les rues avoisinantes étaient encore désertes. A la faveur du faible éclairage du secteur industriel le transport se fondit dans l’obscurité pour quitter rapidement les lieux. Au loin déjà des lumières se dirigeaient vers l'entrepôt.
Au poste de pilotage Djamsha se concentrait sur la conduite. A côté de lui Jogan et Miro évaluaient la situation de Litzi qui avait reprit ses esprits.
“Elle a besoin d’un peu plus d'assistance médicale.” conclua Miro.
“On va où ?” demanda Djamsha.
“Tu n’as pas un point chute en ville ? Un chasseur de prime digne de ce nom...”
Djamsha tourna la tête vers Miro.
“Alors oui. Mais que mademoiselle m’excuse, j’avais pas prévu une planque capable de cacher une bombe capable de raser le continent sur six-cent kilomètres.”
“Trois-cent quarante.” corriga Jogan mécaniquement.
“Ca nous dit pas où on va.”
Litzi toussa puis se releva un peu, aidée par Jogan.
“Au sixième sous-sol, section A5, la raffinerie de déchets Nech.” articula-t-elle péniblement.
Une demi-heure plus tard le devilfish ralentit en entrant dans l’enceinte de la raffinerie abandonnée et déserte.
“Tu es sûre de ton coup Litzi ?” demanda Djamsha en se penchant par le cockpit pour essayer de percer les ténèbres environnant.
Derrière lui Litzi tira un sifflet d’une de ses poches et le tendit à Miro.
“Deux coups long, un court. Et gardez les mains en l’air quoi qu’il arrive.”
Sorti du véhicule, le petit groupe se conforma aux consignes de Litzi. L’instant d’après des dizaines de jeunes sortir de l’ombre l’arme au poing. D’abord méfiants ils changèrent immédiatement d’attitude quand ils découvrirent Litzi baignant dans son sang à l’intérieur du devilfish. Rapidement la petite troupe emmena tout le monde dans les entrailles de la raffinerie. Derrière des panneaux dérobés se trouvait un véritable quartier général de contrebande. On conduisit Litzi jusqu’à un bloc médical où un chirurgien put s’occuper de stopper convenablement l’hémorragie.
Au calme, dans une petite pièce à l’écart, le groupe put enfin se poser. On leur avait fait porter un repas chaud, et Litzi avait demandé à ce qu’on les laisse tranquille pour le moment.
“Pourquoi l’Inquisition voudrait ma mort ? commença Jogan en dédaignant le repas.
“Pourquoi pas ?” répondit Djamsha.
“Parce que ça ne colle pas. Je suis ici parce que l’Inquisition voulait me protéger.”
“Tu avais déjà affaire avec l’Inquisition ?” s’étonna Litzi.
“Oui. Une affaire bizarre. Avec un inquisiteur louche.”
“Un certain Caius Wroth ?” demanda Djamsha.
Miro et Jogan levèrent la tête surpris.
“Comment sais-tu ?” demandèrent-ils d’une seule voix.
“Je n’en sais rien. Je tente de faire le lien entre les différentes rumeurs.”
“Lesquelles ?”
“On raconte qu’un inquisiteur est arrivé sur Navida Prime il y a de ça quelques mois. Ca a fait quelques vagues. Et puis il a disparu il n’y a pas un mois. Dans un crash dit-on.”
Miro fronça les sourcils puis se tourna vers Jogan.
“Je vois. Si Caius a disparu, il est probable que l’Inquisition n’ai pas tous les détails de son opération.”
“Et ?”
“Et dans ce cas là, tout ce qu’ils savent c’est que tu es une pièce que recherche les xenos. Si tu es mort, c’est beaucoup plus prudent pour eux.”
Djamsha acquiesça d’un grommellement.
“Charmant, commenta Litzi en aspirant ses pâtes, et comment on se protège de votre Inquisition ?”
Miro et Djamsha se devisagèrent en silence.
“On ne peut pas, conclua Miro après un moment, il n’y a rien au dessus de l’Inquisition.”
La nouvelle avait assombri le reste du repas. Chacun avait essayé de réfléchir à d’éventuelles possibilités, puis décision avait été prise de prendre le temps de poser à plat la situation. Jogan recherché et Litzi en convalescence resteraient cachés à la raffinerie, Miro et Djamsha eux retourneraient dans les étages supérieures pour essayer de trouver une solution à leurs problèmes.
Une semaine passa. Miro et Djamsha ne revenaient que rarement, pour plus de sécurité. Ce soir là, quand ils entrèrent dans le large loft qui avait été aménagé pour eux en surplomb du hangar principal, c’est Litzi qui vint leur ouvrit, debout sur ses deux jambes. Djamsha fut le premier à réagir.
“Litzi ! Mais comment ? Ta jambe ?”
L’adolescente fit un petit bond en arrière pour que son auditoire puisse bien la voir et exécuta une impeccable pirouette sur sa nouvelle jambe. Elle imitait correctement la chair sauf à l’endroit du genou où la délicate mécanique artificielle était exposé.
Miro se glissa de derrière Djashma, elle ne semblait pas particulièrement impressionnée.
“Des implants de cette qualité c’est rare. Comment tu te l’ai procurée ?”
“C’est un cadeau.” répondit Litzi en effectuant une génuflexion à l’adresse de Miro.
Miro examina encore la jambe artificielle en faisant la moue.
“De qui ?”
“Le Duc de Ferraille.” répondit encore l’adolescente ravie.
Miro jeta un coup d’oeil à Djamsha.
“Dans mon monde personne ne fait de cadeaux désintéressés.”
Derrière le petit groupe un bruit de ferraille jetée au sol retentit. Jogan s’extirpait de son atelier en nettoyant négligemment ses mains noires d’huile avec un chiffon fatigué.
“Dans le mien non plus.” lâcha-t-il en poussant du pied le petit bloc de ferraille qu’il avait jeté par terre.
“Qu’est-ce que c’est ?” demanda Djamsha.
“Un traqueur. Il était installé dans la prothèse.”
“On a vraiment trop d’amis.” laissa tomber Miro laconique en se dirigeant vers la grande table de réunion pour y poser ses affaires. Le groupe se rassembla autour d’elle pour entamer une réunion.
“Alors, quelles sont les nouvelles d’au dessus ?” commença Litzi enjouée en pointant le plafond du menton.
“Plutôt mauvaises, enchaîna Djamsha, comme on pouvait s’y attendre les Taus cherchent l’ogive. Agnok en personne dirige les opérations pour la retrouver. Ils passent la cité au peigne fin, et ils ne font pas dans la dentelle. Quasiment tous les accès d’Elova IV ont été fermés. Ils faut des niveaux d’accréditations maximales pour entrer ou sortir. Ils ont même activé le bouclier de phase de la cité. Impossible de le franchir en dehors des points d’accès.”
“Et on peut espérer de l’aide extérieure ?” questionna Jogan.
Miro prit la parole.
“La situation politique sur Navida Prime s’est extrêmement complexifiée. Maximila Phos, le gouverneur planétaire a été assassiné.”
Jogan et Litzi bondirent sur leur chaise. Djamsha hocha de la tête.
“Oui, j’ai entendu la même rumeur.”
“Mais ce n’est pas tout, le Prime Hermeticon de l’Adeptus Mechanicus a été assassiné.”
Jogan poussa un cri de stupeur.
“C’est impossible ! Il réside au coeur de la forge de Vamii ! Protégé par une cohorte entière de Skitarii.”
“Le pouvoir a donc échu au Ministorum ?” questionna Djamsha.
“Il aurait dû. Mais le vaisseau personnel de l’Archi-cardinal Vahamlir a été saboté et ce dernier a préféré rester sur Navida Tertia. Officiellement pour poursuivre et punir les saboteurs… mais l’Archi-cardinal a quand même envoyé quelqu’un. La cannonesse Vardina, de l’ordre du Voeu Pourpre.”
“Ce nom me dit quelque chose.” commenta Djamsha comme pour lui-même.
“Oui. C’est elle qui a organisé la défense du monde-chapelle Sacaellum et a repoussé les World Eaters. Ceci dit elle est encore en route, et le warp est capricieux.”
“C’est le chaos alors dehors ?” demanda innocemment Litzi.
“Oui et non. L’Imperium est une structure solide et hiérarchisée, elle ne s'effondre pas au premier coup de poignard. Un triumvirat a été désigné. Il est composé du Prefectus Tertius du Departmento Munitorum pour Navida Prime, Aleksey Agustin Petrus, de Simlina Olivarn représentante des maisons nobles et Dacaron Massin le commandant des Forces de Défense Planétaire.”
“Simlina Olivarn ? De la même famille que Leisim Olivarn que Caius a executé devant nos yeux pour trahison ?” s’étonna Jogan.
“Oui. C’est sa tante. La famille Olivarn est l’une des plus puissante maison noble de Navida Prime.”
“Et bien... Il est bien parti ce triumvirat. Pourri avant même d’exercer le pouvoir.”
“Il y a une bonne nouvelle cependant. Le triumvirat, rassemblé à la ruche de Vamii, a désigné Atornus Geis, des Imperial Fists, conseiller extraordinaire et membre irrévocable du Triumvirat.”
Jogan haussa des épaules d’un air indigné.
“Ridicule ! Atornus Geis est un Maître de la Forge. Son savoir et ses compétences sont sans égale sur toute la planète. Il a étudié les mystères de l’Omnimessie pendant plusieurs siècles !”
Miro bascula tranquillement sur sa chaise d’un air satisfaite.
“Tiens c’est marrant ça.”
“Quoi donc ?” demanda Jogan bougon.
“Apparemment ton Maître de la Forge pense la même chose. Quelques minutes après la déclaration officielle du Triumvirat des témoins disent avoir vu dans le ciel un faisceau s’élancer vers le dernier étage de la ruche. Il aurait forcé plusieurs secondes contre les boucliers ioniques avant de les traverser et de pulvériser l’étage au dessus de la salle du conseil.”
Jogan avait bondit sur sa chaise, tout d’un coup parfaitement attentif. Miro poursuivait son histoire tranquillement.
“Atornus Geis a ensuite déclaré sur les ondes que le chapitre des Imperial Fists prenait le commandement de toutes les forces de Navida Prime et que le Triumvirat était désigné suppléant administratif honorifique. Avant, parait-il, d’ajouter que ses systèmes de visées étaient capables de viser un étage en dessous.”
Jogan était béat d’admiration. Il tira Djamsha par la manche dans son euphorie.
“Un faisceau de conversion ! C’est un faisceau de conversion qu’il a utilisé ! J’en suis certain ! Vous vous rendez compte ? Il n’en existe peut-être à peine plus d’une dizaine dans toute la galaxie. Il tient dans les mains une arme considérée comme un trésor du temps de l’Age d’Or de la Technologie ! C’est…”
Djamsha dégagea très gentillement sa manche et s’accouda à la table.
“Qu’est-ce que ça change pour nous ?”
“Il n’y a rien au dessus de l’Inquisition dans l’Imperium, répondit Miro, mais s’il y a bien deux factions pour lesquelles cette notion est floue, c’est le Mechanicum et les Astartes.”
“Et ça tombe bien, Atornus fait partie des deux.” enchaîna Djamsha.
“C’est notre meilleure chance.” termina Miro.
Litzi, jusque là discrète, prit la parole.
“Seulement il y a un problème, toute communication avec l’extérieur est impossible.”
“C’est exact, confirma Miro, j’ai tout essayé. Le niveau de sécurité imposé par les Taus est impénétrable.”
“Moi j’ai une solution...” commença Djamsha en marquant une pause délibérée. Chacun se tourna vers lui.
“Et quelle est-elle ?” s’enquérit Jogan.
“Le Duc de Ferraille.”
“Celui-là même qui voulait me capturer pour mieux me vendre à l’Inquisition ?!”
Litzi et Miro fronçèrent les sourcils.
“Celui-là même.” répéta Djamsha tranquillement.
Jogan croisa ses bras sur sa poitrine.
“Jamais.”
Djamsha haussa les épaules. Miro passa son regard sur la petite assemblée avant de prendre la parole.
“Entendu.” laissa-t-elle tomber.
Jogan la fixa d’un air outré.
“Mais Miro...”
“Une question cependant Djamsha. Est-ce qu’il accepterait de venir marchander ici en personne ?”
Djamsha bascula en arrière pour poser ses pieds sur la table.
“Toi… tu as un plan. Attention, c’est le personnage le plus puissant des bas-fonds d’Elova IV.”
Le lendemain, dans l'entrepôt désert, Miro, Djamsha et Jogan attendaient devant le Devilfish réparé. Litzi et ses alliés s’étaient cachés dans les environs pour les alerter en cas d’embuscade. Cinq énormes véhicules firent leur apparition au bout de la rue. La colonne fit un tour complet de l'entrepôt puis vint s'arrêter devant le devilfish. Du véhicule au centre, une longue limousine décorée aux couleurs des bas-fonds d’Elova IV, descendit six gardes du corps armés jusqu’au dent, puis un personnage à la haute stature. Engoncé dans une armure d’apparence xenos, vêtu d’un grand manteau raffiné et d’un chapeau à bord large rehaussé d’une plume verte, il fit claquer sa canne contre le bitume en s’approchant du trio d’un pas résolu. Il arborait une grande moustache soigneusement taillée et une solide barbe. Il sourit de toutes ses dents en apercevant Djamsha.
Ce dernier se tourna vers Jogan et Miro.
“Mes amis : le Duc de Ferraille.”
“Notre meilleur chasseur de prime sur tout Elova IV ! Ravi de te revoir.” commença le duc d’une voix grave mais enjouée.
“Je vous ai manqué ?” s’étonna Djamsha.
“Nous étions inquiets. La rumeur courait que ce chef Kroot t’avais tué.”
“Oui. C’est toujours triste de devoir porter le deuil.”
Le Duc fit une petite moue.
“Surtout triste de devoir faire une croix sur une dette de six-cent trônes.”
Miro, impatiente, s’avança d’un pas.
“Duc, veuillez m’excuser d’interrompre ces touchantes retrouvailles mais nous avons beaucoup à faire.”
Le duc fit un petit pas en arrière théâtral, comme quand on se recule pour admirer une oeuvre d’art d’importance, puis il ôta son chapeau pour se fendre d’une génuflexion distinguée.
“Djamsha, tu es un piètre chasseur de prime, mais tu ne connais aucun égal en tant que coureur de jupons.”
Puis à l’attention de Miro.
“Mademoiselle, c’est un ravissement des yeux que de pouvoir vous contempler. Si d’aventure vous étiez un jour lasse des turpitudes de Djamsha, vous trouverez notre porte ouverte.”
Le visage de Miro était un masque de cire glacé.
“Duc, voici la raison pour laquelle vous êtes ici ce soir :
A partir d’aujourd’hui, et jusqu’à la fin de l’opération que nous montons, vous travaillerez pour nous. Vous n’aurez aucune activité plus prioritaire que la mission que nous allons vous assigner. Vous ne recevrez aucun paiement avant que la mission ne soit terminée et vous recevrez pour vos efforts une somme non négociable et déterminée par nous.”
Miro avait débité son discours d’une traite. Au fur et à mesure le visage de Djamsha s’était décomposé pour terminer dans un rictus de stupeur. Autour du Duc les gardes stupéfaits avaient commencé à lever leurs armes. Tout le monde attendait dans un silence de mort.
Ce fut le Duc lui-même qui brisa la glace… en partant dans un immense rire qui faillit lui faire perdre son chapeau. Secoué d’une crise de rire saine et revigorante il lui fallut presque une bonne minute pour se remettre de ses émotions. Quand enfin il retrouva un semblant de calme il eut besoin de s’appuyer sur sa canne pour se tenir droit.
“Mademoiselle ! Djamsha nous avait prévenu que vous étiez une excentrique, mais si nous nous m’attendions à cela.”
Puis, la voix du Duc changea légèrement, elle descendit d’un demi-ton vers un rythme plus lent, et plus froid.
“Eu égard à votre grâce et au divertissement que vous venez de m’offrir nous vous offrons une dernière volonté avant de vous exécuter pour votre affront… et ne comptez pas sur vos “amis” pour vous aider.”
Alors qu’il prononçait ses mots, une porte latérale coulissa de l’un des véhicules du convoi. A l’intérieur Litzi, bâillonnée et menottée apparue. Un homme de main du duc la poussa sans ménagement hors de l’habitacle. Djamsha fit un pas en direction du duc.
“Duc, un instant, Miro n’est pas au fait…”
Le Duc de Ferraille leva un main, Djamsha s’interrompit.
“Djamsha. Tu nous connais, nous ne sommes pas mauvais. Mais il y a des affronts qui demandent du sang.”
Miro s’éclaircit la voix.
“J’ai ma dernière volonté. Mais avant, est-ce que vous avez un véritable expert en technologie comme nous vous l’avions demandé ?”
Le duc redressa la tête pour contempler la jeune femme. Un sourire se dessina sur ses lèvres. Il claqua des doigts. Un garde ouvrit l’une des portes de la limousine et un étrange orangs-outang bardé de matériel technologique xenos en descendit. A sa vue Jogan ne put réprimer un cri de stupéfaction.
Le duc se tourna à nouveau vers Miro.
“Est-ce que cela vous convient, demanda-t-il d’un ton cassant, si vous avez la moindre idée de quoi il s’agit bien sûr.”
Miro se tourna vers Jogan, celui-ci s’avança jusqu’à sa femme pour lui chuchoter à l’oreille.
“C’est un Jokaero ! Une créature des légendes. Jusqu’à aujourd’hui je pensais qu’ils n’existaient pas. C’est inimaginable. On dit que mêmes les Hauts Seigneurs de Terra luttent pour essayer de s’en procurer ne serait-ce qu’un.”
“Et quel rapport avec un expert en technologie ? Sont-ils capable de rivaliser avec le savoir de l’Adeptus Mechanicus ?”
A cette question Jogan baissa la tête. Il regarda ses pieds d’un air contrit.
“Quoi ?” demanda Miro.
Jogan marmonna.
“Et bien… en fait… leurs connaissances technologiques, le transmecanicien marqua une pause, dépassent largement celles du Mechanicum.”
Miro tapa gentiment l’épaule de son compagnon.
“C’est parfait Duc. Si votre expert veut bien regarder ce que nous avons ici et vous faire un rapport précis sur la nature et surtout les capacités de cet objet.”
Et joignant le geste à la parole Miro avait activé l’ouverture de la rampe du devilfish, dévoilant la massive machine frappé du sceau du Mechanicum. Le Jokaero échangea un regard avec le Duc puis s’approcha de la machine. Pendant plusieurs minutes il tourna autour, sortit quelques étranges instruments, s’isola dans un coin du devilfish pour bricoler quelque chose, revint près de la machine pour la scanner avec un nouvel appareil. C’est à ce moment là qu’il se figea pour lire avec soin les signaux sur son appareil, l’instant d’après il ramassa ses affaires avec précipitation et retourna à grand pas simiesques vers la limousine. Quand il passa devant le Duc il pianota rapidement sur l’un de ses modules avant de disparaître dans le véhicule. Des symboles apparurent sur l’avant-bras de l’armure du Duc qui parcouru les quelques lignes rapidement. Son visage s’assombrit.
Miro s’avança.
“Je résume la situation. Depuis que les Taus ont réactivé le bouclier archéo-technologique d’Elova IV personne ne peut sortir, pas même vous. Si vous ne nous aidez pas, les Taus vont inévitablement finir par nous coincer d’ici quelques jours, nous ne nous laisserons pas prendre et nous ferons exploser la torpille. Si vous essayez quoi que ce soit contre nous, nous ferons exploser la torpille. Et si la torpille explose, Elova IV est rayée de la planète et vous avec, où que vous vous cachiez dans la cité. Ce qui fait que ma proposition est votre seule façon de survivre en plus d’être lucrative.”
Le Duc garda le silence un moment.
“Joliment amené mademoiselle. Nous, le Duc de Ferraille, apporterons notre aide, à cette périlleuse tâche qui consiste à sauver Elova IV et tous ses habitants d’une annihilation totale. Que pouvons nous pour vous ?”
Derrière Miro, Djamsha se détendaient enfin, il passa une main discrète sur son front où de vraies perles d’anxiété avaient commencé à rouler.
“Djamsha m’a dit qu’il était possible que vous ayez un moyen de communiquer avec l’extérieur malgré la barrière ?” répondit poliment Miro.
Le Duc tira doucement sur sa moustache.
“C’est exact.”
“De quelle nature ?”
“Un psyker. Un fugitif des vaisseaux noirs.”
Jogan se raidit.
“Mais c’est une double hérésie !”
Miro sortit son arme et la passa à Jogan.
“Je viens avec vous Duc. Jogan, Djamsha, assurez la garde de la bombe jusqu’à mon retour.”
Jogan receptionna maladroitement le pistolet.
“Mais ? Tu vas contacter qui ?”
Miro se tourna vers son équipe un sourire un peu forcé aux lèvres.
“Je sais pas encore. Quelqu’un qui veuille bien nous venir en aide.”
C’est six heures plus tard que le Duc de Ferraille revint en personne rencontrer le petit groupe. Il était accompagné d’une escorte réduite mais à l’allure différente.
“Vous avez reçu une réponse à votre bouteille à la mer.” annonça-t-il en tirant une chaise à la table. Tout le monde était suspendu à ses lèvres. Il tira un papier de sa poche et commença la lecture.
“Maréchale de l’Air Everlid Passang. Nous avons bien reçu votre message. Nous confirmons une extraction de quatre individus et d’une charge de vingt-deux tonnes. L’extraction aura lieu dans vingt-six heures, entre les niveaux 23 et 34, façade nord nord-est. Vous devez impérativement faire baisser l’intensité du bouclier d’au moins 60% au moment de l’extraction.”
L’assemblée resta silencieuse pendant un temps.
“C’est… c’est singulier.” commença Djamsha.
“Au moins c’est une réponse.” tenta Jogan en essayant de paraître positif.
“Vous savez des choses sur cette Maréchale ?” demanda Djamsha à l’attention du Duc de Ferraille.
“Pas grand chose. Elle a combattu sur Nectavus VI. Elle a été rappelée cette année pour prendre la direction des opérations pour tout le continent depuis les premières incursions orks. Mais à priori Elova IV est loin de ses théâtres d’opérations habituels. La zone est sous contrôle des Taus.”
“Et à propos du bouclier ? Est-ce qu’on a la moindre chance ?”
Le duc se lissa la moustache en réfléchissant.
“C’est compliqué, commença-t-il lentement, on ne sait presque rien de ce générateur. Les Taus ne l’utilisent presque jamais, la dernière utilisation remonte à douze ans. De ce que nous en savons ce n’est pas une technologie Tau. Le système fait partie de la structure d’Elova IV.”
Litzi bondit comme un diable de sa boite. Elle disparut dans la salle de stockage attenante au loft, il y eut des bruits d’étagères renversées pendant plusieurs minutes, puis elle réapparu, couverte de poussière, tenant une immense carte roulée entre les mains. D’un geste excité elle la posa sur la table et la déroula en grand.
“Les Niveaux Interdits !”
Chacun se pencha sur la carte pour mieux voir. Ce n’était pas une seule carte, mais plusieurs, mises bout à bout, griffonnées et annotées de toutes parts.
“Il n’y a aucun accès pour les niveaux 20 à 30. Pour passer aux étages supérieurs les Taus utilisent deux passerelles ici et là, commença Litzi en pointant des zones du doigt, et ils ont installé eux-même une dizaine d’ascenseurs sur la paroi extérieur, ici. On a essayé plusieurs fois d’explorer la zone, mais sans succès. On suspecte les Taus de ne pas même entrer eux-mêmes dans ces niveaux tellement la zone est hermétique.”
“Quel rapport avec notre affaire ?” demanda Jogan sans méchanceté.
“Et bien un fouineur a rapporté avoir vu une équipe Tau très spéciale en déplacement vers les Niveaux Interdits il y a quelques jours.”
Litzi marqua une pause en se redressant pour surplomber son assistance.
“La dernière fois qu’un fouineur a vu une telle équipe à ce niveau… c’était il y a douze ans.”
“La dernière fois que les Taus ont activé le bouclier d’Elova IV !” s’exclama le Duc.
“Exactement !”
“Combien de temps il vous faut pour vous rendre aux Niveaux Interdits ?” demanda Miro.
Litzi se concentra un instant.
“Trois jours environ.”
“Trois jours ?!”
“Ben oui. Tous les niveaux après le niveau 10 sont interdits aux Gue'las. On passe par la paroi extérieure, mais la progression est très lente à cause de la surveillance.”
“Sauf qu’on a vingt-six heures.”
Le Duc de Ferraille sorti une carte de sa poche et la poussa sur la table.
“Des accréditations pour n’importe quel niveau.”
Les yeux de Litzi se mirent à briller. Miro tendit le bras pour récupérer le badge.
“Nous en ferons bon usage Duc. Merci.”
Les préparatifs de l’opération avaient prit une bonne heure. Jogan, Miro et Djmasha, déguisés en techniciens, montaient maintenant vers niveau 19 à bord d’un monte-charge réservé aux équipes de maintenance. Devant eux, pour les aider dans leur infiltration, Xantipe, une experte recommandée par le Duc de Ferraille pour l’opération. Et à leurs côtés, Litzi. Cette dernière avait insisté lourdement pendant toute la duré des préparatifs pour pouvoir être la première Fouineuse à voir les Niveaux Interdits. Lassée Miro avait fini par accepter.
Le monte-charge s’immobilisa en douceur et la porte latérale glissa dans un bruit de ferraille. Devant eux s’ouvrait un large couloir, sur les côtés deux autres monte-charges déversaient des équipes de techniciens. Devant eux se tenait un imposant barrage Tau. Des drones et des positions défensives pointaient leurs armes ioniques sur eux, alors que pas moins d’une dizaine de guerriers de feu procédaient au contrôle méthodique des techniciens. Xantipe avait convaincu Miro de perdre une précieuse heure sur leur planning pour arriver à l’heure de pointe, et en voyant la foule des techniciens qui se pressait devant les contrôleurs, le conseil de Xantipe apparaissait comme extrêmement judicieux.
Quand leur tour vint, Xantipe s’avança pour présenter le badge de son équipe et engager la conversation avec les gardes Taus. Elle s’exprimait dans un tau impeccable et le guerrier de feu en charge de leur inspection semblait conquis. Ils discutèrent une ou deux minutes d’un ton qui semblait parfaitement aimable, puis il fit un signe de main pour signifier à toute l’équipe de passer.
“Je ne pensais pas que ce serait si facile !” souffla Djamsha alors qu’ils s’éloignaient du barrage.
“Les Taus croient en une sorte de doctrine appelé le Bien Suprême, répondit Xantipe, ils luttent pour essayer de rallier toutes les races à cette doctrine. Ce qui se termine souvent très mal. Alors ils sont obligés de recourir à la coercition. Pour nous c’est simplement la guerre. Pour eux c’est un échec. C’est qu’ils n’ont pas su convaincre. Un ennemi mort, c’est un ennemi qui ne rejoindra jamais le Bien Suprême. Alors quand ils rencontrent un individu qui a su faire siennes toutes les valeurs de la culture Tau, pour eux qui n’ont connu que la guerre, c’est un peu comme une consécration, c’est une preuve tangible qu’ils ne se battent en vain et que le Bien Suprême se réalise.”
Ils avaient marché jusqu’aux abords de la structure. A cet endroit les coursives latérales donnaient directement sur l’extérieur. Des vents violents venaient secouer la meta-structure, et ici et là des nacelles glissaient le long de la paroi pour convoyer les équipes de réparations aux différents points du niveau. Xantipe emmena son équipe jusqu’à la grande plateforme extérieure d’où partaient les différentes nacelles.
Au chef technicien qui les arrêta en chemin elle tendit un papier.
“Réparation sur un rail rail extérieur.” ajouta-t-elle.
Le chef technicien lui remit une clef et leur pointa une nacelle du doigt. L’instant d’après ils glissaient le long de la paroi. Des sacs chacun sortit son harnais, Litzi et Xantipe préparaient le matériel d’escalade. Le petit groupe commença son ascension avec prudence. Régulièrement il fallait s’immobiliser quand passaient les patrouilles de Piranhas. Arrivé à bon port Litzi sorti le matériel de forage et commença méthodiquement la découpe de la paroi. Rapidement elle s'arrêta, la première couche protectrice avait fait place à un matériel étrange, qui réagissait au forage en se durcissant. Jogan analysa la structure puis bricola en urgence une modification du faisceau à partir de matériel de fortune, notamment le pistolet laser de Miro et plusieurs gadgets précieux que Litzi portait sur elle. Enfin, quelques heures plus tard, un orifice d’une taille suffisante pour se glisser à l’intérieur fut pratiqué. Sans perdre un instant toute l’équipe se glissa à l’intérieur.
A l’intérieur tout était noir et silencieux. Jogan activa une lampe dans son oeil droit et un large faisceau de lumière fendit les ténèbres. Les autres allumèrent leurs petites lampes portatives. Les lieux étaient étroits et en ruine. Des enchevêtrements de câbles pendaient du plafond, les plaques de revêtement métalliques des parois tombaient çà et là, révélant d’étranges machineries d’archeo-tech et le sol était jonché de débris.
Miro ouvrit la marche, armée d’une barre de fer ramassée là, suivait Jogan et sa lumière, Litzi et Xantipe se tenaient au milieu et Djamsha fermait la marche. Le groupe progressa lentement pendant de longues minutes. Les lieux étaient aussi déserts qu’immenses. Parfois, par un couloir effondré, ils pouvaient voir de gigantesques espaces ouverts, traversés de passerelles, des installations de type industriel ou d’étranges amphithéâtres au rôle inconnu. Ce fut Jogan qui stoppa la progression. Il avait senti un flux énergétique derrière une paroi. Miro et lui dégagèrent rapidement la plaque et dévoilèrent un épais maillage de câbles en bonne condition. Jogan se connecta prudemment et resta là, les yeux retournés, pendant de longues secondes. Quand il revint à lui il eut un petit sourire en coin.
“La zone est en parfait état de marche, malgré les apparences. Le réseau énergétique fonctionne et il y a une concentration particulière non plus loin d’ici.”
Alors que Jogan se relevait pour se remettre en marche il y eu un mouvement dans le noir au plafond, quelque chose avait filé à grande vitesse depuis le bout du couloir jusqu’à eux. Miro, instinctivement, frappa contre la paroi et toucha quelque chose, la seconde forme cependant s’abattit sur Litzi. Il y eut un claquement métallique et Litzi cria de douleur en se tenait le ventre. Jogan paniqué tourna la tête dans sa direction, éclairant l’adolescente de son oeil. Il n’eut le temps que d’entrevoir une espèce d’araignée métallique fuir sa lumière parmi les cablages du plafond. Soudain derrière eux des éclats de lumière illuminèrent la scène. Djamsha ouvraient le feu dans le couloir derrière eux, plusieurs tirs de pistolet laser peignirent tout l’environnement de leur lumière rouge. Au fond du couloir des dizaines d’araignées métalliques progressaient à grande vitesse dans leur direction, chaque tir de Djamsha en abattait une, mais deux autres émergeaient aussitôt. Xantipe fit volte-face pour joindre ses tirs à ceux de Djamsha. Miro, qui avait éclaté l’un des araignées qui avaient réussi à se glisser jusqu’au dessus de leur tête continuait à en éclater à coup de barre à mine alors que Jogan se portait au chevet de Litzi. Il n’eut pas le temps de faire quoi que ce soit que deux pinces jaillirent de la paroi à côté de lui et l’attrapèrent par le cou et l’attirèrent contre la paroi en lui cisaillant les chairs. Litzi, n’écoutant que son courage, attrapa les pinces coupantes à mains nues pour tenter de freiner le broyage. Dans un ultime effort, alors que le métal tranchant commençait à traverser ses gants et que le sang se mit à couler entre ses doigts, elle parvint à stopper le mouvement. C’est ce moment que choisit Miro pour sauter et plonger jusqu’à eux. D’un geste puissant, aidé par tout son poids elle frappa à l’aveugle, à travers les cables de la paroi, à l’endroit précis d’où les deux mandibules sortaient. Sa barre s’enfonça profondément, il y eut un bruit d’explosion sourde et les mandibules se relâchèrent sous l’effort de Litzi. Jogan, liberé, se laissa tomber au sol en se tenait la gorge.
“Il faut partir ! Il y en a trop !” cria Djamsha derrière eux sans leur laisser le temps de souffler. Comme un seul homme le groupe recula rapidement le long du couloir. Xantipe, Litzi et Djamsha se relaient à tour de rôle pour maintenir un feu de couverture sur les poursuivants alors que Jogan ouvrait la marche.
“Ta blessure, lui cria Miro alors qu’ils couraient, ça va aller ?!”
Jogan hocha la tête et retira sa main de son cou. Il n’y eu pas une goutte de sang.
“Ca va ! J’ai redirigé une partie de mes afflux sanguins vers d’autres vaisseaux.”
“Bien sûûûr.” commenta Litzi mi-dégoûtée, mi-incrédule.
Alors que le groupe continuait sa retraite ordonnée ils débouchèrent sur un carrefour jonchés de cadavres et de carcasses métalliques. Jogan fut le premier à réagir, il poussa un cri à la fois de terreur et d’admiration. Il avait pointé du doigt une carcasse au milieu de cet amoncellement. Sur la poitrine d’un automate était gravé le symbole de l’Adeptus Mechanicus, le crâne enchâssé dans le saint engrenage. Alors que le reste du groupe débouchait dans la salle, la scène apparut clairement à tous. Ce qu’ils regardaient était une scène de bataille. Un dernier carré défendu par des guerriers et des automates de l’Adeptus Mechanicus. Jogan cependant semblait avoir été prit d’une crise de nerf incontrôlable à la vue de ces restes. Il se jeta sur l’amas de ferraille et commença à en tirer des morceaux frénétiquement.
Litzi, Xantipe et Djamsha formèrent un front à l’entrée du couloir et déversèrent un déluge de feu dans l’obscurité du couloir. Miro grimpa derrière Jogan et le ceintura pour le faire redescendre.
“Jogan ! Ressaisis-toi ! Il faut partir !”
Jogan se débattit avec tant de vigueur que les deux dégringolèrent au pied de la pile. Jogan tenait encore un artefact dans la main, ses yeux étaient fous quand ils croisèrent ceux de sa compagne.
“Regarde ! Une lame transsonique ! Et là ! C’est ! C’est un automate de classe Castellax ! Tu comprends ce que ça veut dire ?”
Le reste du groupe passa devant eux en courant et en continuant à tirer. Miro arracha l’épée transsonique des mains de Jogan et le remit sur pied.
“Ca veut dire qu’on se remet en route pour ne pas finir déchiquetés ici !”
Jogan hurla à la mort pendant de longues minutes pendant qu’on le traînait dans les couloirs. Après bien des efforts le groupe parvint à semer ses poursuivants. Au détour d’un couloir chacun se laissa tomber pour reprendre son souffle. Alors que tout le monde reprenait ses esprits Miro s’immobilisa. Elle leva une main lentement pour intimer l’ordre de rester immobile et leva très lentement sa lame. Tout le monde resta interdit, puis Djamsha fut le second à voir ce qu’avait vu Miro. Il hocha de la tête dans sa direction et se prépara à dégainer. Derrière eux, contre la paroi, un scarabé de métal de la taille d’un paléo-chien se formait lentement en absorbant les matériaux alentours dans un mimétisme quasi-parfait. Miro et Djamsha attaquèrent de concert à une vitesse fulgurante. Mais la machine fut plus rapide, et dans un mouvement de réflexe irréel esquiva les deux coups. Elle contre-attaqua dans un même mouvement automatique, et une pince tranchante toucha Djamsha et Jogan d’un geste circulaire. Jogan laissa échapper un sifflement de frustration quand l’attaque endommagea un boîtier métallique encastré dans son abdomen. Alors que le reste du groupe prenait une position de combat désespérée face à ce nouvel ennemi, le scarabé lui s’était figé. Ce qui ressemblait à la tête se tourna vers Jogan et émit à son tour ce qui semblait être un sifflement à la limite de l’audible.
“Evidemment !” cria Jogan en rage à l’adresse de la machine.
La machine continua son très léger sifflement. Jogan recouvra un semblant de calme et se mit lui aussi à émettre ce qui ressemblait à un sifflement dissonant. Puis il se tourna vers le reste de son groupe.
“Ca alors ! C’est incroyable. Cette… machine. Elle est contrôlée par un membre de notre saint adeptus. Son lingua-technis est très différent du mien, mais nous arrivons à communiquer. Il n’a aucune intention belliqueuse. Il m’a indiqué un chemin pour le rejoindre. Il suppose que nous aurions beaucoup à échanger. Je lui ai demandé s’il savait quelque chose sur la génération du bouclier d’Elova IV, il m’a transmit plusieurs schémas qui me prouvent qu’effectivement nous sommes au bon endroit.”
Djamsha baissa son arme et se redressa dubitatif.
“Il t’as dit tout ça en un sifflement ?”
“Le lingua-technis est un mode de communication qui dépasse le simple langage.”
“Il a dit autre chose.”
“Ah oui ! Il a fait mention du fait que nous n’avions que quelques minutes à vivre. Une entité qu’il appelle le Gardien serait en route vers notre position. Et apparement rien ne peut lui échapper.”
Comme pour appuyer ses mots le sol se mit à vibrer. Au sol les petits objets se mirent à rouler et de la poussière commença à tomber du plafond. Le scarabé se colla à nouveau à la paroi, en quelques instants il fusionna avec le matériel environnant pour ne faire plus qu’un avec la structure.
“Tu sais comment le rejoindre ?” cria Miro à l’attention de Jogan.
“Oui ! Il m’a transmis l’intégralité des plans des Niveaux Interdits. Je peux les visualiser.”
Au bout du couloir une énorme masse lancée à pleine vitesse s’écrasa contre le mur sans se donner la peine de ralentir pour tourner. Dans la semi-obscurité qui régnait à l’autre bout du couloir, ce qui ressemblait à une boule de tentacules métalliques articulés, de câbles vivants et d’electro-fouets commença à se frayer un chemin vers eux. L’entité ne semblait pas avoir de corps mais ressemblait plutôt à une masse grouillante de vers dans laquelle luisaient une dizaine de pairs d’yeux rouges braqués sur eux. La chose était si grosse qu’elle obstruait entièrement le couloir par lequel elle arrivait.
“Le fameux Gardien je présume.” déglutit Litzi.
“Jogan, emmène les autres ! Et désactivez-moi ce bouclier !”
“Et toi ?” cria Djamsha pour couvrir la cacophonie infernale du gardien.
“Moi je vais tenter de le distraire. Je vais l’attirer loin et je vous rejoindrai plus tard, ou dehors !”
Sans attendre de réponse Miro s’élança en direction du Gardien. Le reste du groupe parti dans la direction opposée, courant derrière Jogan qui ouvrait la voie.
Pour Jogan le dédale n’en était plus un. Il courait d’un pas assuré dans l’obscurité. A chaque carrefour il savait exactement où tourner. A chaque grand espace sa lumière fendait l’obscurité pour illuminer la rampe d’accès dissimulée qu’il fallait emprunter. En l’espace d’à peine une dizaine de minutes ils arrivèrent à destination. En s’enfonçant dans le coeur de la méta-structure ils avaient commencé à rencontrer des espaces colossaux, dans lesquels des machines incroyables tournaient en silence pour remplir quelques énigmatiques fonctions. Arrivé à un poste de contrôle, des portes coulissantes se refermèrent brutalement tout autour d’eux. En un instant ils étaient enfermés dans cette salle. Par réflexe Djamsha dégaina mais Jogan posa une main sur le canon de son arme.
Contre une paroi de la salle de contrôle le phénomène de construction recommença. Le matériel commença à s’assembler rapidement et une forme humaine émergea. C’était un techno-prêtre, si entièrement mécanisé qu’il était impossible de discerner à l’oeil nu la moindre parcelle de chair sur son corps. Quand il fut entièrement formé il fit un pas dans la salle et montra une console à Jogan. Ce dernier se brancha, les deux adeptes restèrent un instant silencieux, puis sourirent en même temps.
“Loué soit l'Omnimessie. Vous avez mit à jour votre gothique ?” commença Jogan.
L’individu articula d’abord dans le vide, sans qu’aucun son ne sorte, puis de sa gorge sortit une voix métallique désarticulée.
“Oui. Mise à jour. Éléments. Comparer. Ressemblance. Facilite. Langue. Commune. Loué soit l’Omnimessie.”
“Vous savez quelque chose à propos du bouclier ?” le coupa presque Djamsha pressé.
“Bouclier. Mort. Drones. Venir. Oui. Activation. Désactivation.”
“Désactivation ? Oui, comment on le désactive ?” le pressa Djamsha.
Le technoprêtre tendit un bras. Un panneau glissa contre un mur, révélant une baie vitrée. En contrebas des turbines en activités illuminait une grande salle d’une pâle lumière bleutée. Dans le même temps des données commencèrent à défiler sur l’une des consoles de la pièce. Djamsha et Litzi se penchèrent pour regarder.
“Les instructions pour désactiver le bouclier !” souffla-t-elle impressionnée.
Jogan laissa ses compagnons se concentrer et se tourna vers le techno-prêtre.
“Qui êtes-vous ? Comment… comment faites-vous cela ?”
Le techno-prêtre monta quelques marches jusqu’au poste de commandement du centre de contrôle. Il se tourna solennellement vers Jogan, le fixa dans les yeux, puis il leva une main. Au niveau du pupitre de commandement un compartiment glissa pour révéler un objet, manifestement de construction impériale.
Jogan approcha très lentement sa main. Il tremblait. Ses systèmes subdermaux s’interfacèrent avec l’objet. Lentement les données remontèrent à lui, et il eut la confirmation de l’impossible. L’objet sous ses doigts était un fragment de Schéma de Construction Standardisé. Le bien le plus précieux de la galaxie. L’unique quête du Mechanicum. La glorification de l’Omnimessie.
“C’est un SCS.” murmura Jogan en binaire.
“Oui.”
Jogan tourna des yeux fous vers son coreligionnaire.
“Que contient-il ?”
“Des schémas de modifications du cerveau pour permettre la conscience dans les espaces virtuels. Et des remodeleurs moléculaires.”
“C’est inimaginable. Est-il fonctionnel ?”
“Oui. Je m’en suis servi.”
Jogan plissa les yeux. Son regard se promena sur la salle. C’est alors qu’il remarqua une étrange construction derrière la chaise de commandement. L’objet d’origine avait été modifié grossièrement par une technologie d’origine différente. Sur le siège un squelette tombé en poussière trônait là avec derrière l’os de sa nuque ce qui ressemblait à une foreuse.
“C’est vous ?”
Le techno-prêtre garda le silence. En bas des marches le groupe héla le transmecanicien.
“Jogan ! On descend désactiver le bouclier ! Surveille que tout se passe bien depuis le centre de contrôle.”
Le techno-prêtre fit un pas pour s’approcher de la baie vitrée, Jogan sur ses talons.
“Ils n’auront pas le temps.” finit-il par commenter après un long silence.
Déjà en bas Jogan pouvait voir ses compagnons courirent entre les turbines en direction d’un générateur plus grand que les autres.
“Comment ça ?”
“Le Gardien. Il arrive. Rien ne peut l’arrêter.”
“Miro…” murmura Jogan.
“Le voilà.”
Bien qu’aucun son ne montait jusqu’à Jogan depuis la salle des turbines ce dernier put voir ses compagnons s’immobiliser en contrebas. Puis Xantipe et Djamsha ouvrirent le feu en direction d’une cible hors de son champ de vision alors que Litzi se precipitait sur un panneau de contrôle. Soudain le Gardien apparut dans le champ de vision de Jogan. L’énorme masse de tentacules métalliques se glissa par dessus une turbine en encaissant les tirs. Djamsha plongea pour tirer Litzi en arrière, les tentacules frappèrent l’endroit où elle se tenait la seconde d’avant. Xantipe fit mouche de deux tirs consécutifs, donnant le temps à Djamsha et Litzi de se relever. Le techno-prêtre se tourna vers le siège de commandement transformé en machine à implant.
“Ils n’ont aucune chance. Mais toi peux te sauver en faisant comme moi.”
“Qu’est-ce que tu veux dire ?”
“Si tu t’implantes le SCS, tu pourras rejoindre l’espace virtuel, là le gardien ne pourras rien contre toi.”
“Implanté une unité d’impulsion mentale ? Une opération de ce genre prend des heures.”
“On peut employer un Cruxis Machina.”
Tout l’être de Jogan se révulsa. Il ne connaissait la procédure que de nom, mais il en savait les conséquences.
“Le SCS serait détruit dans la procédure !”
Le techno-prêtre resta silencieux.
Une détonation fit sursauter Jogan. Il se tourna vers la baie vitrée. En contrebas le combat faisait rage. Djamsha gisait au sol dans une mare de sang. Litzi surgit pour le porter par les épaules et le tirer le long des travées en laissant derrière eux une longue trace rouge pendant qu’il continuait à tirer sur le gardien qui s’approchait. Il y eut une seconde détonation qui coupa le Gardien dans son élan. Sur son flanc droit Xantipe armée de grenades l’avait prit par surprise. Alors qu’elle se repliait à son tour un tentacule glissé sous une turbine la prit par surprise et lui bloqua une jambe. Alors qu’elle tentait de se dégager le gardien lança un second tentacule équipé d’un foret. L’engin de mort perfora le crâne de Xantipe quand une gerbe de sang et de cervelle pour ressortir l’instant d’après par une cavité oculaire, emportant un oeil. Jogan porta sa main à sa bouche pour contenir son écoeurement. Le Gardien frappa encore plusieurs fois le corps sans vie de Xantipe puis le balança violemment contre un pilier, finissant de le démembrer complètement. Puis le Gardien se tourna vers le centre de contrôle où se trouvait Jogan. Ce dernier se raidit. Il jeta un coup d’oeil à l’endroit où se trouvait Litzi et Djamsha, il n’y avait plus qu’une longue traînée de sang qui disparaissait dans les travées obscurs de la salle.
“Il vient pour toi.” annonça calmement le techno-prêtre à Jogan.
“Moi ?”
“Le Gardien est une machine. Tu es la seule cible pleinement valide, tu es devenu prioritaire. Il achèvera les autres plus tard.”
En disant cela le techno-prêtre avait posé sa main contre un mur. Lentement il se mit à fusionner avec.
“Mais…” Jogan ne trouvait pas ses mots. En contrebas le Gardien se glissait effectivement en direction de la tour centrale où se trouvait le centre de commande. Puis il se contorsionna pour s’introduire dans le boyau de l'ascenseur qui menait à lui. Quand Jogan se retourna vers le techno-prêtre il avait disparu. Jogan était seul. Tout allait beaucoup trop vite pour lui. Il courut jusqu’au SCS. Il le prit et s’approcha de la chaise pour le brancher. Puis il s'arrêta en plein geste. S’il faisait cela il allait détruire la chose la plus précieuse au monde. Simplement pour sauver sa misérable vie. C’était au dessus de ses forces. Le poids de la faute lui écrasait les épaules. Un premier tentacule frappa contre la baie vitrée avec violence, la fendant largement. Jogan sursauta terrorisé et termina de brancher le SCS, intérieurement il avait décidé de réfléchir plus tard à la conséquence de ses actes. L’instant d’après il s’installait sur la chaise. La foreuse lui rentra dans les chairs de la nuque avec une force inouïe, mais à peine avait-elle commencée que tout s’arrêta.
Il était là.
Debout. Ou bien était-il assis ?
Tout était rouge et dansant autour de lui. A moins qu’il ait perdu la vision ?
Une forme apparue devant lui. Elle était différente et pourtant il la reconnue. C’était le techno-prêtre.
“Où sommes nous ?”
Jogan avait voulu parler. Mais sa pensée avait suffit. Le techno-prêtre sourit. Il pensait aussi, et Jogan pouvait comprendre ses pensées.
“Nous sommes Elova IV.”
Le techno-prêtre dirigea ses pensées vers celles de Jogan. Ce dernier se concentra. Tout changea autour de lui. Les formes rouges et dansantes s’agencèrent. Tout devient champs de données, dans toutes les dimensions. Il pouvait sentir Elova IV. Il pouvait voir ses couloirs. Il était tous les systèmes à la fois. Il faisait un avec une puissance quasi-infinie.
“Pourquoi le temps n’existe plus ?” pensa Jogan.
“Il existe. Mais ce n’est qu’une donnée.”
“Il est là. Oui. Je le vois maintenant. Mais si lent.
“Parce que les processeurs d’Elova IV sont puissants. Nous analysons les choses si rapidement que le temps ne passe plus de la même façon. Ici.”
Ils étaient maintenant devant le poste de commandement. Ils le “regardaient” sous une fusion d’angles, de données, de caméras, de senseurs, d’analyses, qui formait un tout à la fois cohérent et quasi-infini. Un tentacule du Gardien s’approchait à grande vitesse de la baie vitrée. A grande vitesse, mais pourtant quasiment immobile. La vitesse n’était qu’une donnée. Jogan se concentra sur toute la structure à la fois. Sous lui des millions de données défilaient dans toutes les directions. Le techno-prêtre était là. Jogan tourna sa pensée vers lui.
“C’est presque l’infini.”
“Oui.”
“C’est beau.”
Ils contemplèrent ensemble la mer de calculs. D’une pensée Jogan aligna toutes les opérations nécessaires à l’analyse de l’impact du tentacule contre la baie vitrée. Des milliards de calculs défilèrent dans son esprit, une quantité incommensurable de données, et pourtant aussi clair qu’une image. Il voyait le résultat de l’impact. Il pouvait VOIR jusqu’au plus petit fragment de verre projeté, la position dans laquelle il allait atteindre le sol, l’angle d’incidence, le rebond. Il pouvait calculer chaque rebond, chaque collision avec d’autres fragments. C’était une précision absolue, une transformation de la réalité en une série d’équations parfaites et absolues. C’était une expérience vertigineuse et parfaite. Il sortit de sa rêverie mathématique.
“Quelle sensation ! Je pourrais rester là…”
“... pour toujours.” termina le techno-prêtre.
“Mais le Gardien va finir par m’atteindre.” nota Jogan.
“Oui. Mais dans un temps presque infini.”
Jogan réfléchissait.
“J’arrive à lire le Gardien.” remarqua-t-il.
“Oui. Car il fait partie du système. On peut le voir ici. Il a quatre cibles.”
“Quatre ?”
Jogan plongea dans le système. Il pouvait distinger des points dans un espace fini.
“Oh je la vois. Pourquoi elle a un taux si bas ?”
“Car elle est coincée. Le gardien l’a dépriorisée.”
“Mais ?! Mais c’est Miro !”
Jogan se concentra sur les environs immédiats de la cible. Il était tout à la fois les parois, les système hydrauliques, les éclairages, les courants électriques, les portes, leurs systèmes de verrouillages. Il prit une profonde inspiration.
Dans le noir total Miro progressait aussi rapidement que possible. La jeune femme avait fait une longue chute en cherchant à échapper au Gardien. Mais celui-ci c’était brusquement détourné d’elle. Du haut du puits où elle était tombé il n’avait pas daigné descendre, et maintenant, avec sa lampe cassée, elle progressait du mieux qu’elle pouvait, mais elle ne parvenait pas à trouver un chemin pour remonter. Soudain l’air devint électrique. Puis un éclairage s’alluma devant elle, et la porte en dessous s’ouvrit. Et le couloir derrière s’alluma à son tour, puis la porte à l’autre bout à son tour et ainsi de suite sur plusieurs centaines de mètres. A perte de vue Miro continuait d’entendre le claquement des portes qui s’ouvrent. La jeune femme resta sur ses gardes, le silence était retombé, un écran clignota non loin. Du texte apparu.
“Miro. Ne prends pas le chemin qui vient de s’ouvrir. Le Gardien va se diriger vers toi. Je m’excuse. C’est ma seule solution. Je vais t’ouvrir un second chemin vers l’extérieur. Je vais m’occuper du bouclier. Tu comptes pour moi. Jogan.”
La jeune femme soupira. Déjà au loin elle pouvait entendre le raclement métallique caractéristique du Gardien. Derrière elle une autre porte s’ouvrit. Elle s’y engagea au pas de course. Derrière, au loin, le Gardien gagnant inexorablement du terrain sur elle. A un croisement de couloir elle tomba nez à nez avec Litzi. L’adolescente avait déballé sa trousse de soin et s’occupait comme elle pouvait de Djamsha évanoui qu’elle avait adossé au mur.
“Te voilà enfin !” s’écria-t-elle quand Miro déboula.
“Enfin ?” s’étonna Miro.
“Oui. C’est Jogan qui nous a illuminé un chemin jusqu’ici. Il a dit que tu viendrais nous prendre.”
Miro ne perdit pas un instant, elle passa le cou sous une épaule de Djamsha en enjoignant Lizti à faire de même.
“On ne termine pas le bandage ?” s’exclama Litzi un peu paniquée.
Miro lui lança un regard pressé par dessus Djamsha.
“Je ne suis pas venue seule.”
Au milieu de l’océan de donnée Jogan observait calmement.
“Ils vont s’en sortir.”
“Oui.” observa le techno-prêtre à ses côtés.
“Je vais y aller. La voie est libre.”
Le techno-prêtre se tourna vers Jogan. Il semblait réfléchir.
“Tu y vas pour elle ?”
“Pour ceux qui comptent sur moi. Et pour elle oui.”
“Il n’y a aucune vérité dans la chair, seulement la trahison.” pensa le techno-prêtre en insistant sur le mot trahison.
“Il n’y a aucune force dans la chair, seulement la faiblesse.” lui répondit Jogan, selon la tradition millénaire de leur foi.
A quelques couloirs de la sortie le petit groupe fut rejoint par Jogan. Personne n’eut le temps de se poser de questions, il fallait continuer de courir alors que le Gardien n’était plus qu’à un couloir derrière eux.
Litzi passa la première, puis ils passèrent Djamsha, le Gardien déboula au bout du couloir et charga. Miro accrocha son harnais à une poutrelle tordue et se précipita à l’extérieur avec Jogan. A peine avaient-ils butés contre la paroi que des projecteurs se braquèrent sur eux. Suspendus dans le vide, bloqués contre la paroi, ils étaient mit en joue par deux piranhas. Les marqueurs des armes taus se verrouillèrent sur eux et les canons se mirent à tourner. Avant que qui que ce soit n’ai eu le temps de réagir deux missiles anti-char montèrent de l’étage inférieur et vinrent désintégrer les patrouilleurs. Tout en se protégeant des débris incandescents qui pleuvaient sur eux, Miro jeta un oeil en contrebas. Le Duc de Ferraille et quatre hommes de mains armés de lance-missiles montaient dans leur direction à bord de deux nacelles. Tout le monde se laissa tomber à bord.
“Direction le niveau 24 !” ordonna le Duc.
“La torpille, questionna Miro, vous l’avez avec vous comme prévu ?”
“Elle est dans la seconde nacelle, mais j’ai peur que nous n’y arrivions jamais.” répondit le Duc en pointant du doigt la seconde couronne d’Elova IV en contrebas.
Miro se pencha pour voir. L’armada Tau était en train de décoller. Des dizaines de Barracudas prenaient leur envol, escortant des Tiger Sharks. Des formations serrées de drones Remora suivaient la manoeuvre et se plaçaient en avant-garde.
“Qu’est-ce qui se passe ?”
“Les forces impériales ont été découvertes beaucoup trop tôt par un drone de reconnaissance. Les Taus partent pour l’interception. Sans l’effet de surprise ils vont se faire massacrer.”
Miro fit une grimace et pointa du menton la large passerelle extérieure du niveau 24 dont ils rapprochaient à grande vitesse.
“Occupons-nous déjà de notre massacre.”
Les sentinelles de la passerelle extérieure n’eurent aucune chance. Prises par surprise elles tombèrent sous le feu des hommes du Duc. L’instant d’après tout le monde prenait position sur la grande plateforme d'atterrissage. Jogan ramassa un drone que l’attaque surprise avait endommagé. Il commença à le démonter.
“Tu en tires quelque chose ?” demanda Litzi en s’asseyant à côté de lui.
Jogan hocha la tête.
“C’est un drone de liaison. J’ai accès à une partie de leurs communications. Ils parlent de la flotte impériale.”
Intéressés, Miro et le Duc se rapprochèrent pour écouter. Jogan, les yeux dans le vague, semblait écouter une voix invisible.
“Ils n’ont pas encore de contact visuel. La flotte impériale est protégée par une solide avant-garde qui les en empêche mais ils ont été reperés sur les senseurs Taus. Toute la flotte est découverte. Vu la distance l’armada Tau va avoir le temps de se mettre en position d’interception et de préparer toutes leurs solutions de tir.”
Miro et le Duc échangèrent un regard inquiet.
“Combien de temps avant l’extraction ?” demanda Miro.
“Normalement, dix minutes.” répondit un homme du Duc.
Jogan leva la tête surpris.
“Quelque chose ne va pas.”
Tout le monde fit silence.
“Il n’y a pas de flotte impériale. C’est un leurre. L’avant-garde a fuit. Les premiers Barracudas font leurs rapports. J’entends. C’est une flotte commerciale Tau ! Elle a été attaquée par des Thunderbolts qui ont brouillés leurs communications et les ont forcés à se replier sur Elova IV.”
Litzi leva la tête vers l’horizon.
“Où ont lieux les combats ?”
“Au sud-est.”
Litzi tourna son regard vers le nord-ouest, le soleil venait à peine d’apparaître à l’horizon. Comme pour confirmer ses suppositions quelque chose se mit à bouger à la surface du lac. Des dizaines de Valkyries dérivaient à la surface de l’eau, moteurs éteints dans l’obscurité.
“Les courants ! Ils viennent du sud-ouest !” cria Litzi émerveillé.
Au loin toute une flotte impériale de valkyries fit mugir ses moteurs à poussée verticale et s’arracha de l’eau. En quelques instants des centaines de missiles s’élançèrent sur les positions tau totalement prises au dépourvu. Des séries d’explosions se mirent à fleurir tout au long de la couronne extérieur alors que les combats aériens s’engagaient entre la flotte impériale et les quelques défenseurs de Elova IV restés dans la zone.
“Et l’armada Tau est au sud-est en train de se battre contre rien. C’est le plan de bataille le plus parfait que je n’ai jamais vu de ma vie...” commenta le Duc réellement impressionné. Il allait faire un second commentaire quand l’un de ses hommes lança un cri d’alerte. Alors que tout le monde se mettait à couvert une salve de tirs balaya la passerelle. Un énorme véhicule volant fit un premier passage au dessus de la passerelle et s’écarta dans un arc de cercle pour revenir de front.
“Orca !!” hurla un des hommes du Duc.
“Il faut fuir !” répliqua un autre en courant vers les nacelles.
“Qu’est-ce que c’est ?” cria Jogan en rejoignant le groupe caché derrière une barrière de caisses de ravitaillement.
“Un transport de troupe. Le plus gros qui soit. Il contient une petite armée. Mais surtout… ses systèmes de défense sont impénétrables. Il dévira sans problème nos missiles.”
Déjà l’Orca avait fini son demi-tour et ralentissait maintenant sa course. Manifestement pour revenir déposer sa cargaison sur la passerelle. Miro jeta un oeil à l’horizon. Les valkyries filaient sur leur position mais elles n’arriveraient jamais à temps.
Jogan se releva.
“Duc. Vous voyez ces barils de combustibles sur le tarmac ? Que vos hommes tirent tous leurs missiles dessus. Miro, Litzi, Djamsha, prenez toutes les grenades fumigènes des soldats qu’on a abattu et lancez-les maintenant partout sur la passerelle.”
Jogan avait parlé d’un ton qui ne souffrait aucune réponse. Rapidement le groupe s'exécuta et la passerelle disparu sous un nuage de fumée noire et épaisse. Devant eux l’Orca disparu à leur regard mais tout le monde pouvait entendre le rugissement de ses quatre puissants moteurs se mettre en position de vol stationnaire.
“Je ne sais pas ce que tu veux faire Jogan, mais les Orcas sont équipés des meilleurs senseurs Taus qui soient. Il pourra quand même atterrir en se fiant à eux.” cria Litzi au milieu de la fumée acre.
“J’y compte bien.” répondit froidement Jogan en enfonçant son poing dans le drone de liaison qu’il avait gardé avec lui.
Sa tête fut projetée en arrière avec violence. Quand il la redressa ses yeux étaient blancs, du sang lui coulait par la bouche et les oreilles. Son visage était un masque de douleur et de concentration extrême. La fumée disparu devant ses yeux, et lentement apparurent les champs de données rougeoyantes du réseau tau. Et au milieu, les données des senseurs de l’Orca. Celles qui donnaient aux pilotes les informations nécessaires à l'atterrissage.
“Qu’est-ce que tu fais !?” hurla Miro inquiète en se jeta pour soutenir Jogan vacillant.
Jogan tourna la tête lentement vers sa femme. Un rictus de satisfaction apparu sur son visage congestionné. Il articula péniblement sous la tension.
“Une erreur de calibration.”
L’angle d’approche de l’Orca était beaucoup trop rapide. L’énorme appareil frappa la passerelle de plein fouet. Sa turbine avant-droite s’arracha contre l’acier du ponton. Les pilotes tentèrent une manoeuvre d’évitement désespérée, tout le flanc du véhicule racla contre la passerelle alors que l’appareil perdait rapidement de l’altitude. Le petit groupe s’approcha du bord médusé pour voir l’appareil descendre vers le sol dans une traînée de fumée. Jogan perdit connaissance. Deux minutes plus tard les valkyries impériales arrivèrent à leur hauteur pour les récupérer. Au milieu de la fumée et des tirs de batteries anti-aériennes Miro fit ses adieux au Duc de Ferraille. On montait Djamsha toujours inconscient à bord d’une valkyrie.
“Je ne sais pas s’il souhaitait quitter Elova IV. Mais avec les combats qui nous attendent il ne pourra pas survivre.” commença le Duc.
“Je vais faire mon possible.” répondit Miro.
“S’il survit… dites-lui que je passe l’éponge sur sa dette.”
Miro hocha la tête. La valkyrie qui transportait la jeune femme commença à s’élever.
“Et vous aurez votre paiement pour votre aide Duc. Vous avez ma parole.”
“Je n’en ai jamais douté ma demoiselle.”
L’instant d’après la flotte impériale rompait le combat et se repliait.
Dans l’appareil de commandement, un énorme marauder modifié, Litzi et Jogan se tenaient au chevet de Djamsha. Placé sous soin intensif, deux infirmiers se relayaient pour essayer de le sauver. Everlid Passang et Miro entrèrent dans la petite infirmerie. Les infirmiers se mirent au garde à vous. Everlid les congédia de la main. La maréchale était une femme grande et sèche, elle portait l’uniforme bleu et blanc traditionnel de la marine impériale rehaussé d’un ruban rouge de décoration de guerre et d’un jabot de soie. Elle contempla le petit groupe avec soin.
“Alors c’est lui ?”
“Oui.” répondit Miro en hocha la tête avec déférence.
“Vous m’avez convaincue. Je n’ai pas encore entièrement confiance dans notre triumvirat. Il n’est pas nécessaire qu’ils aient à la fois la torpille et la dernière personne à savoir s’en servir.”
Jogan s’agita sur sa chaise mais ne dit pas un mot. La maréchale fit un signe de main, son servo-crâne personnel vola jusqu’à elle.
“Passerelle de commandement. Contactez l’amirauté. Confirmez le résultat de l’opération : Colis : sécurisé. Survivants : aucuns.”
Le servo-crâne se retira.
“Dès que votre ami sera en état, vous serez transférés à bord d’un appareil de ma flotte. Un pilote de mon escorte personnelle vous conduira la citadelle de Vamii.”
Citadelle de Vamii.
Milieu de la nuit.
Grand Hall d’honneur.
Atornus Geis, Maître de la Forge du chapitre des Imperial Fists, contemplait l’horizon à travers les immenses baies vitrées blindées. Devant ses yeux la plaine était littéralement recouverte de cadavres de xenos. Des milliers de créatures avaient tenté de prendre la citadelle. Les Tyranides comme les appelait l’Ordo Xenos. Leur aide avait été inestimable sur Navida Prime. Atornus était sage et humble malgré son rang. Quand une équipe de la Deathwatch l’avait approché pour le prevenir de la menace qu’il allait devoir combattre il avait écouté leurs conseils, lus leurs rapports, et préparé ses défenses en conséquence. Aujourd’hui ses patientes manoeuvres portaient leurs fruits, le front impérial s’était déplacé, en subissant quelques pertes nécessaires, mais surtout en provoquant une confrontation directe entre les orks et la menace tyranide. Depuis l’ouverture de ce nouveau front entre deux ennemis, la pression avait considérablement diminuée. Tant mieux, car les récents assassinats avaient provoqué des remous dans la hiérarchie impériale. Le vieux techmarine ne voyait pas ce triumvirat d’un très bon oeil. Un nid de serpents.
Il fut tirer de ses réflexions stratégiques quand la grande porte s’ouvrit avec fracas. Leodis, le responsable de la sureté de la citadelle, fit son entrée entouré de deux membres de la garde d’honneur du chapitre, deux puissants frères de batailles, parmi les plus expérimentés de tout le chapitre. Il trainait par les cheveux une captive aux mains liées. Vêtue d’une combinaison de cuir noire ornée de symboles cabalistiques impies, elle avait les traits caractéristiques des eldars corrompus. Leodis jeta la prisonnière aux pieds de la grande table de conseil.
“Qu’est-ce donc que tout ceci frère Leodis ?” s’enquit Atornus en descendant les marches pour rejoindre l’attroupement.
“Une tentative d’infiltration. Douze eldars corrompus. Par le réseau d'égouts. Nous avons massacré tout le groupe, celle-ci s’est enfuie paniquée. Frère Sault l’a capturée à l’arme blanche.”
L’un des deux garde d’honneur fit une légère révérence. Atornus arriva à la hauteur de la prisonnière pour la considérer.
“Qu’est-ce que vous veniez donc faire ici ?” demanda calmement le Maitre de la Forge à la captive.
Celle-ci se remit péniblement à genoux pour faire face à son interrogateur. Elle avait le visage tuméfié. Son oeil droit fermait à grande peine et de sa lèvre inférieur largement fendue s’écoulait du sang.
“Votre honneur, commença-t-elle d’une voix chevrotante, si vous m’accordez clémence je suis prête à tout vous réveler. Je demande juste la vie sauve.”
Leodis, en rage, souleva l’eldar noir par les cheveux et lui éclata la bouche contre le coin de la table en marbre massif. Deux dents volèrent à travers la pièce.
“Misérable xenos ! Tu crois pouvoir marchander ! Tu es en présence d’Atornus Geis, Maitre de la Forge de notre chapitre. Quand il pose une question : réponds !”
La prisonnière porta ses mains attachées à son visage dans un geste, bien inutile, de défense.
“Toutes mes excuses, Maitre de la Forge, pour mes propos insolents ! Je n’insinuais pas vouloir marchander. J’implorais clémence.”
Atornus poussa une dent restée sur la table d’une mécadendrite distraite.
“Nous verrons. Commence à parler, si tu te montres coopérative je serai déjà prêt à t’accorder une mort rapide et sans douleur.”
La kabalite à nouveau essaya de reprendre une posture convenable.
“-Elle- est venue pour vous assassiner.” dit-elle.
Les deux gardes d’honneur se raidirent instinctivement. Leodis gifla violemment la prisonnière.
Atornus leva une main pour calmer son lieutenant.
“Merci frère Leodis. Je pense que la prisonnière a compris l’intérêt de sa coopération.”
Rageur Leodis s’éloigna pour aller faire quelques ablutions. Le techmarine souleva la kabalite d’une mécadendrite et la déposa sur une chaise.
La kabalite reprit son souffle.
“Je pourrais mettre fin à ma vie maintenant. En l’espace d’un instant. Un seul mouvement de ma langue…”
“Non. J’ai été trahie. Je suis prête à coopérer.”
Un garde d’honneur s’approcha, sa lame de combat dégainée. Son supérieur l’arrêta d’un geste de la main.
La kabalite marqua une pause avant de reprendre.
Atornus se redressa de toute sa stature. Les gardes d’honneur, déjà tendus, redoublèrent d’attention. Atornus considéra la captive avec soin, alors qu’il parlait une mécadendrite passa sur la bouche de la captive pour en essuyer le sang coagulé.
“Nous devions servir de diversion pour permettre à Liatha de s’infiltrer. Mais elle a trahi notre position pour que nous soyons repérés. Pour augmenter l’efficacité de la diversion certainement…”
“Rien d’étonnant pour une race de vipères.” commenta un garde d’honneur. La prisonnière cracha au sol de mépris.
“Une histoire intéressante, continua Atornus, mais comment ta supérieure comptait arriver jusqu’à moi suffisamment armée pour me vaincre ? Elle sait certainement qu’un dispositif xenos impénétrable surveille toute introduction d’arme dans mes quartiers.”
“Je n’ai pas les derniers détails, mais ses armes sont déjà dans la citadelle depuis plusieurs jours.”
Les trois guerriers Astrates sursautèrent de concert.
“Comment ?!” s’écria le Maitre de la Forge.
“Blasphème !” rugit l’un des gardes d’honneur.
La kabalite baissa la tête.
“On dit que ces lames sont de véritables trésors d’archeo-technologie. Si ce que tu dis est vrai, alors tu pourras partir.”
“Les lames sont gardées par un traître. L’aspirant Feurit.”
Atornus se retourna vers ses frères.
“Dans ses quartiers. Il a été blessé il y a quelques jours lors d’une mission de repérage.”
“Descendez me le chercher. Fouillez ses affaires.”
Dix minutes plus tard les lourdes portes s’ouvrirent de nouveau sur un Leodis livide comme la mort. Son visage était un masque d’indignation et de stupeur. Alors qu’il fit en pas dans le sas d’entrée des centaines de rayons rouges lui barrèrent le chemin alors qu’une longue sirène se mit à retentir. Il leva lentement devant lui un paquet et fit glisser le tissu noir révélant deux superbes lames de pierre noire finement ciselées et parcouru de circuits bleus luisants.
“La prisonnière avait raison. Feurit cachait ceci.” annonça Leodis d’une voix tremblante qui trahissait l’émotion qui le submergeait de savoir qu’un frère avait osé commettre un tel acte.
Atornus désactiva l’antique système de protection xenos et s’avança vers Leodis. Ses yeux brillaient d’une lueur avide alors qu’il prenait une lame pour l’examiner.
Leodis déposa la seconde lame et le paquet sur la table de commandement et s’éclairçit la gorge. Atornus le regarde du coin de l’oeil.
“Maître, je vous demande l’autorisation de procéder à l’interrogation du frère Feurit.”
Atornus hocha la tête.
“Je comprends. Accordé. Mais que le chapelain-interrogateur Nathaniel vous seconde.”
Leodis tira une profonde révérence et reparti vers les ascenseurs.
Atornus revint vers la table, il déposa la lame qu’il tenait à côté de sa soeur. Les deux lames luirent un bref instant.
“Fascinant. Elles entrent en résonance. Quels mystères vont-elles me reveler…”
Puis il reporta son attention vers la prisonnière.
“Tu n’as pas menti. Tu mérites d’avoir la vie sauve. Y’a-t-il autre chose que je devrais savoir ?”
La kabalite jeta un regarde inquiet en direction des deux gardes d’honneur menaçants qui se tenaient derrière elle.
“Oui monseigneur. Ce n’était pas le seul traître.”
Le Maitre de la Forge ne put contenir un cri de surprise.
“Deux autres guerriers ont été corrompus grâce à un filtre très puissant. Ils obéissent désormais aveuglement à ma maitresse.”
“Insensé ! Absurde !” s’emporta Atornus.
“Comme ses lames qui sont maintenant sur votre table ?” demanda l’eldar noir à voix basse.
Atornus jeta un oeil vers les artefacts. Il recouvra son calme.
“Un point pour toi. Tu as déjà dis la vérité une fois. Comment puis-je reconnaître ces guerriers possédés ?”
La kabalite se tortilla inquiète sur sa chaise.
“C’est simple monseigneur. Leur iris est entièrement violette et je connais leur identité.”
“Parle maintenant !” s’écria Atornus.
“ll s’agit de vos deux gardes d’honneur qui se trouve en face de vous.” lâcha la kabalite d’un souffle.
Les deux gardes bondirent de surprise.
“Mensonge !” s’écria l’un d'eux alors que le second s’approchait déjà de la prisonnière d’un pas menaçant. Cette dernière, le visage encore en sang, se recroquevilla dans un vain geste de protection. Atornus leva une main impérieuse. Toute l’assistance se figea.
“Attendez. Notre prisonnière n’a pas menti jusqu’ici. Si elle dit encore la vérité, vous devriez avoir l’iris violette.”
Les deux gardes d’honneur hochèrent la tête.
“Si tu as menti, ta tête roulera sur ce sol, xenos. Frères, veuillez retirer vos casques et laver ainsi votre honneur.”
Les deux gardes désactivèrent les champs de protections de leurs antiques armures d’artificiers, puis devisèrent lentement les crans de sûreté de leurs casques. Comme un seul homme ils otèrent leurs casques et se tirent au garde à vous face à leur supérieur.
Leurs iris étaient normales.
Atornus tourna la tête vers la prisonnière.
La kabalite décolla lentement une mèche collée contre sa joue par son sang coagulé. Elle parlait lentement d’une voix grave dans laquelle glissait une pointe de joie malsaine.
“Maitre de la forge. Dites-moi, quelle est la seule faiblesse d’une armure d’artificier ?”
Atornus et ses deux gardes d’honneur regardèrent la prisonnière. Cette dernière souriait franchement en les dévisageant. Le maitre de la forge porta son regard vers les deux lames noires posées sur la table de commandement. La prisonnière suivi son regard. Dans la grande salle d’audience les quatre combattants restaient ainsi immobiles, face à face, mesurant chaque paramètre, chaque option.
“Ce sera plus amusant les mains liées. J’aime le challenge.” sussura la prisonnière.
Dans un éclair chaque guerrier s’élança, quatre machines de combat, éprouvées par des siècles d'entraînement, d’épreuves et de faits d’armes.
Dafron, le premier garde d’honneur leva son casque et s’empressa de le réajuster sur sa tête.
Sault, le second garde d’honneur lâcha son casque et dans un même geste dégaina son épée énergétique pour frapper la prisonnière. Le coup frappa une forme diffuse et ne trancha qu’un nuage d’ombre.
Atornus fit jaillir ses mécadendrites vers les lames noires, mais la prisonnière, plus rapide, lança sa chaise contre le paquet en faisant un salto-arrière, propulsant le paquet dans les airs, attrapa les lames au vol et retomba entre les deux gardes d’honneur.
Atornus se retourna. Les deux lames noires étaient plantées dans la gorge de ses deux gardes. Sault avait été frappé de plein fouet, Dafron avait failli réussir à verrouiller son casque, à une demi-seconde prêt la lame aurait frappé le plastacier. Du sang noir s’écoula lentement sur les lames puis les deux gardes s’effondrèrent.
“Liatha…” murmura Atornus en se remettant en position de combat.
La prisonnière, moqueuse, tira une grande réverence.
Atornus fut le premier à reprendre l’assaut. Sa hache énergétique toucha Liatha de plein fouet, ou du moins ce fut ce qu’il crut, jusqu’à ce que cette dernière se revèle n’être qu’une ombre diffuse. Un coup oblique vint le frapper à tempe. Liatha sortit lentement de l’ombre derrière Atornus.
Atornus reparti à l’attaque. Pendant plusieurs minutes le combat fit rage dans la salle d’audience, mais l’insaissisable Liatha gardait l’avantage. Un dernier coup sorti de nul part frappa le Maitre de la Forge à la gorge. Un flot de sang gicla sur le sol immaculé et il tomba à genoux. Liatha à nouveau réapparu.
“Ma maîtresse, Kith, t’envoie ses salutations sincères. Il est temps maintenant.”
L’assassin leva une lame et trancha une mécadendrite d’Atornus. Elle la ramassa et s’en servit pour activer un pupitre de contrôle. Des données défilèrent devant ses yeux, elle pianota sur le pupitre à la recherche d’une information. Derrière elle Atornus, agonisant, rampait en silence jusqu’à sa hache tombée un peu plus loin.
“Rampe mon vieil ami, rampe. Chaque effort que tu fais augmente ton rythme cardiaque et te précipite un peu plus vers la mort.” chantonna Liatha sans se retourner.
Atornus referma sa main sur sa hache. Liatha se retourna et leva une lame noire au dessus de lui. Il y eu un claquement sec, une brève explosion et Liatha disparu dans un nuage noir et un cri de douleur. A l’autre bout de la pièce venait d’apparaître un space marine dans une armure terminator décorée des plus formidables insignes du chapitre. Le guerrier rabaissa son fulgurant encore fumant.
“C’est terminé Maitre. Gardez vos forces.” annonça-t-il en en entrant dans la salle d’audience d’un pas assuré. Les ombres bougèrent autour de lui.
“Terminé ?” interrogea la voix de l’assassin semblant sortir de nul part. Il y eut un mouvement derrière le space marine, ce dernier ne se retourna pas et lâcha une rafale contre une tenture à sa droite, une ombre furtive sorti précipitamment de ce fragile couvert et se redressa devant lui.
“Habile.” concéda l’assassin en se remettant d’aplomb.
“Tu vas mourir ici xenos.” grinça le space marine d’une voix d’outretombe.
“Tu ne sais pas seulement qui je suis.” reprit l’eldar noir en léchant le sang d’une de ses lames.
“Ca ne fait aucune différence, l’interrompit le space marine en rugissant , je suis Varn.”
Le guerrier tira en direction de Liatha qui disparu dans l’ombre, l’instant d’après elle réapparu à la droite de Varn qui avait anticipé le mouvement et lui éclata les côtes de son gantelet énergétique. Immédiatement il chargea, une lame noire frappa une épaulière de l’armure qui tint le choc, Varn contre-attaqua d’un revers du poing qui envoya Liatha rouler contre la table de commandement. Une rafale de fulgurant la forca à nouveau à s’abriter. Varn se jeta sur elle. Alors qu’elle disparaissait à nouveau devant le coup du space marine, ce dernier arracha la table entière dans un geste d’une puissance surhumaine.
“Tu es peut-être invisible, mais tu es toujours là.” hurla Varn en faisant tournoyer l’immense table autour de lui, balayant l’espace en une fraction de seconde.
La table rencontra une forme solide et il y eu un bruit d’os brisé. L’eldar noir vola à travers la pièce et vint s’écraser contre un mur.
Varn laissa tomber la lourde table et se revela de toute sa hauteur.
“Je suis Varn, Champion du chapitre Imperial Fist, Protecteur de la Citadelle de Vamii. Et toi tu es ma victime !”
Liatha se releva péniblement, son bras droit pendait le long de son torse. Du sang s’écoulait maintenant abondement de son flanc gauche.
Les deux guerriers se faisaient face.
Liatha s’élança vers la grande baie vitrée de la salle d’audience. Varn leva son fulgurant pour intercepter la fuyarde. D’un geste brusque l’eldar noir lança une petite sphère en direction d’Atornus gisant. Varn l’intercepta d’un mouvement fluide de son gantelet énergétique. Il serra le poing, le champ énergétique de la puissance arme s’activa, il y eu une explosion étouffée puis plus rien. Liatha brisa la baie vitrée de sa lame noire et disparu dans la nuit. Varn s’approcha du vide et observa un instant la paroi balayée par la pluie et un vent furieux.
Au même instant, sur la plateforme d’atterissage NV87 de la citadelle de Vamii, un petit aquila de la flotte impériale atterissait. A son bord des personnels impériaux très particuliers, recommandés par la maréchal de l’air Everlid Passang en personne. Jogan, Djamsha, X et Miro.
“La plateforme est étrangement calme.” commenta Jogn en essayant de mieux voir par la petite écoutille latérale de l’aquila.
“Cesse de t’inquiéter, nous sommes arrivés à bon port. Il ne peut plus rien nous arriver maintenant.” répondit Djamsha depuis son brancard. Il était sorti de son coma pendant le voyage mais ne pouvait encore bouger qu’à grande peine.
La rampe d’accès de l’appareil s’abaissa. Devant eux trois serviteurs éventrés baignaient dans leur sang. Une eldar noir menaçante apparue, l’arme en main et monta à bord.
“Au moindre mouvement vous êtes morts. Pilote, décollage immédiat pour le complexe principal du Departmento Munitorum.”
Le copilote dégaina son pistolaser en un éclair, un léger voile noir traversa l’habitacle et il s’effondra tranché en deux dans le sens de la hauteur.
“Je n’ai pas le temps de jouer.” poursuivit la tueuse qui semblait n’avoir même pas bougé. Chacun resta figé de stupeur. L’eldar noir fit glisser une étrange lame noire sur le cou du pilote. L’appareil prit son envol. L’eldar noir pianota sur un bracelet qu’elle portait. Des données apparures, projetées par une technologie xenos. Lentement un portrait se dessina. L’eldar le déplaça pour le projeter à côté de Jogan.
“Transmecanicien Jogan Trevor ?” demanda-t-elle d’une voix légèrement haletante.
Jogan regarda de plus prêt les données qui défilaient derrière le portait.
L’assassin éteignit la projection et porta une main à ses côtes en grimaçant.